Épilogue
Take a trip into my garden
I've got so much to show ya
The fountains and the waters
Are begging just to know ya
And it's true, baby
Fais un tour dans mon jardin
J’ai tant de choses à te montrer
Les fontaines et les eaux
Supplient de te connaitre
Et c’est vrai, bébé
Troye Sivan - Bloom
Axel
Dimanche 17 octobre 2021
Il y a quelques mois, j’ai fait la connaissance d’Angélique, la nouvelle compagne de mon père. C’était vraiment étrange de découvrir mon père dans son nouveau foyer. Et encore plus de le voir avoir des gestes tendres envers une inconnue, surtout enceinte jusqu’au cou. J’ai eu cette drôle de sensation d’être dans un univers parallèle.
À ma seconde visite, j’ai rencontré Rose, ma petite sœur. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais j’ai quand même été déçu. J’espérais peut-être me sentir « grand frère » juste en la voyant, mais ça n’a pas été le cas. Tout ce que j’ai vu, c’est un tout petit bout de chou endormi, tout rose, elle porte bien son nom. Aucun lien avec moi.
Aujourd’hui, c’est ma troisième visite, j’ai toujours un peu d’appréhension. Mon père m’a invité et j’ai choisi de venir, personne ne m’a forcé, mais une fois devant la porte, au moment de sonner, je me demande ce que je fais là.
Je commence à me familiariser avec cette autre version de mon père. Il a l’air épuisé, mais surtout plus heureux. Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment il était avec moi bébé. Est-ce qu’il souriait autant ?
— J’ai trouvé ça pour Rose, dis-je en sortant un petit paquet de mon sac.
— C’est gentil, me dit mon père.
Il déballe le panda en peluche.
— C’est adapté pour les bébés, expliquè-je. J’ai bien vérifié !
— Oh, mais il est trop mignon ! s’exclame Angélique. Tu veux lui donner ?
— Ouais ok.
Je m’approche timidement du cosy où elle est installée. Elle a changé depuis la dernière fois, ses yeux sont grands ouverts. Elle me fixe et affiche un large sourire qui me déstabilise.
— Je te présente Bandit, improvisè-je en lui montrant.
Elle tend la main et cherche à l’attraper sans succès. Je pose délicatement la peluche contre elle. Elle ouvre grand la bouche pour baver sur l’oreille du pauvre panda.
— Ah, mais non ! Ça se mange pas ! protestè-je.
— C’est sa manière de découvrir le monde, m’explique mon père.
Elle gazouille comme pour confirmer.
— Ça lui plait ! commente Angélique.
Effectivement, elle a l’air d’aimer.
— Elle est tellement minuscule. C’est à la fois bizarre et super mignon.
— Oui, toi aussi tu étais comme ça, répond mon père. Un adorable bébé !
— Je suis toujours adorable ! Dommage qu’elle n’ait pas de taches de rousseur, elle serait parfaite !
— Ça viendra peut-être, réplique mon père, qui en est aussi couvert. Les tiennes sont apparues quand tu avais sept ans.
— C’est vrai.
Ça me surprend à chaque fois que je vois des photos de moi enfant, j’ai même du mal à me reconnaitre sans ces tâches qui constellent ma peau.
— Je vais aller la coucher, annonce mon père en se levant.
— J’y vais, propose Angélique. Profite de la présence d’Axel.
Pris de court, il les regarde s’éloigner et se rassoit. Un silence gênant s’installe.
— Elle a dû avoir peur de se retrouver seule avec moi, plaisantè-je. Du coup, désolé, c’est toi qui t’y colles. Mais je comprends, Rose est bien plus mignonne.
— Elle dit surtout moins de bêtises, me taquine-t-il.
— Oui, ok, mais c’est de la triche, elle ne parle pas du tout. Attends un peu qu’elle grandisse, je serai là pour lui apprendre !
Nous rions. Il pose sa main sur mon bras.
— Merci pour tes visites Axou. Tu sais, Angélique ne te fuyait pas, elle t’apprécie.
