XIX

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Le lendemain après-midi, Élentir et tous ses compagnons furent convoqués dans la grande salle des cérémonies. On leur demanda de venir avec leur plus bel habit. Tous reçurent une magnifique tenue, permettant aux plus démunis, tels que Rian ou même Moyra, de pouvoir se vêtir en conséquence. Élentir avait mis son habit d’écuyer de cérémonie, même si Hylde lui avait plutôt conseillé de mettre l’une de ses rares robes de cérémonie. Toutefois, ainsi vêtue, elle ressemblait plus à une guerrière. Égilon avait fait le même choix, tandis que les chevaliers avaient mis leur tenue d’apparat. Leur magnifique armure brillant de mille feux, trop encombrante pour le combat, mais qui impressionnaient lors des fêtes et défilés. Les autres membres de la troupe avaient presque tous mis les vêtements qui leur avaient été offerts. Élentir reconnut à peine Auriane, habillée dans une magnifique robe mettant en valeur son corps tout en finesse et en muscles. Ses cheveux châtain clair, trop courts pour une coiffure sophistiquée, étaient simplement retenus par des fils argentés. L’ancienne voleuse ressemblait à présent à une jeune fille de bonne famille. Même ses quelques cicatrices, souvenir de son passé turbulent, étaient habilement cachées. Sa beauté sauvage et agressive habituelle était devenue plus douce.

Auriane n’était pas la seule à avoir subi un changement d’image. Rian et son visage d’ange auraient charmé n’importe qui, et seuls ceux qui le connaissaient pouvaient voir dans son regard innocent et ce physique de gentil garçon le réel garnement qu’il était. Moyra n’avait plus rien d’une pêcheuse, et même si les habits qu’elle portait étaient plus discrets, la grande fille aux cheveux blanchis par le soleil avait la tenue d’une noble. Il en était ainsi pour tous.

Rassemblés devant la porte de la grande salle, les héros attendaient, pour certains nerveux. Élentir se serait bien passée d’une telle cérémonie, n’en voyant pas l’intérêt. Elle avait bien essayé de convaincre les héritiers, mais rien à faire. Le but de cette cérémonie était de remonter le moral du peuple. Maintenant tout le monde dans la capitale avait entendu parler de la prise d’otage des souverains. Montrer à tout le monde qu’une bande de vingt personnes dirigées par une gamine même pas encore chevalière avait pu mettre en déroute tout un équipage de sanguinaires pirates permettait de mettre en valeur que la situation de ce royaume n’était encore désespérée. Mais pour Élentir, être l’objet de ce spectacle, même si c’était une idée de ses amis, n’était qu’une perte de temps. Elle avait bien essayé de se faire la malle la veille au soir, mais sire Léothéric, la connaissant bien, l’avait interceptée.

D’ailleurs, elle n’avait pas été la seule à vouloir refuser cette cérémonie. Hoel avait affirmé ne pas pouvoir être présent. Mais tout comme l’écuyère, il se retrouva forcé de s’y présenter. Élentir déclara même que si elle ne pouvait y échapper, alors tout le monde y participerait.

D’autres, comme Rian ou Gleen, étaient tout excités d’être au centre de l’attention. Ils étaient fiers de se retrouver ainsi en héros. Gleen savait que ses parents se trouvaient derrière cette porte. Il pourrait enfin leur montrer que son destin n’était pas de devenir forgeron. Un plaisir coupable le parcourut en pensant à la réaction de son grand frère, lui qui lui faisait toujours la leçon pour qu’il suive la voie tracée par leurs parents. Pour une fois, il ne se sentait pas inférieur à lui.

Seuls les chevaliers, soldats et chasseurs ne semblaient pas nerveux, habitués à ce genre de cérémonie. Même Ellyne, fille d’écurie, semblait parfaitement comme à son habitude. Même si elle n’oubliait pas sa nervosité lors de sa première cérémonie à la fin de sa toute première chasse. Maintenant, elle était habituée, et si cela ne la réjouissait pas, elle en comprenait la nécessité.

