Là où on m'attend
Dehors il pleut sur le cirque. Mes images d'enfance s'envolent, volent en éclats dorés. Je les regarde s'enfuire, en même temps que je contemple la pluie. Elle a quelque chose de triste cette image. Comme un tableau dont les couleurs se sont échappées lentement. Je passe devant le parc. Il fait trop noire, il n'y a plus personne. Je m'asseois sur un banc un peu désorientée. Les arbres font des ombres dans la nuit en rencontrant la lumière des lampadaires. Je me sens seule. J'ai toujours été seule.
Une nouvelle ombre apparaît derrière moi. Elle est si froide qu'elle me fait sursauter. Une présence... il y a quelque'un derrière moi. Je me retourne et je vois. La mort. Sous son grand capuchon d'obscurité. Sous son grand menteau de ténèbres.
- Que te reste-t-il ? elle me demande.
Je la regarde pensive sans répondre. Il ne me reste rien ni personne. Je suis seule. Seule au milieu de tous.
- Il me reste le monde... je réponds
- Qu'est-ce que le monde quand on est seul ? Rien qu'un mot.
La mort me sourit avec douceur. Ce n'est pas cet horrible personnage que l'on dépeint. La mort est jolie. La mort me tend les bras. Mais je refuse. Je me lève. L'obscurité m'enveloppe. Je suis aveugle, je ne vois plus personne. Je ne suis personne. La mort m'enlace et je ressens une froideur si violente que je la confond avec de la chaleur.
- La-bas ils t'attendent. elle murmure dans son souffle glacial. Qu'as-tu de plus à attendre dans un monde où plus personne ne t'attend.
- Qui m'attend ?
- Ceux que tu n'attendais plus. C'est ainsi, la mort.
Alors je me retourne vers elle. La mort a un visage de femme tentatrice. Ses bras s'enroulent autour de mon corps. Elle pose ses lèvres glaciales sur les miennes. Je m'endore doucement dans le froid. Le froid est doux, le froid de la mort est doux. Je m'endore et m'en vais, là où on m'attends. Ici, plus personne ne m'attend et je n'attends plus personne.
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