— Ah bon ? On se connait à peine ! Mais c’est cool. Elle a l’air sympa.
Il approuve d’un hochement de tête, un sourire amoureux sur les lèvres.
— Si jamais vous avez besoin d’un babysitter… Faudra juste que tu m’expliques bien tout avant !
— Merci c’est très gentil.
Sa voix est plus basse qu’habituellement.
— …je sais que tous ces changements… ce n’est pas facile pour toi, et j’apprécie vraiment que tes visites. Ça compte beaucoup pour nous.
Mon père n’est pas du genre à livrer ses sentiments. Ses mots me touchent, tout autant que la confiance qu’il m’accorde. Il me prend dans ses bras. J’aime les câlins, mais son geste me surprend, cela faisait longtemps.
— C’est normal papa. On peut pas toujours être d’accord. Mais… je t’aime.
— Moi aussi mon fils.
— Tout ça, c’est la faute à mamie ! Elle passe son temps à dire : La famille c’est important.
Il acquiesce, lentement, les yeux embués et le regard perdu dans le vague.
— Ça va papa ? demandè-je inquiet. Tu veux que je te laisse te reposer ? T’as l’air crevé.
Il se passe les mains sur le visage, d’énormes cernes entourent ses yeux, mais il a toujours son sourire.
— Oui, je suis crevé, on ne dort pas beaucoup. Mais reste encore un peu, ça me fait plaisir.
À mon tour d’acquiescer. Un nouveau silence s’installe et son visage s’assombrit.
— Tu sais… si tu veux me dire quelque chose. Je suis grand maintenant, enfin j’essaye.
J’affiche un sourire que j’espère rassurant. Il rit en ébouriffant les cheveux.
— Oui, tu as bien grandi, mais tu seras toujours mon petit garçon. Non, mais… c’est juste que je pensais à la famille d’Angélique.
— Sa famille ?
— Oui, ses parents ont très mal réagi quand elle leur a annoncé qu’elle était enceinte, alors que nous ne sommes pas mariés. Et encore plus quand ils ont su que j’étais déjà marié et père de mon côté.
— Oh merde…
— Oui, comme tu dis…
— Ça s’est arrangé depuis ?
— Non, malheureusement. Ses parents et ses frères ne veulent plus entendre parler d’elle. C’est très difficile pour elle.
Je me sens soudain très con avec mes petites réflexions méprisantes.
Depuis l'annonce de la séparation, je n’ai pas été tendre avec mon père. Je lui ai fait payer le prix fort. Je lui ai reproché de faire sa crise de la quarantaine et de tout abandonner pour une femme plus jeune. J’ai jugé Angélique avant même de la rencontrer. Je me suis même moqué du prénom du bébé. Pas une seule fois, je ne me suis mis à la place de mon père, et encore moins à celle d’Angélique. Pour moi, elle n’était qu’un grain de sable venu briser notre famille. Aujourd’hui, je comprends qu’elle a tout quitté pour l’homme qu’elle aime. Je n’imagine pas à quel point ça doit être difficile. Je comprends mieux son anxiété lors de nos premières rencontres, elle avait peur que moi aussi je la juge, ce que j’ai fait. Elle fait tout pour que ça se passe bien entre mon père et moi, car pour elle aussi, la famille c’est important. Je m’en veux d’avoir été aussi bête.
Quelle horreur d’être rejeté par les siens.
— Papa, tu sais, je suis dans une association LGBT à la fac.
— Oui, tu en avais un peu parlé. Ça se passe bien ?
— Oui, très bien. Alors je sais que la situation n’a rien à voir… mais…
J’hésite un instant, mon père me fait signe de continuer.
— Ça fait écho à des témoignages que j’ai entendus là-bas. La question de famille et de rejet revient souvent. J’espère que ça va s’arranger pour Angélique, mais des fois, quand la famille est toxique c’est mieux de continuer sans, et d’en choisir une autre. Et comme tu me l’as dit il y a quelques mois : une famille peut prendre de nombreuses formes.
Mon père acquiesce lentement, puis passe ses bras autour de mes épaules pour m’attirer à lui.