Soudain, le silence se fit des deux côtés de la porte qui s’ouvrit doucement. La grande salle était bondée, il y avait juste assez de place pour faire une allée, permettant aux héros de se rendre au pied d’une estrade où se trouvait toute la famille royale ainsi que le conseil. On aurait dit que tous les habitants du château avaient voulu entrer de force. Les nobles à côté des servants, enfants et adultes.

Quand la porte fut totalement ouverte, le roi, debout, avança d’un pas et déclara d’une voix forte :

— Accueillez comme il se doit les héros de notre royaume.

Alors les héros s’avancèrent doucement à travers la grande salle, Élentir à leur tête. Comme un seul homme, les spectateurs se mirent à entonner la chanson des chevaucheurs. Quand la troupe fut arrivée en bas de l’estrade, tous posèrent un genou à terre pour saluer la famille royale, comme le demandait la tradition. Le roi s’exclama alors :

— Levez-vous, héros ! Ce n’est pas à vous de courber la tête, mais à nous tous.

Il se mit alors à genoux, suivi de sa famille, du conseil et de l’assemblée tout entière. Quelques personnes du groupe, telles que Moyra ou Ellyne, se sentirent mal d’être debout devant leurs souverains agenouillés. D’autres, comme Auriane et Rian esquissèrent un sourire ironique. Les chevaliers et soldats y virent une grande fierté et un grand honneur. Élentir garda quant à elle un regard plein d’ennui qui lui donnait une étrange ressemblance avec Hoel qui se retenait difficilement de bâiller. Après un instant, le souverain se releva avec droiture et solennité, ce qui étonna fort Élentir qui n’avait jamais vu le roi Bëor ressembler autant à un souverain :

— Aujourd’hui, nous sommes tous présents pour vous faire part de notre reconnaissance. Je parle en mon nom et celui de ma famille, mais, je suis sûr, en celui de bien d’autres. J’ai conscience qu’un certain nombre d’entre vous ne me considèrent pas comme un réel souverain. Je suis conscient de ne pas être un bon souverain pour ce royaume. Et je suis bien d’accord que mes aînés remplissent leur devoir bien mieux que moi. Cependant, il est également vrai que les pirates de l’Ouest ou les amis des dragons, comme ils se nomment eux-mêmes, ne se seraient pas contentés de nous faire exécuter, moi et ma famille. Ils considèrent les chevaliers, les nobles et les mages comme aussi coupables que nous. Et ils méprisent les continentaux qui suivent sans rien dire. Je dis tout ça, non pas pour que vous les haïssiez et les reniiez. Ils ont fait un jour partie du même peuple que nous ! Ils sont notre famille et nos cousins. Il faudra un jour que notre grande famille se réunisse à nouveau. Toutefois, aujourd’hui aucun d’entre nous ne pourrait les convaincre d’abandonner leur haine, et c’est sûrement réciproque. C’est pour ça que nous serons à jamais redevables des valeureux héros qui ont empêché le royaume de sombrer dans le chaos. Nous leur serons à jamais redevables !

À chacun d’entre vous, je dis merci. Vous tous, y compris ceux qui se trouvaient à l’arrière ! Que vous ayez été sur le champ de bataille ou soyez restés en arrière pour sauver nos blessés, vous êtes tous des héros. Soyez-en sûrs, vous méritez ces éloges ! Vous méritez même plus. Je, que dis-je, nous ne pourrions jamais vous rendre ce que vous avez donné ! Nous allons tout de même essayer. J’espère que ces cadeaux vous conviendront. Voici les humbles présents que nous vous prions d’accepter. En commençant par le droit à une faveur royale. Vous n’êtes pas obligés de vous en servir immédiatement, ce parchemin permettra à vous ou vos descendants de la première génération de venir la réclamer. De même, un titre de noblesse pourra être remis à chacun, cependant, nous sommes conscients qu’un certain nombre d’entre vous ne souhaitent pas encore s’établir et prendre la responsabilité d’un tel titre. Ainsi, il ne deviendra officiel que quand vous le souhaiterez. Vous allez tous recevoir un sac de pièces d’or ainsi qu’une récompense individuelle et personnalisée. Mais avant de vous les remettre, le prince et la princesse héritiers souhaitent prendre la parole.

