XIII
Lôrindel et Auriane se dirigeaient plein ouest en direction de la mer. Ils avaient bien fait connaissance et bien que les origines du garçon aient inquiété la garde, elle s’était vite rendu compte que celle-ci ne définissait en rien sa personnalité. Elle trouva vite comment le taquiner en découvrant son agacement à chaque fois qu’elle lui rappelait ses origines. Elle appréciait aussi sa grande curiosité. Elle avait été surprise d’ailleurs de le voir lui poser une multitude de questions sur elle, ses origines… Elle avait également compris que le duo qu’il formait avec son faucon serait un immense avantage pour la mission. En effet, le jeune homme pouvait, grâce à son lien magique avec son rapace, communiquer sur de longues distances avec lui. Cependant, elle n’arrivait pas à apprécier l’oiseau, qui à plusieurs reprises avait essayé de l’attaquer. Elle acceptait néanmoins de ne pas le plumer.
Lôrindel avait envoyé Valia en reconnaissance. Il se concentrait donc sur leur lien pour être sûr de ne rien louper. Il faisait confiance à sa compagne pour l’avertir si un danger arrivait sur lui. Il n’avait vu aucun problème dès le début à travailler avec l’ancienne voleuse. Il ne se souciait pas des origines d’une personne ni des rumeurs à son propos. Il préférait se faire un avis seul. Avant même l’attribution des équipes, il l’avait trouvée intéressante et vive d’esprit. Il lui enviait son côté franc et spontané. Plusieurs fois, elle l’avait surpris en apparaissant devant sans qu’il s’y attende. Son talent d’ancienne voleuse ne faisait aucun doute. Et même si lors de leur duel amical il avait combattu sans Valia, il avait pu voir l’étendue du talent de bretteuse de la jeune femme ambidextre.
Cela devait faire près d’une heure qu’ils avaient commencé leur recherche en montant vers le nord le long de la côte quand Valia informa son maître de la présence d’un campement. Les deux humains en étaient encore loin, mais par prudence, ils choisirent de laisser leur cheval sur une dune et de continuer à pied.
Lôrindel eut tout de suite l’impression de faire beaucoup de bruit en comparaison au pas silencieux d’Auriane. Cette dernière le rassura cependant. Il restait bien silencieux. Ils avancèrent donc prudemment tout en faisant attention au moindre signe de présence humaine. Valia faisait de petits cercles autour d’eux pour s’assurer qu’ils ne tombent pas sur un éclaireur ennemi. Au bout d’une petite demi-heure de marche, ils aperçurent un campement fortifié au loin. Ayant peu de relief et de végétation pour se dissimuler, ils ne purent s’approcher davantage. Ils se couchèrent dans le sable et commencèrent leur observation. Lôrindel envoya de nouveau Valia en repérage. Il la fit survoler les camps, lui permettant de se faire un plan des lieux.
Soudain, Lôrindel fit un mouvement de recul. Quelque chose n’allait plus. Valia était en danger. Il la rappela aussitôt. Mais il était trop tard, un sorcier pirate avait repéré l’oiseau. Le faucon évita de justesse une attaque magique.
— Il ne faut pas qu’elle revienne vers nous, siffla Auriane comprenant ce qui se passait.
Lôrindel voulut protester. Il ne le fit pas. Elle avait raison, c’était trop dangereux. Le cœur brisé, le jeune homme demanda à son amie de retourner auprès des chevaux en faisant quelques détours. L’oiseau obéit et s’éloigna. Lôrindel se sentit alors totalement démuni, mais il resta couché, observant du mieux qu’il pouvait le campement. Ils restèrent ainsi près de deux heures avant de repartir aussi discrètement qu’ils étaient arrivés. Auriane, avec l’aide de Lôrindel, avait pu noter le nombre de gardes de leur côté, le nombre d’éclaireurs et la fréquence de leurs tours de garde.
Quand ils furent à nouveau à leur monture, Lôrindel prit un temps pour retrouver Valia. Il s’excusa, s’assura qu’elle allait vraiment bien et lui donna un bout de viande autant pour la récompenser que pour s’excuser de l’avoir envoyée loin de lui. Auriane observa tout ça avec tendresse, comprenant à quel point leur lien était fort. Elle regretta presque d’avoir renvoyé Valia loin d’eux, même si elle savait que c’était la bonne solution. Une fois son compagnon réconforté, elle donna le signe du retour.
— Elle est vraiment douée, déclara soudainement Lôrindel. Le campement se trouvait quasiment à l’endroit qu’Élentir avait prédit.
Auriane fit à sourire :
— Oui, elle est douée, ma petite sœur. Un peu trop, peut-être…
De leur côté, Iago et Dael avaient trouvé le campement en arrivant au sud-est. Ils s’étaient dissimulés dans la rare végétation. Même si l’expérience de pistage du chasseur leur avait été utile, la vision de Dael l’avait sûrement été plus encore. Iago, ayant beaucoup parlé avec le garde, savait que c’était réellement la première fois que celui-ci pistait. Au début, Iago s’était méfié de son compagnon. Il était quand même garde depuis dix ans et n’avait jamais eu de promotion. Pour le capitaine qui avait monté les échelons comme on monte un escalier, cela signifiait de l’incompétence. Dès qu’il avait appris qu’ils allaient devoir travailler ensemble, il était venu le tester, peu convaincu que sa seule vision suffise pour lui permettre de participer à une mission de cette ampleur. S’il avait eu du mal à communiquer au début, le garde ne s’exprimant qu’avec quelques mots, il avait vite compris son talent. Dael n’avait jamais réellement reçu d’éducation autre que celle donnée au temple. Il avait appris à se battre avec la courte formation donnée aux gardes. Et l’entraînement régulier n’avait pas su faire grandir ses capacités innées. Même si le capitaine l’avait compris, il savait également qui lui-même ne pouvait pas s’occuper de la formation du garde. En partant, il ne s’attendait cependant pas à n’être là que pour assister le garde. Il était d’ailleurs frustré de ne pas servir à grand-chose, lui le génie des armées.
