Chap. 5 : Ennui, et autres ennuis
- Anthony ? C’est Romane. Je sais que tu es là, Marine est avec moi. Donc que tu fasses le mort ou pas, on sait que tu nous entend : t’es sûrement pas assez sportif pour décider tout seul d’aller faire un tour. J’appelle sur le fixe parce que j’avais plus ton numéro, et parce que elle, elle voulait pas t’appeler. D’après ce que j’ai su, t’es toujours aussi charmant quand vous n’êtes que tous les deux… Bon, j’appelais juste pour que tu saches qu’elle compte rester un peu plus que la nuit, chez moi, en fait. Genre 3-4 jours, et plus si affinités. C’est pas elle qui reviendra en tout cas, et t’as intérêt à venir la chercher avec mieux qu’un bouquet. Marine, tu vois, elle a besoin de savoir que quelqu’un l’aime. Pas forcément toi, mais puisque vous êtes ensemble… Bref. Je t’embrasse (c’est sarcastique), elle t’emmerde (ça, ça ne l’est pas), et bonsoir.
Après l’annonce « Fin des nouveaux messages », Anthony ferme les yeux et prend le temps de se visualiser en train de faire avaler à Romane sa collection de fonds de teint et de mascaras, en lui répétant : « Comme ça au moins, tu seras plus belle de l’intérieur ! ».
Puis, après un étirement douloureux, il tente automatiquement d’ouvrir la porte… Mais aucune poignée n’avait poussé pendant son sommeil.
« Crétin… », se dit-il à lui-même.
Il regarde son téléphone, mais en voyant le peu de batterie restante, décide de l’éteindre.
Après plusieurs quarts d’heure à gratter la tapisserie sans plus savoir s’il fait encore jour dehors, c’est les ongles douloureux qu’Anthony se met à réfléchir à comment faire passer son ennui. Et on fait des choses pour le moins singulières, dans ce genre de situation :
Point de vue d’Anthony, qui commence par observer la poussière et différents poils ou cheveux éparpillés sur le sol. Léger travelling avant sur un des carrés blancs du carrelage, où trois poils forment un visage souriant, auquel Anthony sourit en retour. Il retourne le poil formant le sourire, et en prend un autre pour faire une bouche en « O ». N’y arrivant pas, il décide de passer le balais à l’aide du tapis.
Quelque chose comme dix minutes après avoir astiqué la totalité du sol de la pièce, et fait une petite boule avec les toiles d’araignée – qu’il a fini par perdre en jouant avec –, la soif se met à guetter Anthony, qui, lui, se met alors à lorgner le réservoir d’eau des toilettes.
Il lui suffirait juste de soulever le couvercle.
… Et c’est ce qu’il finit par faire, avant de commencer à laper le liquide un peu trouble qu’il contient, tout en se posant certaines questions sur la vie qu’il mène.
La chose faite, notre pauvre héros se demande combien de temps il lui faudra avant de commencer à saliver en voyant le rouleau de PQ vide qui traîne toujours par terre. Rapide champ/contre-champ entre le rouleau et lui.
Les secondes se transforment en minutes, les années en heures, les heures en pastèques, et Anthony ne sait plus où il en est. Il songe à Marine, sa Marine qu’il aimait, avant qu’ils n’emménagent ensemble… *Des selfies d’eux plus jeunes, estompés, flottent devant les yeux d’Anthony*. Celui-ci ne se sent même plus si motivé à l’idée d’aller la reconquérir chez Romane. Beaucoup d’efforts pour peu de réconfort, qu’il se dit. C’était mieux, au temps où ils ne se connaissaient pas, et qu’il s’imaginait juste avec elle, en complète intimité, dans ce même genre de pièce mais occupés à une toute autre activité. Au final, ils ne l’auront fait qu’une seule fois hors du lit, et c’était par terre, chez Romane, pour ne pas tâcher ses draps.
Anthony reste ainsi à broyer du noir pendant un moment, suffisamment longtemps pour que ses paupières passent en automatique et qu’il se convainque qu’il ne lui reste plus grand-chose à faire à part dormir.
Il ramène le tapis à lui pour s’en faire une couverture, et s’installe aussi confortablement qu’il peut, à savoir la tête contre la cuvette, et les cuisses ramenées contre son torse.
C’est alors que la lumière s’éteint une seconde fois, alors qu’il tendait tout juste le bras vers l’interrupteur.
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