Des applaudissements sincères suivirent tandis que le roi recula pour laisser place à Éledhwen et Palantir. Éledhwen prit la parole quand le silence revint :

— Je ne vais pas vous répéter ce que mon père vous a dit. Même si, à titre individuel, je suis heureuse de revoir mes parents en vie… Et que je ne pourrai jamais assez vous en remercier. Mon frère et moi avons cependant une faveur à vous demander, héros. Une faveur qui vous demandera sûrement une longue réflexion. Une faveur qui peut vous sembler étrange. Nous souhaitons former une garde princière qui aurait pour rôle de nous épauler dans notre mission d’héritiers. Et nous vous demandons en toute sincérité si chacun d’entre vous accepterait d’y participer. Nous demandons également à l’écuyère Élentir de prendre le commandement de cette garde.

Élentir fronça les sourcils, mais resta à l’écoute de Palantir qui prit lui suite de sa sœur :

— En effet, après de longues réflexions avec ma sœur, nous sommes arrivés à la conclusion que si nous voulons faire sortir ce pays de la crise actuelle, mais également reprendre contact avec le peuple des mers de l’Ouest, nous ne pouvons agir seul. Certains d’entre vous sont déjà chevaliers, soldats ou même chasseurs. Vous savez que notre royaume souffre de nombreux maux que le peuple seul ne peut gérer. De plus, comme mon père l’a si bien dit, ceux que nous appelons les pirates de l’Ouest ont un jour fait partie de nos familles. Nous ne devons pas continuer à les ignorer, et ce également pour le bien des peuples côtiers. La future garde princière aura pour tâche de nous épauler dans ces missions.

— Nous vous demandons à vous, car vous nous avez démontré sans mal que vous en êtes capables. Nous allons en rester là maintenant pour vous laisser apprécier vos récompenses. Cependant, je vous demande solennellement de bien vouloir y réfléchir et si vous avez la moindre question, n’hésitez surtout pas à demander à nous voir. Nous serons à votre écoute. Et encore une fois merci d’avoir secouru mes parents.

Le discours des héritiers fut accueilli par des applaudissements généreux tandis que la petite troupe était prise au dépourvu. Cependant, on ne leur laissa pas le temps de la réflexion, la reine prit la place de ses enfants, suivie par un serviteur. Elle prit fièrement la parole :

— J’ai l’honneur de remettre leur récompense à nos héros. Voici deux rouleaux certifiant que vous avez droit à une faveur royale ainsi qu’au titre de baron, une bourse de pièces d’or et une récompense destinée à chacun d’entre vous. J’appelle en premier l’écuyère Élentir Blanchepré qui a brillamment, et malgré les a priori du conseil, su diriger cette mission. Sans son esprit brillant et ses nombreux talents, la mission n’aurait pas été une si grande réussite. Je la remercie également personnellement de m’avoir sauvée in extremis.

La reine Daïna était bien plus sincère qu’elle ne l’avait jamais été. Sa voix laissait entendre sa profonde reconnaissance pour sa sauveuse. Cette dernière monta à l’estrade droite et marcha avec assurance sous les applaudissements et remerciements de toute la salle. Même ses compagnons applaudissaient avec force, Gleen criait, même. Elle n’était pas forcément aussi fière qu’elle aurait dû l’être, si elle s’était écoutée elle ne serait même jamais montée sur cette fichue estrade. Toutefois, elle avait conscience de l’importance du moment.

— Voici, pour vous remercier, le titre de baronne à officialiser quand bon vous semble, ainsi qu’un droit de faveur royale, une bourse. Ce n’est malheureusement pas à moi de te remettre la dernière récompense. Sire Léothéric, je vous prie de venir nous rejoindre. Remerciez également, le chevalier qui a pris cette héroïne sous son aile et l’a formée, clama-t-elle à la foule. Il a fait d’elle l’héroïne de ce jour.

