Une faim sauvage

de Image de profil de Max.TMax.T

  

Enregistrement audio retrouver dans le téléphone de Jonah D.

  « - J’étais un petit garçon comme les autres, les joues roses, les cheveux fins légèrement ondulés, j’étais plein de vie. Depuis ma naissance, ma santé était parfaite, ma croissance respectait les normes, bref, j’étais un petit garçon comme les autres. Ou presque… J’étais insatiable !

  - Je ne saurais dire depuis quand Tommy est avec moi, d’aussi loin dont je me souvienne, il a toujours fait partie de ma vie. Il était présent avec moi en classe, à la cantine, et même parfois, il dormait dans ma chambre. Mais uniquement les week-ends ou pendant les vacances ; interdiction formelle d’avoir des amis qui viennent dormir à la maison les veilles d’école. C’était une règle de la maison. Mais à part Tommy, je n’avais pas d’amis à inviter.

  - Tommy était super avec moi, il ne me jugeait jamais, au contraire, il m’encourageait dans tout ce que j’entreprenais. Et comme je l’ai dit, j’étais insatiable, je mangeais tout le temps. Petit déjeuner, gouter de 10h, déjeuner, gouter de 16h30 en sortant de l’école, et diner. Tout ça, bien souvent compléter par des friandises, bonbons et sucreries en tout genre. Quand je mangeais un petit gâteau, Tommy était là, m’en proposant toujours un deuxième à l’aide d’une phrase toute faite du genre « On ne reste jamais sur un nombre impair » ou bien, « un deuxième pour la route » et on riait.

  - Malgré tout cela, je n’étais pas gros, pas rond non plus. J’étais « dans la courbe » comme disait le médecin. Il n’y avait donc aucune inquiétude de la part de mes parents. Je faisais du sport, du badminton et j’étais plutôt doué. J’avais même remporté un tournoi régional. Ma photo était apparue dans le journal, et j’avais eu le droit aux félicitations de ma grand-mère, et un petit billet en récompense.

  - Ma grand-mère me donner toujours une petite pièce quand j’allais la voir. Et quand j’étais vraiment sage, ou que j’avais fait une bonne action, la pièce se transformait en billet.

  - Dans ces moments-là, je partageais toujours avec Tommy. Nous allions à la boulangerie, et choisissions méticuleusement chaque bonbon. Et la boulangère nous en rajoutait parfois un ou deux. Elle était gentille la boulangère. J'avais toujours une bonne excuse pour manger, grignoter, essayer d'étouffer cette sensation de faim qui prenait parfois le contrôle complet de mon corps.

  - Tout cela à continuer pendant des années, jusqu’à mon adolescence. A ce moment-là, Tommy ne venait plus aussi souvent me voir. Parfois, il se passait plusieurs semaines avant nos retrouvailles. Mais quand nous étions ensemble, nous étions les rois du monde. Nous mangions tout ce que nous trouvions. Tommy avait trouvé un petit boulot pendant les vacances qui lui rapportait assez pour se faire plaisir de temps en temps. Son salaire, couplé à mon argent de poche, nous permettait de faire des petits restaurants, des fast-foods, nimporte quoi pourvu que l'on ressorte le ventre plein.

  - Et puis nous sommes devenus adultes, et avons pris une colocation ensemble. Je ne savais pas vraiment ce que faisait Tommy dans la vie, et je dois dire que sa contribution aux charges de notre appartement était le plus souvent nulle. Mais j’avais de toute façon besoin de cet appart, quitte à payer le loyer, autant avoir en plus mon meilleur ami avec moi.

  - Nous avions pris l’habitude de commander notre nourriture par téléphone. Et quand le livreur sonnait, nous nous précipitions sur la porte, et dévorions tout ne laissait aucune miettes. Les plats étaient à peine posés sur la table que nous engloutissions tout, comme des toxicos s’injecteraient leurs doses. Nous vivions pour manger, c’était devenu bien plus qu’un plaisir. Indien, chinois, Thaï, Americain, nous les aimions tous.

  - Cela faisait maintenant quelques années que je ne pratiquais plus aucun sport, et que Tommy et moi avions quitté nos emplois respectifs pour vivre des réseaux sociaux. Nous avions ouvert une chaîne YouTube entièrement consacrée à la nourriture, en grande, voire très grande quantité. Aux Etats-Unis, ils appelaient cela Epic Meal Time. Des bacs de cuisine professionnel remplis de hamburger, recouvert de viande haché, de sauce aux fromages, de frites, et à nouveau de burger et ainsi de suite jusqu’à ce que le plat déborde. C’était gargantuesque. Et pendant quelques années, ces vidéos nous ont permis de vivre pleinement de notre passion, si seulement les gens connaissaient notre secret, notre chaîne aurait soit explosé, soit fermées en deux minutes.