— Merci Axou. Cette nouvelle famille, je souhaite sincèrement que tu en fasses partie.
***
Lundi 18 octobre 2021
Je retrouve Liang sur le campus pour le déjeuner.
Nous sommes assis sur notre banc, de retour là où tout a commencé. Je lui tends un des sandwichs que je viens de sortir de mon sac.
— Jambon, fromage, annoncè-je. Désolé, c’est basique. Je cuisine pas aussi bien que toi.
— N’importe quoi ! C’est super gentil d’avoir tout préparé. Merci
Il croque dedans à pleines dents et me jette un regard appréciateur.
— C’est très bon ! dit-il la bouche encore pleine.
— Merci. J’en ai aussi fait un pour ma mère, elle était jalouse !
Je ne le quitte pas des yeux et m’attarde sur sa bouche.
— J’espère que tu auras encore faim pour le reste, murmurè-je.
Il s’arrête de mâcher, tout d’abord interloqué, puis son regard change, devenant plus espiègle. Il se passe la langue sur les lèvres répondant à ma provocation. J’adore ce petit moment.
— Toujours pour toi ! rétorque-il en riant.
Il boit une gorgée d’eau, puis se rapproche et pose brièvement ses lèvres fraiches sur les miennes.
— Comment ça s’est passé hier chez ton père ? me demande-t-il.
— Super bien ! D’ailleurs, tu es invité pour le prochain repas. Ils veulent faire ta connaissance.
— C’est gentil, avec plaisir.
— Rose a beaucoup aimé la peluche ! Elle a bien changé depuis la dernière fois.
Je lui tends mon téléphone pour lui montrer les photos.
— Elle est mignonne !
J’acquiesce en souriant. Liang fixe toujours l’écran, ses sourcils se froncent légèrement et il me rend aussitôt le téléphone.
— Tu as un message ! me dit-il.
— C’est pas un nude… vu que tu es là, ricanè-je.
— Non, mais je crois que c’est pour ton stage !
J’ai trouvé l’école idéale pour ma formation d’animateur nature, mais mon inscription ne sera validée qu’à condition que je trouve un stage en alternance. C’est là que ça se complique, sans expérience, personne ne veut me prendre.
Je lis le mail, deux fois. La main de Liang caresse mon bras.
— Tu vas finir par trouver…
— Je suis pris ! dis-je en éclatant de joie. Regarde ! C’est écrit là ! Je suis pris ! En plus, c’est là où on avait fait la sortie avec ta sœur !
— Génial ! C’était super ce lieu !
— Oui, et l’équipe a l’air vraiment sympa ! Et attends ! C’est pas tout, lui expliquè-je. Ils me demandent si je suis dispo en urgence pour un remplacement la semaine prochaine ! Pour accueillir des groupes d’enfants pendant les vacances scolaires !
Il m’entoure de ses bras.
— Bravo ! Tu peux être fier de toi !
Son enthousiasme me fait sourire, il a l’air aussi heureux que moi. Je passe ma main dans son dos. Lorsque nos bouches se rejoignent, on entend quelqu’un crier :
— Prenez une chambre !
— Encore un jaloux, soupirè-je. On peut jamais être tranquilles.
— Tu sais, me répond Liang, je peux me libérer On pourrait fêter ça tous les deux…
Il me sort son sourire le plus craquant, je suis obligé de fermer les yeux pour me protéger.
— Ah… arrête, tu as dit que c'était un cours important ! protestè-je. Je ne veux pas être responsable de ta débauche !
— Trop tard ! répond-il d’un ton mielleux.
Il couvre mon visage de baisers tout en riant.
— T’as quoi, deux heures de cours ? demandè-je. Zen, je peux tenir le coup. Je vais aller faire un tour à Arc-en-ciel, puis je reviens te chercher.
— D’accord. Et après, quel est le programme ?
La pointe de sa langue apparait de nouveau entre ses lèvres, et m’hypnotise.
— Tout ce que tu veux mon cœur.