Le chevalier, en tenue de cérémonie, fait rare de sa part, s’avança sous un tonnerre d’applaudissements. Même sans la description de la reine, tout le monde connaissait ce grand chevalier. Son esprit frôla celui de son écuyère pour lui faire ressentir toute la fierté qu’il éprouvait. Elle ne put alors s’empêcher de sourire, sincèrement heureuse. Il était l’un des seuls dont le jugement importait réellement. Une fois devant elle, il lui fit signe de s’agenouiller. Elle obéit sans hésitation, ne sachant plus quoi ressentir. Elle commençait à comprendre ce qui se déroulait. L’intensité des entraînements de ces derniers jours prenait tout son sens. Son regard gris rencontra le regard fier et protecteur de son mentor. Ils restèrent ainsi un instant à peine, semblant communiquer par ce simple échange de regards. Puis le chevalier prit la parole :

— J’ai eu l’honneur de te mener jusqu’au chemin de la chevalerie, jeune Élentir, déclara-t-il avec force. Tu n’avais que dix ans quand je t’ai proposé de devenir mon écuyère. Tu n’étais alors qu’une gamine avec un trop-plein d’énergie et d’insolence. Mais tu étais également l’aspirante au plus grand potentiel. Je me souviens encore du jour où tu es devenue mon écuyère et malgré ta grande liberté, tu m’as bien servi. Ton esprit brillant et curieux a fait de toi la meilleure écuyère que j’aie jamais eue. Et je remercie sincèrement, le prince Palantir et la princesse Éledhwen, qui ont insisté pour que j’aille t’observer ce jour-là. Sans eux, je serais passé à côté d’une future grande chevalière et héroïne de ce royaume. Aujourd’hui, c’est avec fierté, et peut-être un brin de regret, que je vais te rendre ta liberté et faire de toi la première chevalière que j’aie jamais fini de former ! Chevalière Élentir Blanchepré, relève-toi, tu as maintenant pour devoir de protéger le royaume et les dragons par ton épée et ta magie.

Élentir saisit la magnifique épée que lui tendait son maître, enfin son ancien maître. L’épée en elle-même était une précieuse récompense. Sans aucun doute forgée par les mains talentueuses de Huon, elle avait été faite spécialement pour elle. Rien qu’en tenant la poignée, elle savait que cette lame était parfaitement équilibrée et s’adaptait tout à fait à sa main. Elle chérissait déjà cette lame. Elle se releva et déclara fièrement :

— Je fais le serment solennel de protéger ce royaume et les dragons par la force de mon épée et la puissance de ma magie.

Magie qu’elle laissa inconsciemment répandre son bonheur. Ainsi, toutes les personnes de l’assemblée se sentirent revigorées et remplies d’une joie soudaine. Seuls ceux possédant suffisamment de connaissances magiques comprirent que ce bonheur était celui de la nouvelle chevalière.

Alors qu’elle descendait de l’estrade au bras de son ancien maître, ce dernier lui souffla à l’oreille, avec un grand sourire.

— Contrôle-toi plus, ou je vais regretter de t’avoir faite chevalière.

Élentir lui sourit sans répliquer. Elle était maintenant une chevalière et possédait une lame magique faite de la main même de Huon. Elle irait le remercier, son travail était parfait. Elle sentait le pouvoir catalyseur de la lame.