  - Et soudain, du jour en lendemain, tout s’est arrêté. La chaîne ne nous rapportait plus rien, nos comptes en banque se vidaient petit à petit et nous devions composer avec cela. Il n’est vraiment pas facile d’avoir faim quand on a pris l’habitude d’ingérer des quantités astronomiques de nourritures à chaque repas. Bien sûr, nous avons eu des disputes, des désaccords. Je reprochais à Tommy d’avoir baissé les bras et d’avoir abandonné le projet. Il mettait en danger notre équilibre. Il répondait qu’il sentait son corps sur le point de lâcher, et il n’avait pas tort.

  - Si pendant toutes ces années, mon corps n’avait pas changé (je n’avais toujours pas de ventre, mon physique était encore presque parfait, et ma santé également), celui de Tommy accusé le coup. Il devait avoir dépassé les 100kg peu de temps après l’ouverture de notre chaine, et les 130kg lors de sa fermeture, 3 ans plus tard. Bien que certains de nos followers nous considéraient comme des stars, nous n’étions finalement rien de plus que des étoiles filantes.

  - Tommy et moi avons tenu un an et demi avec nos économies. J’avais beau chercher du travail, je n’essuyais que des refus. Compliqué d’expliquer un tel trou dans mon CV, et impossible de parler de la chaîne YouTube sans s’attirer des rires remplis de sarcasme et de dédain. La situation me tapait sur les nerfs d’autant que je sentais bien que Tommy ne faisait plus d’effort. Il avait tout abandonné, tout lâché.

   - C'est un dimanche matin, en octobre que son cœur a lâché, victime d’une attaque cardiaque. Tommy avait 28 ans. Il était tout pour moi, et je ne pouvais pas vivre sans lui, je ne pourrais pas vivre sans lui.

  - Je ne pouvais le laisser partir comme ça. Lui, mon camarade d’orgies, de repas névrosés, mon ami, celui qui était tout pour moi. Je ne pouvais le laisser partir comme ça. Alors j’ai fait ce que j’avais à faire. Le cœur rempli de chagrin, et les yeux remplis de larmes, j’ai sorti mon bac, découpé ma viande, rempli mon bac et enfourné pendant 3h. Puis j’ai rouvert notre chaîne YouTube, filmer mon dernier repas et je l’ai publié. »

  L’inspecteur Parker mis l’enregistrement sur pause. Il repensa une nouvelle fois la scène de crime. Un homme, taille moyenne, physique de sportif, était suspendu par une corde à une poutre de la mezzanine de l’appartement, la table basse renversée à ses pieds. Sur l’ilot central de la cuisine, gisait les restes d’un corps qui devait être obèse. Plusieurs parties du corps avait été découpée : muscles, cœurs, foie, reins ; le tout placé dans un plat qui semblait avoir été cuit pendant plusieurs heures. La tête du dénommé Tommy trônait sur un fauteuil tourné vers le pendu. Parker appuya sur « play ».

  « - Ce dernier repas, nous l’avons fait ensemble Tommy, tous les deux ! Désormais, tu feras toujours parti de moi, comme tous les autres ! »

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En réponse au défi

Une nouvelle chaque dimanche ... #172

Bonjour à toutes et à tous,

Très heureux de vous retrouver pour assurer l'animation de ce défi hebdomadaire, en ce début d'automne et ses mois qui tremblent.

Sans doute en connaissez-vous le but. Toutefois je vous le rappelle. Le défi paraît chaque dimanche pour une durée d'une semaine.

Il consiste à écrire une nouvelle sous la contrainte d'un thème et de six mots clés.

La nouvelle littéraire se traduit par un bref récit fictif qui fait appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu'on appelle la chute mais ce n'est pas systématique.

Les mots imposés, suivant leur nature, peuvent s'accorder en genre et en nombre ou se conjuguer. Ils sont à utiliser en totalité et dans l'ordre que vous souhaitez. Merci de les faire apparaître en choisissant une police en caractère gras, italique ou souligné.

Le genre littéraire et la forme (poésie, dialogue ou monologue, chronique, récit, conte…) sont libres.

La longueur minimum d'une page (250 mots) serait appréciable.

Je vous propose donc de composer entre le dimanche 13 octobre 2024 et le dimanche 20 octobre 2024.

Sur le thème de la Faim, au propre comme au figuré, voici les six mots pour l'accompagner : Injecter, Réseau, Nerf, Attaque(s), Composé, Étoile.

Je vous souhaite une belle semaine et de l'imaginaire à fleur de mots qui ne vous laisse pas sur votre faim.

Merci de vos nombreuses contributions et à bientôt de vous lire.

Jean-Michel

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