La dernière victime

de Image de profil de Elora NipovaElora Nipova

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Il était assis sur une chaise en métal, face à une table faite du même matériau, il se tenait droit, ses mains étaient jointes sur ses genoux, sa tête était haute, son regard fixé sur un point invisible, un léger rictus étirait ses lèvres fines. Il était fier de lui, il avait réussi son coup car bientôt, elle serait face à lui, il pourrait voir tout le mal qu'il lui avait fait.

Une porte claqua derrière lui, mais il ne cilla pas une seule seconde. Il sentait son parfum envahir la pièce, il l'aurait reconnu entre mille, c'était le même que celui de sa mère. Son sourire malicieux s'étira un peu plus lorsqu'il repensa à cette femme qu'il avait connu dix ans plus tôt. C'était une belle femme, sa chevelure brune, épaisse, retombait en une cascade boucles sur ses épaules, elle avait le visage parsemé de nombreuses tâches de rousseurs qui lui donnaient un air enfantin malgré les années. Cette femme dans la fleur de l'âge avait été sa première, il se souviendrait toujours d'elle. Et il aimait se dire que sa fille serait sa dernière. Il prendrait un malin plaisir à lui faire subir la même chose.

Une silhouette féminine se mut à côté de lui, l'effleura même, avant de s'asseoir face à lui sur une chaise identique à la sienne. Elle posa un dossier épais sur la petite table dans un fracas. Elle appuya ses coudes sur la surface métallique et se pencha vers lui, plantant ses yeux verts dans les siens. Elle avait le même regard brûlant de haine que sa mère. Ses iris verts seraient tellement beaux lorsque la vie les quitterait. Ça avait été fantastique avec sa mère, ça le serait d'autant plus avec sa fille.

- Vous savez pourquoi vous êtes ici ? demanda-t-elle.

- Bien sûr inspecteur, lui répondit-il d'une voix sûre.

- C'est terminé maintenant, lui assura-t-elle, une pointe de satisfaction dans le ton employé.

Il souriait toujours, il l'observait et le spectacle qui s'offrait à lui le ravissait. Il la détaillait sans ménagement, s'attardant sur chaque détail de son visage, de son corps. Elle avait la peau lisse, légèrement mâte, elle serait vraiment belle lorsqu'il en aurait terminé avec elle.

- Vous avez les mêmes yeux qu'elle, argua-t-il. Légèrement plus clair peut-être.

L'inspecteur fronça les sourcils, elle ne s'attendait certainement pas à cela. Il fut alors ravi de voir que son regard malicieux s'effaça soudainement. Il avait appuyé sur un point sensible. Elle était si prévisible, c'en était presque mignon.

- Je vous interdis de parler d'elle, gronda-t-elle, ses poings se contractant devant son menton.

Elle prit sur elle pour se calmer, serrant et desserrant ses poings à trois reprises comme pour se détendre les doigts et s'empêcher de le frapper. Il sourit. Il aimait constater l'effet qu'il avait sur elle. Il la mettait en colère, c'était bien, il aimait cela.

- Vous reconnaissez les faits ? demanda l'inspecteur de la police judiciaire de Paris.

- Bien sûr, répondit-il toujours aussi calmement.

La petite brune face à lui semblait ne pas le comprendre, son calme et son air satisfait la rendait vulnérable. Elle aurait aimé trouver en lui ne serait-ce qu'une once de culpabilité, mais elle se rendait compte qu'il était fier de ce qu'il avait fait subir à ces quarante-neuf femmes. Il était totalement inhumain, terrifiant.

- Vous êtes certaine de ne pas vouloir savoir comment se sont déroulées ses dernières heures ? demanda-t-il calmement. Ça pourrait vous donner un aperçu de ce qu'il vous arrivera quand je m'occuperai de vous, continua-t-il en la fixant toujours de son regard bleu, intense.

La jeune femme sembla perturbée l'espace de quelques secondes, mais elle se reprit bien vite. C'était bien, elle était forte, elle lui résisterait certainement plus que sa mère, c'était plus intéressant que de tomber sur une femme qui se laissait faire comme ça avait été le cas pour sa vingt-deuxième victime. Elle ne s'était même pas débattue tant elle était paralysée par la peur, il n'avait pris aucun plaisir à la tuer contrairement à toutes les autres. Ce qu'il regrettait le plus avec elle c'était qu'il n'avait pas pu capter le moment où elle perdait totalement espoir, parce qu'elle était déjà désespérée avant même qu'il ne commence à s'occuper d'elle.

- C'est fini pour vous, lui expliqua la brune. Vous allez finir en prison et répondre de vos actes devant un tribunal.