Un à un, chacun des membres de son équipe suivit Élentir sur l’estrade. Tout comme pour Élentir, dame Cléophée monta sur l’estrade faire d’Égilon un chevalier, et tout comme elle il reçut une précieuse épée. Élentir ne put s’empêcher d’être heureuse que son camarade d’apprentissage soit promu en même temps qu’elle. Quand il revint dans les rangs, ému, elle lui fit une grande accolade pour le féliciter, partageant magiquement avec lui ses sentiments. Le médecin royal fut également appelé sur scène pour promouvoir Gwindor médecin. Le jeune homme était très fier d’être le plus jeune médecin au palais, mais il se sentait gêné, ne pensant pas avoir fini sa formation. Il reçut également un artéfact magique très ancien permettant de l’aider dans les opérations de soins magiques. Niniel reçut un droit d’accès à la pépinière royale, ainsi qu’à tous les jardins de plantes du palais, on lui proposa de devenir l’apothicaire officiel du palais. Elle demanda un temps de réflexion même si elle était heureuse qu’on lui propose. Rian reçut pour lui et sa famille une maison confortable en ville. Le garçon, sans aucune gêne, refusa si son père venait avec le reste de sa famille. Élentir fut attristée, elle connaissait les raisons de la haine du garçon pour son père alcoolique. Toutefois, on lui fit remarquer que cette maison était mise à sa propre disposition, une aide financière lui serait apportée pour pouvoir nourrir et vêtir tous les membres de la famille qu’il accueillerait. Ravi, le garçon descendit de scène joyeusement et toute la salle fut émue de voir son visage d’ange rempli de joie. Comme Rian, Dael se fit offrir une maison bien plus confortable que son tout petit logement de fonction, lui permettant de loger mieux sa sœur, qui suivrait dorénavant la même éducation que les enfants du château. Moyra reçut un nouvel arc sculpté dans un arbre millénaire, il était d’une excellente facture et avait été ensorcelé pour augmenter encore sa précision. Un nouveau bateau de pêche allait également être offert à sa famille. Ode reçut de nouveaux poignards et on lui proposa une formation de magie. Il fut sûrement très difficile de trouver de quoi récompenser Hoel, paresseux et sans attaches, on lui offrit cependant une nouvelle lame d’excellente facture et un tonneau d’hydromel de l’empire connu pour être cher et excellent. D’ailleurs, la difficulté était aussi élevée avec le discret et timide Éloi qui reçut finalement un nouvel équipement ainsi qu’un collier venant du trésor augmentant sensiblement ses capacités magiques. On retira à Auriane sa condamnation, lui rendant ainsi sa liberté. Elle pouvait ainsi quitter la garde. On ne fit pas l’affront à Gleen de lui offrir une nouvelle arme, il reçut plutôt un minerai d’une grande rareté et d’une grande pureté qui lui permettrait de forger une arme puissante et redoutable. On lui permit également l’accès aux forges du palais. Idril se vit remettre une toute nouvelle armure qui lui laissait une grande mobilité tout en la protégeant mieux que son ancienne. On l’informa également que si elle n’acceptait pas la proposition des héritiers, elle trouverait une place en tant qu’officier dans l’armée. Ellyne fut heureuse de recevoir un magnifique chiot d’une des meilleures lignées de chiens-loups. Elle prit le petit animal dans ses bras avec douceur, son visage rayonnant de plaisir. Lôrindel reçut la possibilité de recevoir de l’équipement et de la nourriture de première qualité pour Valia ainsi qu’un diadème pour rallonger la distance à laquelle il pouvait communiquer avec son faucon. Aramis reçut un arc sorti du trésor royal, très bien conservé, d’une valeur inestimable. Calywen reçut un des livres les plus précieux de la bibliothèque royale sur la théologie et les consciences. L’homme, très croyant, fut heureux de recevoir la relique tandis que Lómelindi, qui lui remit, fut très attristé. La nouvelle lance d’Iago était également tirée du trésor royal, pourtant on aurait presque cru qu’elle avait été créée pour lui. Ciryandil, lui, reçut une place de conseiller, il en fut très honoré. Lidoire fut promu capitaine. Narmacile reçut une nouvelle hache encore plus impressionnante que sa précédente. Irwaen se vit offrir une trousse remplie d’ingrédients de sortilège, tous rares et précieux. Ciryon reçut quant à lui un nouveau bâton.

Chacun fut véritablement honoré et touché de sa récompense. Il était impressionnant de voir à quel point le choix de celle-ci avait été juste. Une fois que toute la troupe fut passée sur scène, le roi reprit la parole, annonçant la tenue d’un magnifique festin en plein air où tous ceux qui le souhaitaient pouvaient venir. Cela ressemblait finalement aux grandes fêtes.

Dans la grande cour, une foule de gens s’était déjà réunie, bien plus nombreuse que ceux déjà présents dans la grande salle. La troupe d’Élentir fut aussitôt le centre de l’attention. Certains, dont Élentir et Hoel, furent vite lassés de toutes ces questions et félicitations. Cependant, Gleen ou Rian s’amusaient à raconter leur aventure. Moyra, agacée, remarqua vite que le garçon avait encore quelques mauvaises habitudes. Elle décida de le chaperonner toute la soirée, lui laissant peu d’occasions de laisser balader ses mains dans les bourses des nobles. Le petit voleur tenta pourtant d’échapper plusieurs fois au regard perçant de Moyra.