Après avoir découvert le camp fortifié, Dael s’était mis à décrire en chuchotant tous les détails qu’il percevait. Iago, impressionné, en plus de s’assurer qu’aucun danger proche ne viendrait déranger les observations de son compagnon prenait note mentalement de la multitude d’informations. Ainsi, en très peu de temps, Dael déduisit la taille du campement, le nombre de pirates, tentes, chevaux, provisions, armes… Il fit même une estimation du nombre de sorciers pirates. Il trouva quelques points faibles dans les défenses ennemies. Après une heure d’observation, Iago donna le signal du départ. Ils rentrèrent au camp sans parler.
Ellyne et Moyra avaient pris plein sud avant de bifurquer vers l’ouest pour arriver à l’est du campement. Si c’est Ellyne, grâce à son don pour communiquer avec les animaux, qui avait su repérer la position exacte, c’est Moyra qui la première repéra le camp. Elle demanda à s’arrêter immédiatement. Ellyne accepta aussitôt, ne précisant pas qu’elle-même n’arrivait pas à voir le campement. La fille d’écurie avait encore du mal à donner son avis. Non qu’elle craigne une réponse négative de la part de sa compagne, mais plutôt par manque de confiance. Et comme elle ne laissait rien paraître, Moyra ne se rendit pas compte de son malaise. La pêcheuse s’installa confortablement, consciente qu’à la distance où elles se trouvaient, il y avait peu de chances qu’elles soient repérées. Et elle commença son observation.
Ellyne appela discrètement les animaux aux alentours. Parmi la dizaine d’animaux ayant entendu son appel, elle choisit une vipère des sables. Elle l’envoya en reconnaissance dans le camp. Sa capacité de communication était intéressante dans le sens où ce n’était pas un sort de contrôle. Il n’y avait aucune trace sur le serpent d’un quelconque sortilège, ainsi tout le monde le verrait comme le simple serpent qu’il était.
Après plus d’une heure, l’animal revint au rapport. Moyra observa avec intérêt ce qui se déroulait sous ses yeux. L’humaine et le serpent parlaient chacun dans son langage, cependant ils avaient très clairement une discussion. Moyra comprit cependant la limite de cette méthode : l’animal ne savait pas forcément ce qu’étaient les créations des humains. Elle écouta plusieurs fois sa compagne décrire ce qu’était une tente, ou tenter de comprendre un concept évident pour un serpent. Après de longues minutes de discussion, Ellyne remercia le serpent et le laissa repartir. Il était temps pour elles aussi de repartir.
Après s’être suffisamment éloignées du campement ennemi, les deux campagnes reprirent une conversation commencée quelque temps plus tôt. En effet, les deux s’étaient aussitôt entendues. L’une aimant le côté humble et serviable de l’autre, l’autre admirant la droiture de l’autre. Elles avaient également beaucoup de choses à partager sur leur savoir-faire.
Ode et Calywen arrivèrent au nord-est du campement. Leur mission de ravitaillement les ayant déjà bien rapprochés, ils ne rencontrèrent aucun véritable problème. Calywen profita cependant de la mission pour observer qu’Ode avait encore beaucoup de connaissances en pistage lui venant de son ancienne vie de nomade. Il en profita également pour lui enseigner quelques petites astuces de chasseur et chevalier. Bien que peu loquace, Ode apprécia le savoir qu’on lui donnait.
De son côté, Aramis, arrivé par le nord avec Rian, tentait de calmer les ardeurs du garçon. Ce dernier était persuadé qu’il pouvait s’introduire dans le camp pour voler quelques informations utiles. Aramis ne doutait plus des capacités du jeune homme, ayant déjà plusieurs fois eu à souffrir des farces du garnement au visage d’ange. Rian pouvait sûrement se glisser dans le campement comme il le prétendait, cependant, ce n’était pas encore le bon moment. Et Aramis savait que c’était un risque inutile. Rian arrêta vite d’insister, pour une fois il avait envie d’écouter quelqu’un d’autre qu’Auriane, Salvin ou Élentir. Il n’avait jamais eu de père et sa mère était trop occupée à trouver de quoi les nourrir pour s’occuper de lui. Il ne savait même pas si elle s’était rendu compte de son départ. Étrangement, auprès d’Aramis il trouvait une certaine présence paternelle. Un homme n’hésitant pas à le reprendre fermement quand il faisait une bêtise, mais qui le reste du temps prenait soin de lui en lui apprenant tout plein de choses nouvelles.
De son côté, Aramis ne pouvait s’empêcher de penser à sa fille en observant le garçon certes plus vieux, mais tout aussi énergique, vif et malicieux. Il espérait que le garçon puisse sortir grandi de cette mission et quitter les bas quartiers. Il comprit vite également qu’Élentir lui avait confié le garçon pour le canaliser, lui qui était connu pour être doué pour former ses écuyers.
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