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Chapitre 16 (provisoire)
Les langueurs épuisées du chemin berçaient en ces instant le chétif corps de Fleurette. Mais, malgré leur indolence, ils n’arrivèrent à lui faire oublier la troublante et obsédante, bien que nécessaire vérité qui venait subrepticement de jaillir en elle et qui cognait, insistante et tenace, aux portes closes de ses entrailles du dedans intérieur si tiédements et confortablement capitonnées dans les chairs de son chétif corps de femelle presque humaine, vérité qui la poursuivait et l’asservissait honteusement sans cesse ni merci depuis les tout débuts – débuts tellement enfouis loin dans les tréfonds des limbes abyssales de sa maigre mémoire chancelante et oscillante de sa si petite existence et qui lui dictait à intervalles certains et réguliers tels les coups de semonce des battements de cœur d’une pendule essoufflé et asthmatique, les actes les plus intimes et les plus vitaux, ces oboles versées en rançon pour ce temps passé à habiter un corps vivant de femelle quasi-humaine – comme moi et comme tant d’autres qu’on ne saurait les dire – qu’elle se devait de porter – si lourd et encombrant fardeau – tels des lambeaux usés sur le dos de son âme fatiguée, cette chaire qui par tout les supplices de ses vitales et vibrantes tensions ne connaissait ni repos ni répits et exigeait cet incessant flux et reflux – étranges et troublantes marées, comme je vous devine et vous comprends – de fluides et de matières variées assurant expressément mais sûrement le bon fonctionnement des vitales fonctions de cette machine vivante qu’est ce sac d’os et de peau, l’obligeant à la soumission la plus totale envers cette impérieuse et interminable obligation de se vider pour pouvoir se remplir afin de se vider à nouveau, sans cesse ni répits, assurant ainsi la survie de ce corps de femelle. C’est ainsi que des vents discrets et précurseurs, annonçant tel un archange lumineux à la mère de Dieux, un urgent besoins de déféquer qui n’allait plus tarder à venir tambouriner à la porte de ses entrailles en feu la rappelant ainsi à ses obligations de femelle vivante – hélas. Mais pour l’heure elle n’entrevoyait encore aucune possibilité de pouvoir chier tranquille dans cet envoûtant et pourtant mystérieux décors forestier. Faussant discrètement compagnie à ses compagnons, elle s’accroupi les vêtements prudemment relevés dans l’auguste pose d’un penseur inspiré de fatales dialectiques. Et tout en produisant ses efforts, elle s’interpella ainsi dans son for intérieur du dedans…
« Je peux en cet instant me dépeindre ainsi : accroupie en cette foret bruissante de la multitude des vies qui la composent et qui pourront garder en leurs mémoires le témoignage de cet acte pressant et nécessaire que j’accomplis humblement ici et qui, garant de ma survie, me rappel que s’il est un temps pour se remplir, il en un autre pour se vider, et que cet ordre éternel est bien la seule loi en ce monde qui soit digne d’être infiniment contemplée et intimement honorée. En conséquence je comprends ce que je suis et ce dont je suis fait : je suis une subdivision particulière de ce monde car je fais partie de lui, mais en ces limites particulières que sont les miennes, je ne puis en ingérer quotidiennement qu’une partie infime à la fois, et rendant par la suite quotidiennement de divers manière des parties de cette partie infime à la terre, cette dernière fera de ces parties que sont mes étrons, de nouvelles parties qui passant de parties en parties divers et se transformant à leurs tour en de nouvelles matières, serviront par la suite de repas à d’autres parties de ce monde. Toutes choses étant égales par ailleurs, il faudra que chaque parties rendues fournissent et rendent autant de parties qu’il est nécessaire aux autres parties pour se nourrir : chaque partie prise devant inévitablement être rendue à un moment. Il en découle qu’il ne saurait y avoir de différence de nature entre moi, le vers qui se nourrira de mon caca, l’oiseau qui mangera le vers ou la plante que cet étron fertilisera pour donner un fruit qu’un autre être, une autre partie intime et particulière de ce monde, absorbera et rendra d’une manière qui lui conviendra sous forme d’autres parties qui à leurs tours absorberont et rendrons en proportions équivalents de telle manière que le grand cycle de la vie se perpétue de son simple et unique mouvement qui, nous le voyons déjà, se suffit à lui-même. Ainsi démontrée, la vie n’est rien d’autre qu’une disposition spéciale de la matière, une potentialité particulière de la matière, une potentialité animé par ce mouvement suffisant mais inéluctable de mangeages et de chiages d’êtres finis et limités tout comme moi et ouvert de divers orifices utiles à ces actions d’accueillir du monde et d’offrir au monde dans des proportions qui leurs sont propre les utiles matières de l’univers que sont les excréments que tous nous produisons quotidiennement. Et il est indispensable à cette vie, à toute cette vie et toutes ces vies, que je mange et que je chie dans les grandeurs qui sont les miennes tout comme il est indispensable que tous et chacun mange et chie dans les proportions qui les déterminent. Ainsi rien ne meure vraiment jamais, toutes matières passant et repassant, se diffusant et se transformant en les intérieurs de corps multiples et variés, ouverts mais limités, et qui n’ont de cesse de croître, de se multiplier et de se varier et dont la croissance, la variété et la multiplicité de chacun sert à la croissance, la variété et la multiplicité de tous les autres.
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