Auriane s’amusait de voir le manège de son protégé et de la pêcheuse. Lôrindel la rejoignit, se cachant de son père qui était bien décidé à le confronter. Lassé, l’ancien noble se posa à côté de la jeune femme. Elle détourna son attention de son protégé qui avait profité de l’inattention de Moyra pour lui retirer sa bourse, pour la diriger vers Lôrindel. Les cheveux en bataille, le jeune homme était légèrement essoufflé et passablement irrité. Auriane eut un sourire moqueur :

— Regretterais-tu les pirates ?

— Rigole donc, mais un pirate, un bon coup d’épée et on en est débarrassé. Ces gens, par contre, tu as beau t’exprimer dans toutes les langues possibles, ils resteront collés à toi tant qu’ils n’auront pas ce qu’ils veulent.

— Tu parles de ces gens derrière toi ?

Le jeune homme se retourna dans un grand sursaut, un mélange d’exaspération et d’agacement sur le visage, prêt à décamper. Cependant, il n’y avait pas de petit noble en vue. Lôrindel foudroya des yeux Auriane qui éclata de rire :

— Détends-toi ! Tant que tu es avec moi, je surveille tes arrières. Moi, je ne fais qu’une bouchée de ce genre de personne.

Elle lui fit une accolade et l’homme rougit, légèrement caché par l’ombre de la nuit. Il accepta de se détendre un peu et but en compagnie de la voleuse.

Plus loin, n’ayant pas eu de mal à échapper aux questions, Ciryon avait rejoint sire Léothéric qui buvait seul le long d’un mur. Le vétéran posa un regard amusé sur le mentor d’Élentir dont les yeux laissaient apercevoir de la mélancolie.

— C’est si difficile de la laisser partir ?

L’homme leva son regard argenté sur le vétéran. Il haussa les épaules regardant de nouveau sa coupe à moitié vide.

— Je ne pensais pas devoir la laisser si vite. Je suis fier d’elle, mais j’ai peur de ne pas lui avoir donné tout ce qu’il faut.

— On voit que tu n’as jamais réussi à former quelqu’un jusqu’au bout, une voix douce et un peu moqueuse s’éleva sur sa gauche.

Léothéric regarda s’approcher dame Cléophée, légèrement éméchée. Il fit un sourire ironique :

— Tu as plus l’habitude, pourtant tu le prends aussi bien que moi.

— C’est toujours pareil, s’exclama-t-elle en s’appuyant contre le mur au côté de Léothéric. On les laisse partir avec fierté, mais on ne sait jamais si on a fait tout ce qu’il faut. Pourtant, le petit dragonneau doit prendre son envol, loin du regard de celui qui lui a appris à déployer ses ailes ! Tu n’es pas d’accord Ciryon ?

L’aîné sourit :

— Tu as raison, c’est toujours dur. Encore plus quand la décision ne vient pas de vous et que vos protégés sont les plus jeunes chevaliers. Mais si vous les laissez prendre leur envol, c’est que vous leur faites confiance.

— Faire confiance à une petite peste ! murmura Léothéric. Elle va vous créer un incident diplomatique.

— Le mien l’en empêchera. Par contre, il est tellement rigide, comment voulez-vous qu’on l’apprécie ?

Ciryon resta à écouter les mentors se plaindre de leurs anciens écuyers. Lui-même se rappelant du nombre de fois où il avait également tenu de tels discours.

De son côté, Élentir avait difficilement pu échapper à la foule. Étant la cheffe de la mission, toute l’attention s’était tournée vers elle. Un certain nombre de personnes étaient venues la remercier, féliciter, questionner. Finalement, Gleen, par son tempérament expressif et fêtard, l’avait aidée à s’enfuir en accaparant toute l’attention, racontant leurs aventures. Élentir, après s’être pris quelques petits apéritifs, décida que son bain de foule avait duré suffisamment longtemps. Les humains devenant bruyants, elle s’éloigna pour aller s’installer dans le petit jardin. Entendant au loin les bruits de la fête, elle observait les étoiles, activité qui l’aidait à se détendre et à réfléchir. Toutefois, son calme fut vite troublé par l’arrivée de deux personnes.

