29. Un cactus et des roses - Axel
Take me down to the Paradise City
Where the grass is green and the girls are pretty
Take me home (I want you, please, take me home)
Emmène-moi à Paradise City
Où l’herbe est verte et les filles sont jolies
Ramène-moi à la maison (je te veux, s’il te plait, ramène-moi à la maison)
Guns N’Roses - Paradise City
Jeudi 1er juillet 2021
Je sors de ma chambre, encore un peu endormi. Je suis surpris d’entendre du bruit dans la cuisine.
— Mam ? T’es pas encore partie au boulot ?
En passant la tête, je tombe nez à nez avec mon père.
— Non, c’est moi.
Je cherche une réponse sarcastique, mais rien ne vient. On reste là à se regarder.
— J’allais me faire un café, me dit-il. Tu en veux ?
— Ok, grommelè-je, avant de m’enfuir aux toilettes.
J’aurais dû lui demander s’il savait toujours se servir de la cafetière… Non, plutôt s’il avait enfin retrouvé ses clés ou encore, s’il n’avait pas eu trop de mal à retrouver l’adresse de la maison.
C’est nul !
Mes blagues sont pathétiques lorsque je suis contrarié. Et maintenant que j’ai accepté ce café, je vais devoir le boire. Je retourne dans la cuisine en essayant de prendre un air dégagé, mais même moi, je n’y crois pas. Je gagne un peu de temps en me préparant des tartines, mais on finit malgré tout, en tête à tête sur la table de la cuisine.
— Comment tu vas ? me demande-t-il.
— Bien.
S’il espère que je lui retourne la question, il peut toujours attendre.
— Tu vas aller courir ?
— Non, pas aujourd’hui.
Un silence s’installe pendant quelques minutes. J’espère pouvoir boire mon café tranquillement, mais non, il recommence avec ses questions.
— Comment va Tristan ?
— Bien.
Il va bien finir par comprendre que je n’ai pas envie de parler avec lui. Il s’agacera plus vite que moi. Il n’est pas patient, particulièrement quand je fais le con.
— La fac, ça se passe bien ?
— Tellement bien que je vais arrêter, ironisè-je
Je relève la tête afin de soutenir son regard et croque dans ma tartine. Il secoue la tête, dépité.
— Arrêter la fac ? Mais qu’est-ce que tu vas faire ?
Je hausse les épaules, tout en continuant de mâcher.
— Quand est-ce que ça s’est décidé ?
— Surement un jour où t’étais pas là…
Celle-là était un peu facile.
Il ne répond pas à ma provocation et secoue de nouveau la tête, dépité.
— Désolé de te décevoir, dis-je amèrement.
Il fronce les sourcils.
— Mais non Axou ! C’est juste que je m’inquiète pour toi. Je suis désolé, je ne savais pas que tes études se passaient si mal.
Qu’est-ce qu’il raconte ? Désolé de quoi ? Il se sent responsable maintenant ? Comme si toute ma vie tournait autour de lui.
— Ça n’a rien à voir avec toi, dis-je, agacé. C’est juste que ça ne me plait pas.
Il termine son café. La discussion semble close. Je devrais m’en réjouir et pourtant, j’ai ce petit pincement au cœur. En fait, il a juste l’air inquiet et ça me met mal. D’un côté, j’ai envie de lui faire payer son absence de ces dernières semaines et d’un autre, je réalise que je souffre tout autant que lui de cet éloignement.
— La fac, c’est compliqué, reprend-il d’une voix plus douce. Je ne suis pas sûr que ça te convienne.
Ces mots résonnent en moi et je me souviens des disputes qu’on a eues durant mon année de terminale. Plusieurs fois, mon père m’a mis en garde en me disant que la fac n’était pas pour moi. Il me connait bien et il avait raison, mais en ce moment, je lui en veux trop pour le reconnaitre.
— En fait, j’ai un nouveau projet… Un truc qui m’intéresse, mais le problème c’est que je m’y prends trop tard pour les inscriptions…
À sa demande, je me lance dans des explications un peu confuses. Je commence par lui parler de la sortie et de la découverte du métier d’animateur nature. Il m’écoute, pose des questions parfois maladroites, mais au moins, le dialogue reprend.
***
En ouvrant la porte, je découvre Liang, un bouquet de roses jaune orangé à la main.
— Wouah ? C’est pour moi ? demandè-je, ému.
— Oui, dit-il en me tendant les fleurs. Elles viennent du jardin.
— Et ta grand-mère t’a laissé les couper ?
— Oui, oui.
— Wouah !
C’est tout ce que je trouve à dire, je mets mon nez dans le bouquet, elles sentent délicieusement bon.
— Merci, c’est super gentil.
— Avec plaisir, dit-il en m’embrassant. J’ai déjà coupé les tiges en biseau, y’a juste à les mettre dans l’eau.
