Chapitre 1 - L'enfant de Paris
Paris.
Paris, femme aux mille et un visages, diamant aux mille et une facettes.
Beauté défigurée, vierge effarouchée, naïve infidèle : Paris est plurielle. Comme toutes les femmes.
De nuit comme de jour, ses amants la courtisent en s’égarant dans les jupons de ses ruelles labyrinthiques. Ils lui font les yeux doux en plongeant leurs regards dans le décolleté vertigineux de la Seine, assoiffés par le secret désir de la posséder. Messieurs, que ne feriez-vous pas pour la belle Paris ?
En la Seine coule son sang, en ses rues courent ses amants, en ses nuits s’aiment les amours interdites. Paris s’éveille comme elle se couche : les cheveux en bataille, le maquillage qui fout le camp et le corps lourd de caresses et de morsures.
Ville des extrêmes, superbe métisse, enfant de la misère et de la luxure, moitié bourgeoise, moitié putain, la rose aux lèvres et la syphilis entre les cuisses, Paris la sang-mêlée vous offre son opulente poitrine, parée des bijoux de chez Cartier, contre son ventre creux, métro sombre hanté par des fantômes affamés.
Paris la bâtarde troque l’accès au Paradis, via la Tour Eiffel, contre une descente aux enfers parmi les ossements friables et anonymes des Catacombes. Paris la mulâtresse vous vend ses lèvres charnues pour quelques billets glissés dans son corset et son corps de liane à mater pour vous faire oublier votre douleur : ne pleurez pas si l’infidèle vous abandonne au petit matin dans les draps froissés de la brume. Paris est libre. Libre de s’offrir à qui elle veut, quand elle le veut.
Si Paris avait eu un visage, il aurait eu les traits d’une femme.
Je suis l’enfant de Paris, sa môme, sa garce, sa gangrène, son chancre. Elle m’a portée en son sein pendant dix-huit ans : je suis le fruit de ses entrailles, un charmant petit monstre qui fait que les hommes sont fous et que les femmes sont belles.
Je suis cet ange déchu à la mémoire piétinée et aux ailes brisés, condamné à errer ici bas pour payer je ne sais quels péchés.
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