— Ne devriez-vous pas être à la fête en tant qu’héritiers ? demanda-t-elle d’une voix lasse.

— Dit l’héroïne de la soirée, s’exclama joyeusement Éledhwen en s’installant aux côtés de son amie sur le banc.

Palantir, resté debout, fit un sourire d’excuse.

— Mouais, râle Élentir. J’estime en avoir assez fait pour aujourd’hui. Ça commence à devenir trop bruyant.

— Tu ne t’en plains pas lors des grandes fêtes, remarqua Palantir, un sourire aux lèvres.

Élentir resta muette, les yeux rivés au ciel. Elle se sentait légèrement trahie par ses amis. Elle aurait préféré qu’ils la laissent seule un moment. Pourtant, même si elle savait que chacun d’eux comprendrait. Elle se refusa à leur dire.

— Tu aurais préféré être seule, demanda doucement Palantir, n’est-ce pas ?

Élentir le regarda alors, se sentant coupable sous le regard protecteur et compréhensif de ses yeux vairons. Elle hocha cependant doucement la tête. C’était peut-être les seuls à qui elle ne pourrait mentir. Éledhwen la prit par l’épaule :

— Si tu veux que nous partions, alors nous rejoindrons la fête. Toutefois, je suis sûre que tu as quelque chose à nous dire.

Élentir tourna son regard vers elle, restant silencieuse quelques secondes avant de pousser un grand soupir.

— Pourquoi ne pas m’avoir parlé avant de votre idée de garde ?

— Tu aurais refusé d’en être la commandante, répliqua aussitôt Éledhwen.

— Je ne doute pas que tu nous aurais soutenus, continua le prince, mais tu n’aurais même pas voulu réfléchir à en être la cheffe. Et pour nous, c’est essentiel. Pardon d’avoir essayé de te forcer la main.

Si Palantir semblait sincèrement désolé, sa sœur, elle, continua à sourire sans se sentir coupable. Élentir comprenait et ne leur en voulait pas tant que ça. Après tout, Palantir avait raison, elle n’aurait jamais accepté de prendre le commandement. Non qu’elle ne souhaitait pas aider ses amis, elle ne souhaitait juste plus être mise en avant ainsi. Être responsable de toute une troupe ne lui plaisait pas. Elle s’était imaginé devenir chevalière solitaire comme son mentor. Partir avec des compagnons ou diriger une troupe n’était pas vraiment ce qu’elle avait prévu. Toutefois, même si elle n’était pas très rancunière elle ne répondit pas.

— Tu vas y réfléchir, quand même ? supplia Éledhwen en la serrant dans ses bras.

Élentir soupira de nouveau.

— Je vais y réfléchir, marmonna-t-elle. Vous me connaissez bien… Je ne suis pas enthousiaste à l’idée d’avoir des gens sous mes ordres. Être chevalière me donnait la liberté. Devenir commandante de la garde me l’enlèverait.

— Mais, tu voulais nous aider, retourna Éledhwen. Nous, nous n’aurons jamais de liberté…

— Éledhwen, la coupa sévèrement son frère. Je suis désolé, oublie ce qu’elle vient de dire.

— Non, elle n’a pas tort, répliqua Élentir en soupirant. Je me rends bien compte que contrairement à moi vous n’avez pas la possibilité d’être libres. Je fuis les responsabilités, tandis que vous vous les assumez toujours. Écoutez, je vais y réfléchir cette nuit, et vous aurez ma réponse demain au lever du soleil.

Les jumeaux furent tous deux soulagés d’entendre que leur amie acceptait de repenser à la proposition. Ne voulant pas trop insister, ils firent dévier la conversation vers d’autres sujets plus joyeux et détendus. Cela faisait longtemps que les trois amis ne s’étaient pas retrouvés seuls aussi longtemps, sans aucune obligation. Ce fut une occasion pour rire aux éclats, se remémorer le doux temps de l’enfance, lorsqu’ils pouvaient s’échapper plus souvent. Ils restèrent ainsi jusqu’à ce que la fatigue les rattrape. Ils se donnèrent alors rendez-vous le lendemain matin pour entendre le choix d’Élentir.

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