J’attrape Liang par la main et l’entraine dans la cuisine. Je dispose les roses dans le vase. C’est la première fois qu’on m’offre des fleurs et je trouve ça trop mignon.
— Merci, merci, merci ! dis-je en le couvrant de baisers. J’adore les roses !
— Oui je sais ! Aussi doux qu’un scrotum !
J’écarquille les yeux.
— Quoi ?
— Le scrotum !
— Euh, c’est quoi ?
Il éclate de rire.
— Ça désigne la peau des bourses ! répond-il en montrant son entrejambe.
— Non, je savais pas ! Mais je veux bien apprendre, dis-je d’un air niais.
— Tu veux savoir comment ça s’écrit ?
— Carrément ! Tu peux me faire une fiche Mémo ? Ou mieux, des travaux pratiques ! Pour voir si c’est vraiment aussi doux que les pétales de roses.
— C’est ce que tu as prétendu, je ne fais que répéter tes paroles.
— Justement ! Faut vérifier la théorie !
Je pose mes mains sur ses hanches, pour l’attirer à moi et bouge légèrement mon bassin, afin de l’aguicher. Il jette un petit regard par-dessus mon épaule.
— T’inquiète pas, on est seuls. Mais faudra que tu reviennes, ma mère veut te rencontrer.
— Ah bon ?
Il se mordille la lèvre.
— Nan, mais elle est cool ! Elle te posera pas mille questions.
— Pas comme ma grand-mère.
— J’osais pas le dire !
On se met à rire.
— Tu m’as manqué, lui confiè-je.
— On s’est vu hier.
— Et alors ? Et puis, c’est pas juste, toi, tu peux utiliser ton pouvoir.
— C’est vrai. Mais je préfère t’avoir en vrai !
Je l’entraine dans ma chambre. Je pose le vase sur mon bureau et admire de nouveau les fleurs, des papillons dans le ventre.
— Y’a eu du changement, constate Liang.
— Oui, un peu.
J’ai échangé le bureau et le lit de place. Et ce matin, j’ai fait le ménage, mis des draps propres et tout bien aéré. Je ne voulais pas qu’il se sente mal à l’aise comme la dernière fois.
— Est-ce que c’est à cause de mes remarques ? demande-t-il, embarrassé.
— Oui et non. C’est plutôt grâce à toi !
Il hoche la tête et continue d’observer. Il sourit en voyant le cactus.
— J’ai eu envie de changer un peu. Comment expliquer… ? Je vis ici, dans cet appart, depuis que je suis petit. C’est chez moi, et pourtant dernièrement, je m’y sens pas bien. J’ai besoin de me réapproprier les lieux.
Il se rapproche, passe ses bras autour de moi et effleure ma bouche avec la sienne.
— Je trouve que c’est une bonne idée.
— C’est aussi pour ça que je t’ai proposé qu’on se voie ici, plutôt que chez toi.
— Pour te créer de nouveaux souvenirs.
— Exactement ! Et concernant Tristan, il ne dormira plus ici, je vais lui expliquer, il comprendra.
Liang s’écarte de moi, les sourcils froncés.
— Mais pourquoi ?
— Pour ne pas te gêner.
Il secoue la tête.
— Non, Tristan ne me gêne pas ! C’est ton ami, je ne veux pas t’éloigner de lui. La dernière fois, j’ai mal réagi, parce que j’étais jaloux et surtout très con.
— Tu n’as pas à être jaloux de lui.
— Je le sais maintenant. Depuis qu’on en a parlé, je ne me sens plus en danger. Je te fais confiance. Et si y’a quelque chose qui me pose problème, je t’en parlerai.
— Tant de maturité ! Je sais pas si je suis prêt, dis-je en ricanant.
Il se marre à son tour.
— J’ai trouvé un super site pour commander des affiches, mais je sais pas laquelle choisir.
J’attrape mon téléphone pour lui montrer.
— Qu’est-ce que tu préfères ? lui demandè-je. L’aubergine ou la sucette arc-en-ciel ?
Il observe les dessins avec attention. Un petit pli se forme sur son front quand il se concentre, il est trop craquant.
— La sucette est plus joyeuse !
J’éclate de nouveau de rire.
— Faut que je la note celle-là !
— Ça ferait un bon T-shirt, ajoute-t-il.
Je lui montre où je souhaite mettre l’affiche, puis on s’installe sur mon lit. Dos au mur, épaules contre épaules. Ses doigts viennent jouer avec les miens et nos mains s’enlacent.
— J’ai vu mon père ce matin, dis-je.
— Ah oui ? Comment ça s’est passé ?
— Toujours tendu, surtout que ma mère n’était pas là pour temporiser. J’ai même pensé à m’enfuir pour venir me cacher chez toi… encore.
— Tu aurais pu ! Ma porte t’est toujours ouverte, ainsi que ma fenêtre.