Nos doigts s’entrelacent, nos regards s’accrochent. Aussitôt, je m’imagine, allongé sur mon lit, Liang au-dessus de moi, mes mains partout sur lui et ses yeux pleins de désirs.
Je me penche vers lui pour embrasser son cou, sa peau frissonne sous mes lèvres.
— On va faire des bébés, murmurè-je.
— Quoi ? demande Liang hilare.
— Je parlais de faire des bébés, répétè-je. Enfin, pas là tout de suite, on a le temps… genre dans genre dix ans…
— Avec moi ? demande-t-il timidement.
— Oui ! bien sûr, si c’est ce que tu veux aussi. Sinon, on prendra des chats.
Il secoue la tête, toujours avec un large sourire.
— Lorsque je m’imagine plus vieux, je me vois bien avec des enfants, répond-il après un temps de réflexion.
J’aime qu’il ne prenne pas peur quand je lui dis ce qui me passe par la tête. N’importe quel autre mec serait parti en courant, mais Liang entre dans mon délire, avec le sourire. Je l’aime de tout mon cœur.
— N’importe quoi !
— Imagine un peu les supers bébés : ma beauté et ton intelligence !
Il secoue la tête.
— Bon ok, toi tu triches, t’as déjà tout : l’intelligence et la beauté, mais je pourrais leur donner les taches de rousseur !
Il dépose un baiser sur ma joue, il a du mal à parler tellement il rit.
— D’adorables enfants, c’est sûr, mais tu oublies juste un léger détail technique. La biologie n’est pas de notre côté.
— Roh, c’est rien ça ! Et puis, attends, les vampires existent, tout comme les fées et les loups-garous. Mais deux mecs qui s’aiment ne pourraient pas faire de bébé ? Il doit bien y avoir un moyen ! Et si on faisait une formule magique ? Avec des poils de licorne, une belle aubergine, mon doigté et ton coup de reins magique !
Il éclate de rire. J’adore le voir comme ça. Parfois, je dis n’importe quoi, juste pour le plaisir de l’entendre rire.
— Si c’est toi qui les portes, ça me va ! répond-il quand il a enfin retrouvé son souffle.
— Oh merde, j’avais pas pensé à ça.
— C’est pour ça que je suis là, me taquine-t-il.
— Non, mais avec les fées, on doit pouvoir trouver d’autres solutions, non ? On peut pas les avoir dans un œuf ?
— On parle d’enfants ou de Pokémons ?
Nous repartons dans un nouveau fou rire.
— Je t’aime, lui dis-je au creux de l’oreille.
***
Liang
Je suis en cours, enfin physiquement, parce que mon esprit est resté avec Axel. Je ne pense qu’à le retrouver.
Je suis tellement content pour son stage. Depuis des semaines, il a enchainé les entretiens et les refus sans jamais baisser les bras. J’adore sa persévérance et son optimisme. Il va pouvoir avancer dans son projet et faire ce qu’il aime. Il le mérite.
Je repense également à notre conversation sur les enfants. Axel qui me parle de bébé, comme ça sans préavis avec son naturel et son charme habituel. Il est unique en son genre. J’adore nos échanges, on parle de tout et parfois de rien, toujours dans l’écoute, c’est apaisant et enrichissant.
Il m’arrive encore de me laisser envahir par le doute, par cette peur glaçante qu’il se lasse de moi. Mais un baiser ou un regard d’Axel suffit à me rassurer. Après quatre mois de moments tendres, de sexe, de balades et de rires, la magie est toujours là. Nous sommes plus amoureux et complices que jamais.
Axel veut des enfants avec moi ! Il a envie de passer sa vie avec moi ! L’idée me plait bien… non, ça me plait beaucoup, avec ou sans enfant, biologique ou non, moi aussi, je le veux dans ma vie.
Qu’est-ce que je fais en cours, alors que je pourrais être dans ses bras ? Le pire c’est que c’est lui qui a insisté pour que j’y aille.
Liang : j’aurais pas dû t’écouter !
Axel : Lapinou, va falloir être plus précis !
Axel : parce que cela peut s’appliquer à beaucoup de choses
Liang : j’aurai du filer avec toi !
