Je suis en train de réfléchir sur comment vais-je écrire cette lettre? Dois-je le faire de manière sarcastique, passive-agressive comme c'est de coutume dans ce genre de situation? Non. Ce n'est pas mon genre. Autant le faire la manière la plus honnête qui soit.

Je prends fébrilement mon stylo et commence à coucher sur papier :

"Cher John,

Comment vas-tu? Ça doit faire bientôt neuf ans que nous nous sommes séparés, toi et moi.

Je dois avouer que le seul regret est de ne pas avoir eu une discussion propre pour te dire que oui, c'était terminé entre nous et que rien ne sera plus comme avant.

On avait été d'accord là-dessus, on s'est même fait une promesse tous les deux : si celle que nous avons décidé avec qui tu fasses ta vie s'immisçait dans l'amitié qui aurait pu continuer entre nous, je coupe les ponts.

Et elle l'a fait.

Et j'ai décidé de ne plus faire partie de ta vie et de vivre la mienne.

Et tu continues encore et encore à te dire qu'un jour, je reviendrai.

Tu connais la réponse.

Non.

En fait, j'ai passé ces années à réfléchir pourquoi nos dix ans de vie communes n'ont pas fonctionné.

Pourquoi tu partais toujours en quête de ton amour idéal alors que j'étais là, toute à toi.

Pourquoi après tu ne cessais de me dire "Je t'aime" quand cela ne marchait pas avec tes candidates potentielles parce que tu sentais que j'étais sur le point de partir.

Pourquoi j'étais aussi dépendante et prompte à attirer des hommes avec qui j'aurais pu tenter quelque chose mais qui fuyaient à chaque fois que je disais ce que je ressentais.

Je connais la réponse maintenant et la vérité est vraiment amère mais c'est comme ça.

John, tu ne m'aimais pas et moi non plus, je ne t'aimais pas.

Nous étions simplement attachés l'un à l'autre avec nos blessures qui parlaient et simulaient un semblant d'amour.

Nous étions des enfants blessés qui tentaient vainement de s'accrocher à quelque chose, à combler un manque causé par des membres de notre famille.

Je continuais d'obéir inconsciemment à mon père, à être la victime de sa folie perverse, à tenter aussi de jouer la sauveuse tout en m'oubliant par la même occasion comme mon géniteur me l'a appris en me saoulant au whiskey pour que je sois bien docile à son conditionnement horrible.

Tu me fuyais dès que je commençais à envahir ton territoire via mes sentiments étouffants et tu as eu tellement peur que je te rejette en retour que tu t'assurais à ce que je ne te quitte pas si tu risquais de te trouver seul.

Tu pensais que mon amour t'était acquis.

Je le pensais aussi mais maintenant, j'ai ouvert les yeux.

Ce que je ressentais pour toi n'était pas de l'amour mais un attachement lié à mes blessures.

Toi et moi ne sommes plus des enfants.

Nous sommes des adultes et nous devons assumer la responsabilité de nos vies.

De plus, tu me l'as dit toi-même un jour :"Si nous continuons d'être ensemble, on se tirera tous les deux vers le bas.”

Je suis désolée d'avoir mis ma vie entre tes mains.

C'était trop de responsabilité et ce n'était pas sain du tout.

Cette séparation m'a faite comprendre que c'est à nous d'exister, pas aux autres de le faire pour nous.

On s'en fout si certains s'offusquent de ce que nous sommes.

L'important, c'est d'être authentique.

Sois toi-même, guéris les blessures de ton coeur et suis ce qui te fait envie à la place, quitte à déplaire aux autres.

Pour ça, tu dois arrêter de me chercher, de me suivre et d'essayer de m'enfermer dans la cage de tes manques par quelque moyen qu'il soit.

Je ne suis plus ta roue de secours.

Je ne te fuis même pas.

Tu fais simplement partie de mon passé maintenant.

C'est fini entre nous."

Je termine la lettre en posant mon stylo et en regardant par la fenêtre.

Il fait beau, le soleil brille et tout comme lui, je vais rayonner à ma manière.

La page de cette illusion d'amour est définitivement tournée.

Ce chapitre de ma vie est maintenant clos.