Il porte ma main à sa bouche et l’embrasse. Nous échangeons un regard complice. Malgré l’annonce de la séparation de mes parents, cette nuit chez Liang, dans notre cabane, reste un excellent souvenir.
— Et du coup, me demande-t-il, vous avez pu parler ?
— Hum, c’était un peu compliqué. Il essayait de discuter avec moi et moi je jouais au con. Faut dire qu’il m’a soulé avec ses questions.
Liang me fixe intrigué.
— Quoi ?
— Je te vois toujours tellement patient et gentil avec tout le monde, que j’ai du mal à imaginer.
— Tu as la mémoire courte, dis-je en riant. Mais tant mieux pour moi !
Ses yeux se plissent de nouveau.
— Tu as déjà oublié samedi dernier, au bar ? lui demandè-je. Avec Métastase ?
— Métastase ? Combien de surnoms tu vas lui trouver ?
— Je suis assez fier de ce dernier, ça lui va particulièrement bien. Tu vois que je peux faire du mauvais esprit !
— Effectivement… mais du coup, avec ton père ?
— Il a été choqué quand je lui ai annoncé que j’arrêtais la fac, mais au final, c’est ça qui nous a permis de discuter plus sereinement.
— Tu vois, même quand t’es un peu couillon, tu sais bien te rattraper !
Sa remarque m’amuse, mais oui, ça me correspond bien.
— Oui. Ça m’a fait du bien, je crois que ça nous fait du bien à tous les deux. Je lui ai même parlé de toi.
— Oh ? Tu as dit quoi ?
— Que j’avais un super amoureux et que c’était sérieux.
Liang sourit largement.
— Bon, par contre, ajoutè-je. J’ai pas osé aborder le sujet de la petite sœur. Ça me fait toujours aussi bizarre.
Il pose sa tête sur mon épaule.
— C’est déjà super que vous ayez pu parler.
— Ouais. Gardons le gros sujet pour la prochaine fois !
Liang me câline, mais mon esprit est ailleurs. J’ai pas encore digéré cette annonce de divorce. J’ai du mal à admettre que mon père n’habite plus ici, avec nous. Et surtout, qu’il ne reviendra pas. J’y pense souvent, mais je n’arrive pas à m’imaginer à quoi ressemble sa nouvelle vie. Quelle place aurais-je dedans ?
— Ça va ? me demande doucement Liang en se relevant.
— Ouais. Tu veux boire quelque chose ?
En revenant avec une limonade et un coca, je m’arrête à côté du bouquet de roses.
— Je suis content qu’elles te plaisent.
— Vraiment beaucoup ! lui dis-je en lui tendant son verre.
Il boit une gorgée, puis m’embrasse de ses lèvres fraiches et sucrées.
— Tu connais Axel Rose ? lui demandè-je.
— Un adepte du scrotum ?
— Non ! dis-je en éclatant de rire. Enfin, j’en sais rien, peut-être… mais c’est pas pour ça qu’il est connu ! C’est le chanteur d’un vieux groupe : Guns N’ Roses.
— J’ai déjà entendu le nom, je l’ai aussi beaucoup vu sur des T-shirts. Mais je serai incapable de te dire ce qu’ils chantent.
— Mes parents sont fans de ce groupe. Quand ils étaient jeunes, ils allaient à tous leurs concerts et c’est comme ça que je m’appelle Axel.
— C’est chou ! J’aime bien les anecdotes sur les prénoms. En chinois, les prénoms ont très souvent une signification.
— Toi t’es lapinou ! Non ?
Il rit et embrasse ma joue.
— Bon arrête de jouer les mystérieux ! Et crache le morceau, ça veut dire quoi Liang ?
— C’est le Liang de : lumineux, brillant.
— Lumineux, répètè-je. Ça te va trop bien !
— Tu me fais écouter l’autre Axel Rose ?
Je cherche ma chanson favorite : Paradise City.
— Celle-là, c’est ma préférée !
— Ça parle de quoi ? demande-t-il.
— Hum… d’un endroit où l’herbe est verte et les filles sont jolies !
Il se marre. Je lui tire la langue et il me tombe dans les bras.
— Axel…
— Oui ?
Il prend mon visage entre ses mains. Mes yeux sont rivés sur sa lèvre inférieure qu’il mordille.
— Je t’aime, dit-il.
Mon cœur explose de bonheur, je l’embrasse frénétiquement.
— Moi aussi ! Moi aussi, je t’aime !
On bascule sur le lit et je manque de renverser mon coca, mais le rattrape juste à temps. Ça n’arrête pas Liang qui glisse ses mains sous mon T-shirt.
— Je peux l’enlever ? demande-t-il.
— Enlève tout ce que tu veux !
En moins de cinq minutes, on se retrouve tous les deux, entièrement nus sous les draps. Il a l’air parfaitement à l’aise et ça me rend très heureux. Sa bouche parcourt mon cou, je ferme les yeux. Je me sens fondre, littéralement.
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