Axel : je suis pas loin
Axel : et je t’attends sagement
Liang : je n’ai pas du tout envie d’être sage
Axel : t’inquiète pas mon lapinou, tu l’auras ta carotte !
Caché derrière l’écran de mon ordi portable, je ricane. À côté de moi, Marco me jette un regard amusé.
— Si tu veux, je t’envoie mes notes, propose-t-il à la fin du cours. Ça ne sera pas aussi bien que celles de Flavie, mais je me suis appliqué pour Abi.
J’étais tellement perdu dans mes nuages que je n’avais pas remarqué son absence. Elle était pourtant là ce matin.
— Elle va bien ? demandè-je.
— Ouais, elle est juste avec son Amaury.
Je souris en songeant que j’aurai dû faire pareil.
Le flirt entre Abinaya et Amaury s’est concrétisé pendant l’été. Ils sont très discrets à la fac, je n’ai croisé Amaury qu’à de rares occasions et ça me convient très bien. Je ne suis pas à l’aise avec lui.
— Je veux bien pour tes notes, merci beaucoup.
Je remarque ses sourcils froncés et sa bouche pincée.
— Marco ? Ça va ? le questionnè-je.
— Oui, c’est juste que… tu vas me trouver parano, mais ce mec, je le sens pas.
Je repose mon sac sur la chaise et cherche quoi répondre.
— Je le connais pas vraiment. Tu t’inquiètes pour Abi ?
— Oui. J’ai l’impression qu’il la mène en bateau.
Il pousse un long soupir et se passe la main sur la nuque.
— Au départ, j’étais content pour elle, reprend-il, mais plus ça va, plus je me questionne. Il n’arrête pas de lui faire des faux plans, alors qu’elle se plie en quatre pour lui. Là, par exemple, ils devaient se voir ce week-end, il a annulé au dernier moment, et ce midi, elle reçoit un message, parce que Monsieur est enfin dispo. C’est vraiment abusé !
Surtout de la part de quelqu’un qui a bien insisté sur l’importance d’être présent en cours. Quel hypocrite !
— Tu lui en as parlé ? demandè-je
— Non, pas vraiment. Actuellement je sais qu’elle ne m’écoutera pas. Elle est bien trop accro. En plus, j’ai peur qu’elle le prenne mal, ou pire qu’elle s’éloigne de moi.
— Quand j’ai commencé à voir Axel, ma sœur a essayé de m’en disuader, racontè-je. Et effectivement, ça ne m’a arrêté.
— Ah oui ? Et tu lui en veux ?
— Non, pas du tout, je comprends sa réaction. Elle ne connait pas Axel comme je le connais et il avait une certaine réputation. Elle était inquiète, elle a eu peur qu’il me fasse du mal.
— Tu penses que je devrais parler à Abinaya ?
— Dur à dire, et tu la connais mieux que moi. Désolé, je t’aide pas beaucoup.
— Sisi, déjà, ça me soulage d’en parler.
— Tu penses qu’il lui fait du mal ?
— Peut-être pas volontairement, mais Abi donne tout pour lui et je n’ai pas l’impression que ça soit réciproque. Je sais pas à quoi il joue. Devant vous, elle garde le sourire, mais ça la mine. On se connait depuis le lycée, on parle beaucoup et je sais que ça la rend triste. Elle bataille seule dans cette relation.
— L’amour ne devrait pas être une bataille.
Il acquiesce.
— Non, et puis, y’a des gros reds flags. Il ne parle jamais de lui ni de sa famille. Il ne l’a jamais invité chez lui. Au bout de plusieurs mois de relation, je trouve ça super louche. Je me demande si le mec a pas quelqu’un d’autre dans sa vie.
Là, je comprends. Les images volées me reviennent. Le grand appartement froid, les longs couloirs et la pièce sombre dans laquelle était cachée la jeune femme à peau d’écailles.
Amaury a effectivement un secret difficile à partager.
***
Je retrouve Axel à l’extérieur, j’arrive essoufflé et lui tombe dans les bras.
