Toi mon amie.
Une année… Une seule et unique année m’a suffit pour t’anéantir définitivement de ma vie, toi que j’aimais tant, toi qui était mon souffle, mon énergie, ma bonne humeur. Tu as failli et tu m’as emporté avec toi. Quinze ans que l’on se connait, quinze ans qu’on à appris à s’apprivoiser, quinze ans qu’on à partager le moindre moment de nos vies. Nous y étions arrivées, le but que nous nous étions fixé, avoir un appartement l’une à côté de l’autre, commencer notre vie d’adulte comme nous l'entendons, aussi bourgeoises que insolentes.Toi et ton mauvais goût pour la décoration, mais comment t’en vouloir avec des parents qui n’avaient guère plus de goût. Moi avec mon architecte d’intérieur qui avait planifié et placé le moindre objet à la perfection. Nous étions deux mondes opposés et pourtant nous ne faisions rien l’une sans l’autre. Voilà nos premiers mois de bonheur, une existence de jouissance, de plaisir et de partage. J’étais organisée comme une horloge, toi tu étais plus frivole, sans réelle perception du réelle, toujours dans un monde plus fantastique, tu avais le don de m’agacer quand tu rêvais de trop, mais c’était toi.Tu avais fait en sorte de me réserver tous tes samedis matin pour que nous partagions notre petit brunch chez Marcus tout en parlant des autres clients du café qui s’installaient en terrasse. Le reste de la semaine, nous nous retrouvions le soir ou au cours de la journée quand tu avais un peu de temps où quand mon propre planning me le permettait, mais nous nous accordions toujours un instant entre nous durant la journée.
Une vie rêvée et réalisée, que pouvions nous demander de plus ? Pas un homme, c’était certain… Mais il arriva, au deuxième étage, trois mois après notre propre installation il investissait son appartement nouvellement acquis. Une curiosité qui alimenta nos conversations durant plusieurs semaines, mais pour toi c’est devenu plus qu’une histoire de commérages… Alors il a fallu que je me débarrasse de lui avant que tu ne sombres définitivement dans cette folie. Sa disparition t’aura envoyé tout droit à l’hopitale psychiatrique car tu étais tombé dans une dépression irréversible, mais ça, je ne l’ai su que bien trop tard…
Depuis ton internement, je suis venue chaque jour te rendre visite. Dire que parler à un légume était plus convivial que de parler avec toi serait un bien trop léger euphémisme. Mais drogué comme tu l’étais, tu ne répondais plus vraiment de rien, ainsi, tu n’étais plus que l’ombre de toi-même… Je nourrissais pourtant le secret espoir de retrouver l’amie qui dormait encore profondément en toi, derrière cette façade morose et triste, tu étais toujours là, attendant qu’une lumière te rappelle à toi au grand jour. Chaque jour je te parlais de nos souvenirs heureux et des dernières nouveautés qui m'arrivaient dans ma vie. Bien entendu je te parlais de l’inévitable facteur mystère qui m'emmerdait le monde à sa guise et pourtant qui arrivait à piquer ma curiosité. chose étonnante venant de ma part m’aurais tu répondu, mais le silence était ta réponse devenue habituelle depuis que tu es arrivée ici.
Il y avait bien des jours où le moral était en berne, lorsque j’arrivais dans ces longs couloirs et que je voyais ta silhouette assise, lasse, dans cette chaise, l’envie de rebrousser chemin se faisait bien souvent sentir, mais je gardais espoir, tu finirais par revenir, il le fallait.
Quand l’envie de parler m’avait quitté, je prenait ta brosse et te coiffait, afin de te redonner plaisir de te voir dans un miroir, du moins, j’osais espérer que tu avais encore conscience de ton apparence physique, tu étais bien loin d’être un laideron, même drogué comme tu l’étais.
Un jour ma patience avait atteint une limite et je pris l’initiative de m’entretenir avec ton médecin, me renseignant sur les dosages qu’on te prescrivait et tout ce que tu avalais, lui priant de diminuer les doses, de te redonner vie petit à petit, car il m'était inconcevable que tu restes éternellement ainsi. Malheureusement il m’expliqua clairement qu’il était encore bien trop tôt pour toi d’être sevrée de tous ces produits, ton énergie à vouloir quitter ce monde était encore bien trop grande pour tenter de te laisser faire tes propres choix. Je commençais à comprendre un peu mieux ton état, mais surtout, j’en voulais encore plus à cet idiot de t’avoir mis dans cet état. Comment pouvais-tu avoir envie de mourir pour un homme ?! Pourquoi m’as tu oublié pour lui ?! N'avais-je donc aucune valeur pour toi ? Ces quinze années d’amitié ne valent rien par rapport à un homme qui est rentré dans ta vie il n’y a que deux ans ? Les journées devenaient longues, je te parlais de moins en moins, sachant pertinemment que le silence dur et lourd que tu m’offrais était une punition bien assez douloureuse à encaisser de ta part. Mon deuil de toi débutait, neuf mois après ton internement. Suis-je idiote de n’y avoir pas pensé plus tôt ? Possible…
Aujourd’hui, il était temps que tout ça change. Je me rendis à l’hopitale pour te visiter, une nouvelle fois, mais cette fois, je savais à quoi m’attendre, je n’espérais plus, je n’avais plus de conviction pour toi, je savais que tu étais définitivement ce légume qui n’avait plus de réaction ni même de véritable vie. Tu n’étais qu’un portrait pâle et son charme. Installé dans ta chambre, je pris la brosse et te coiffait, un parfait chignon maintenue avec nombre de pinces. c’est qu'à l'hopitale, ils ne connaissent pas vraiment les coiffeurs, il fallait voir l’état de ta chevelure. Une fois ta chevelure relevé, je sortit ma trousse de maquillage et débutait une remise en beauté, mettant un peut de rouge sur tes lèvres et un teint pèche sur tes pomettes, cela te redonnait déjà un peut plus de couleur. A tes yeux je leur mettais une couleur caramel, cela relevait toujours ton beau regard bleu, même s' il était devenu complètement vide. Le travail fini, je me reculais pour observer ce nouveau tableau. Tu ressemblais à une poupée de porcelaine, ton teint avait perdu de son éclat depuis que tu étais ici, mais le maquillage à cet effet magique de raviver même les morts. J’étais satisfaite de mon travail. De la poche de mon blouson, je sortis une seringue vide, je tirais l’embout avant de la piquer dans ton cathéter afin d’y injecter de l’air. La rangeant de nouveau dans ma poche, je m’installais à tes côtés, puis je commençais à t’expliquer ma semaine, mes projets futurs et ce que j’attendais de la vie. Durant mes explications, un rictus de douleur fit changer ton visage. J’en eu les larmes aux yeux, il y avait toujours un souffle de vie dans ce corps malade. Tes mains se crispèrent et ton visage se tordit avant qu’il ne finisse par s’apaiser dans un dernier souffle, tous tes muscles se relâchèrent. Deux infirmières intervinrent lorsque, alarmé par ton manque de réaction, je fus paniquée. Ton décès était acté à 14h10.
Ce jour-là tu me quittais définitivement, tu avais fait ton choix.
Ce jour-là, j'ai appris à vivre de nouveau.
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