Chapitre 4
Lorsqu'ils arrivèrent, la police était déjà là, ainsi qu'une équipe d'autres hommes que Mao n'arriva pas à identifier. Samaël s'arrêta devant l'accident et Mao descendit directement.
- C'est par là, lui indiqua un policier qui était venu à leur rencontre.
- Qu'est-ce qu'on a ? demanda mécaniquement Mao.
- Pour le conducteur du camion, il n'y a plus grand chose à faire, la cabine du poids lourd a été littéralement pulvérisée dans le choc contre le mur là-bas. Mais pour ce qui est des occupants de la voiture... C'est à vous de voir. Nous avons réussi à les sortir de tout ce fatras de tôle. Il y a un homme et une femme. C'est la femme qui semble la plus grièvement blessée : elle n'avait pas sa ceinture de sécurité et elle... Enfin... Vous verrez...
Mao hocha. Samaël venait d'arriver à sa hauteur avec sa mallette. Ils avancèrent jusqu'à l'endroit où les deux victimes de l'accident avaient été allongées. Samaël s'approcha en premier de la jeune femme. Elle était grièvement touchée. Il posa sa main sur son cou pour constater que les signes vitaux étaient bien là.
- Mao !
- Oui ?
- Occupe-toi de celle-là... Il faut vite la préparer pour un transport.
- Hein ?
Samaël se pinça les lèvres.
- Elle est enceinte.
Mao sursauta. Elle regarda la femme puis revint sur son partenaire.
- Tu m'expliques ? Tu viens juste de prendre son pouls... Comment peux-tu savoir qu'elle est enceinte ?
Samaël n'avait pas envie de répondre mais répliqua d'un ton plus rude :
- Ne t'occupe pas... C'est une intuition... Fais ce que je te dis et moi, je vais aller voir l'homme.
Mao resta une demi-seconde un peu interdite devant l'affirmation tranchée de Samaël. Puis elle hocha la tête. Pour le moment, il n'était pas judicieux de poser des questions et il lui incombait de faire confiance à son partenaire. Cela ne tenait pas d'un raisonnement rationnel mais elle fit le choix d'y croire. C'était la première fois qu'elle entendait Samaël affirmer une chose d'une manière aussi brutale. Elle ne le connaissait pas bien même si cela faisait deux semaines qu'ils avaient commencé à sortir ensemble, et elle ne l'avait jamais vu agir ainsi.
- J'y vais.
- Vous allez avoir besoin d'aide ? demanda le policier qui les avait suivis.
- Oui... Si vous pouvez demander à quelqu'un d'attraper le brancard du camion et de venir rapidement, cela serait utile.
- Je vais le faire, fit l'homme visiblement heureux de pouvoir contribuer plus pragmatiquement aux secours des victimes.
*
Il ne leur fallut que sept minutes pour transporter les deux jeunes gens jusqu'aux urgences les plus proches. Mao et Samaël passèrent ensuite le témoin aux équipes sur place. Mao s'occupa de transmettre le bilan de santé de chacune des victimes, tandis que Samaël s'occupa de la paperasse administrative des admissions. C'était comme cela maintenant, remplir quatre ou cinq formulaires pour que des gratte-papiers touchent leur salaire en évaluant les critères médicaux standardisés en mode QCM. De l'idiotie crasse en barre pourtant encensé par les crétins improductifs mais planqués dans la hiérarchie du système de santé. Après cela, les deux partenaires se retrouvèrent dans la salle d'attente de l'hôpital.
- Samaël ?
Samaël se retourna. Mao lui tendait une canette de Coca.
- Tiens.
- Merci.
Il saisit la boisson mais Mao ne la relâcha pas.
- Samaël ?
Il regarda Mao dans les yeux. Elle ne semblait pas furieuse, ni être en train de lui faire une blague.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Pour tout à l'heure, dis-moi, comment savais-tu qu'elle était enceinte ?
- Je te l'ai dit... J'ai eu une intuition.
- Une intuition ? Etrange comme intuition. Tu ne trouves pas ?
- Que veux-tu que je te dise ?
Mao resta silencieuse quelques instants puis répondit :
- Je ne sais pas vraiment. Je voudrais savoir la vérité, je crois.
Samaël secoua la tête.
- Parce que tu crois que je te cache quelque chose ?
- Non. Je ne crois pas. Je sais seulement reconnaître le ton de voix quand tu ne dis pas tout.
Samaël ne s'attendait à cette répartie de la part de Mao. Il ne pensait pas qu'elle pouvait s'exprimer dans la nuance. Il pouvait continuer à ne rien dire mais ce n'était sûrement pas le meilleur moyen de la convaincre.
- Je la connaissais.
Mao écarquilla les yeux.
- Comment ?
- Je la connaissais, je l'ai croisée lors d'une soirée. Je ne sais pas te dire quel est son nom, ni son prénom... Simplement, on a dû échanger quelques paroles ce soir-là... Et voilà tout...
Mao était plus que dubitative, en plus d'être surprise par la réponse.
- Et en quelques paroles, elle t'a dit qu'elle était enceinte ? C'est ça ?
- C'est ça.
Mao réfléchit puis finit par se dire que cela ne valait pas le coup de faire virer la conversation en dispute. Si Samaël avait fini par lui lâcher le morceau et bien que son affirmation lui semblait suspecte, c'était sûrement pour éviter l'affrontement.
- On rentre ? demanda-t-elle.
- Rentre toute seule... J'ai deux ou trois choses à faire ici et je te rejoins. répondit Samaël en lui tendant les clés du camion.
- Vraiment ? Tu dois voir ton amante ?
- Pas du tout mais vas-y vraiment. Je te rejoins d'ici une heure.
Mao fut tentée d'insister mais y renonça presqu'aussitôt car, même si elle ne voulait pas s'envisager dans ce rôle, elle ne voulait pas virer en mode petite amie pénible.
- Chez moi ?
- Ok pour chez toi.
Mao tourna les talons et s'éloigna. Qu'est-ce que Samaël pouvait bien avoir à faire ici ? Elle ne voyait aucune explication logique qui tienne. Cette nuit était vraiment particulière. Il était temps que son service se termine. Elle se poserait les bonnes questions qu'après avoir dormi. En tout cas, c'est ce dont elle se persuada.
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