— Désolé, je discutais avec Marco.
— Pas de souci. Tu as couru pour moi ?
— Courir est un bien grand mot, mais j’ai marché vite. Je voulais pas te faire trop attendre.
— Tu sais, je t’aurai attendu, le temps qu’il faut.
Il caresse ma joue, ses doigts remontent dans mes cheveux. Son regard est plongé dans le mien. Son sourire est juste trop craquant.
— Chinois ou chez toi ? demande-t-il.
Consterné, j’ouvre grand la bouche, mimant le choc, mais je finis par exploser de rire.
— Cette blague est tellement nul ! Et t’as rompu le charme !
— Tant que je te fais rire, tout va bien, répond-il. Je te propose qu’on aille chez moi, ma mère rentre plus tard aujourd’hui. Et je suis prêt à te réenchanter de tous les côtés !
Pendant le trajet en voiture, je repense à ma discussion avec Marco et me pose mille questions. Est-ce que j’aurais dû dire à Marco ce que je pense d’Amaury ? J’aurais peut-être dû avertir Abinaya depuis le début… Mais l’avertir de quoi exactement, et surtout de quel droit ?
— Liang ça va ? me demande Axel. T’as l’air ailleurs, trop loin de moi.
Je me tourne sur lui et pose ma main sur sa cuisse.
— Oui, pardon.
Je lui raconte mon échange avec Marco, dans un premier temps, sans lui faire part de mes questions.
— Ah merde. J’espère pour elle que Marco se trompe. On sait jamais vraiment comment ça se passe dans un couple. Regarde mes parents, tout le monde pensait qu’ils étaient bien ensemble.
— Oui, bien sûr. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander… Et si c’était lié à autre chose, au secret qu’il garde…
— Tu parles de ce que tu as vu chez lui ? La femme serpent ?
— J’ai pas parlé d’une femme serpent, j’ai juste vu une main couverte d’écailles. Mais oui, c’est de ça dont je parle. Il cache bien quelque chose…
— Mais ce n’est pas pour ça qu’il trompe Abi.
— Exactement. Je n’aurais jamais dû prendre ses clés, mais maintenant que je sais, je culpabilise de ne rien faire.
— Tu penses à quoi ?
— Je sais pas justement. Peut être que je devrais parler avec Abinaya.
— Pour lui dire quoi ?
— Que Amaury a ses raisons…
— La première chose qu’elle va faire c’est te demander quoi et comment tu es au courant, puis elle ira lui en parler, non ?
— Merde… oui tu as raison.
— Alors je sais que votre relation n’est pas partie sur les meilleures bases, mais peut-être que c’est Amaury à qui tu dois parler.
— Comment ça ?
— La personne que tu as vue, c’est une créature non ?
— Oui je pense.
— Pourquoi est-ce qu’elle se cache ?
— Probablement parce qu’ils ne comprennent pas ce qui passe.
Je sais ce que c’est d’être différent, de devoir s’isoler, mais je ne suis pas sûr d’être capable d’apporter mon aide.
— Je sais pas… ça me parait un peu compliqué.
Je baisse la tête.
— Je crois que je me sens pas de faire ça.
— Tu es allé chez un vampire, mais le gentil intello de l’administration de la fac te fait peur ? me taquine Axel.
— Oui, peut-être. Et il n’a pas été si gentil que ça !
— Ok, ok… Je comprends.
Axel se concentre de nouveau sur la route, me laissant à mes questionnements.
— Attends, dit-il quelques minutes plus tard, je pense à un truc, tu vas surement trouver ça con, mais… et si on mettait Amaury en relation avec Anastase ? Quand je parle de relations, rien de sexuel, enfin… Ils feront bien ce qu’ils veulent, ils sont grands. Mais je me disais qu’Anastase a peut-être encore de la place dans son refuge.
— C’est pas con du tout, c’est même une excellente idée !
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Et voilà, ainsi se termine Le voleur de souvenirs. Je suis émue de quitter mes personnages.
Un grand merci à vous lecteurices pour vos corrections et commentaires !
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