- J'en doute jeune fille, souffla-t-il. Il manque une victime à mon tableau de chasse, vous.

- Et comment comptez-vous faire cela maintenant qu'on vous a arrêté ? l'interrogea-t-elle brusquement.

- Ne vous inquiétez pas de cela, articula-t-il. Tout est prévu, voyons. Et d'ici quarante-huit heures, vous serez morte, tout comme votre mère, transformée en une magnifique poupée qui complètera parfaitement ma collection.

- Vous n'êtes pas aussi intelligent que vous pensez l'être, se défendit-elle. C'est terminé. Vous ne pourrez plus rien faire désormais.

- Nous verrons bien, continua-t-il toujours aussi sereinement.

Elle n'en revenait pas. Ce calme était effrayant, il avait l'air si sûr de lui. Mais comment pouvait-il penser pouvoir s'échapper et la tuer à son tour, comme il l'avait fait pour sa mère dix ans plus tôt ? C'était complètement insensé. Perdue dans ses pensées, elle réfléchissait à ce qui pouvait lui donner cette assurance, elle tenter de démêler le problème, mais il n'y avait rien à faire, elle ne comprenait pas. C'était impossible. Jamais il ne pourrait lui faire de mal. Ils l'avaient arrêté quatre heures plus tôt, il avait avoué les faits, il serait envoyé en prison dès sa sortie de la salle d'interrogatoire.

Un rictus malicieux toujours greffé au visage, l'homme âgé d'une quarantaine d'années observait encore la jeune femme, sa prochaine victime dont il se délecterait tant. Elle avait perdu l'éclat de rage qui brillait dans ses yeux lorsqu'elle s'était installée face lui, laissant place à un regard vide de sens, signe qu'elle était perdue, choquée par ce qu'il venait de lui dire. C'était très bien ainsi, il aimait savoir que ses victimes angoissaient son arrivée.

- C'est impossible, s'énerva-t-elle. Vous allez passer le restant de vos jours en prison de toute façon. Vous ne pouvez rien me faire, cracha-t-elle avec dédain.

- Vous n'êtes à l'abri de rien, inspecteur, ricana-t-il.

Furieuse, la jeune femme se leva et sortit précipitamment de la pièce. Elle ordonna aux deux policiers en uniformes, qui se trouvaient devant la porte, de conduire le criminel en cellule et s'éloigna d'un pas décidé jusqu'à son bureau. Elle avait tout un tas de dossier à terminer avant de rentrer chez elle. Pourtant assise devant la montagne de papier, elle n'avait pas la tête à cela, trop obsédée par ce que l'homme qui avait tué sa mère lui avait dit, par sa confiance effroyable.

Soufflant bruyamment, elle se leva d'un bond et sortit précipitamment du bâtiment mythique du 36 Quai des orfèvres où elle travaillait. Elle marcha d'un pas rapide jusqu'à un petit bar où elle avait l'habitude de se rendre lorsqu'elle avait besoin de décompresser.

- Journée difficile ? demanda le barman.

- Ouais, sers-moi un whisky sans glaçon s'il te plait, souffla-t-elle.

Elle but le liquide ambré d'une traite et tendit de nouveau son verre au grand brun qui se tenait derrière le comptoir. A contrecœur, il remplit de nouveau son verre et l'observa pour l'alcool plus lentement. Il savait qu'elle ne lui dirait rien, pour des raisons évidentes de confidentialité des enquêtes, mais il avait compris que quelque chose s'était passé.

- Aller, faut rentrer maintenant, dit-il en lui attrapant la main.

Comme d'habitude, lorsqu'elle venait dans son bar dans cet état, il la ramenait chez elle. Et comme d'habitude, ils terminaient la nuit ensemble, dans une symphonie de râles rauques et de souffles saccadés avant qu'elle ne lui ordonne de s'en aller.

Son téléphone sonna, mais épuisée par sa journée, par les nombreux verres qu'elle avait ingurgités, par la nuit qu'elle venait de passer avec son amant, elle ne répondit pas. Laissant le répondeur se déclencher.

- Inspecteur, c'est important ! dit une voix masculine à toute vitesse. C'est Garnier, il s'est évadé. Il a tué les deux policiers qui le conduisaient en cellule. Il faut vous mettre à l'abri. Nous vous envoyons une équipe pour vous conduire en lieu sûr, avec ce qu'il a dit cet après-midi, il vaut mieux prendre le moins de risques possible.

La jeune femme n'avait pas écouté le message, elle s'était endormie, plongée dans un sommeil profond par les nombreux verres d'alcool. Elle aurait pourtant dû. Si elle avait entendu cette information, elle serait encore vivante. Mais elle s'était endormie et il l'avait retrouvée.

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