Oubliée

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 Je vais vivre une expérience très intéressante aujourd’hui. Je vais m’oublier. La dernière fois que quelqu’un m’a oubliée, c’était ma mère sur le parking de Leclerc. J’étais allée ranger le chariot et pouf! Disparue. Rentrée à la maison. Deux heures. Je suis restée à tourner en me demandant s'il fallait tenter les quinze kilomètres à pied ou aller pleurer à l’accueil du magasin parce que ma mère m’avait oubliée, mais bon, à dix-sept ans : “La petite Maxine attend sa maman à l’accueil”, ça ne me disait pas trop. Sans compter que la maman s’était fait la malle dans une maison où le téléphone était perpétuellement en panne. Bref. Aujourd’hui, j’ai décidé de m’oublier toute seule. Comme une grande.

 J’ai préparé un sac avec Choupette, mon lapin bélier. Déjà, ça m’a pris trente minutes à l’attraper. Elle est en liberté dans le jardin et n’avait pas du tout l’intention de venir s’oublier avec moi. J’ai donc une lapine un peu vénère dans mon sac à dos, quelques bananes et ce carnet. Oui, au cas où je me retrouverais, je pourrais lire mes aventures.

Jour 1

Il fait chaud. C’est dingue, on croit qu’une maison fermée c’est froid, mais erreur, si votre maison est née en 1908, elle va préférer être emmitouflée dans ses volets bien clos. Oui, j’ai tout fermé, sinon, je vais voir passer le facteur et la voisine, madame Rose. Ce que je veux c’est oublier ma vie et mes repères, et voir si j’existe encore.

Jour 2

Choupette s’emmerde. C’est une erreur de mettre un lapin de jardin dans une maison. Elle a bouffé les fils de la box internet et elle s’attaque à l’arrière du frigo. Je prédis une mort imminente.

Jour 3

Choupette est nulle en oubli. Je l’ai laissée se barrer par la chatière. J’ai failli y passer la tête moi aussi pour faire coucou, mais non, je tiens.

Jour 4

Plus de bananes. Dommage, j’adore les bananes au Nutella. Je passe aux pommes. Elles brillent comme les chaussures de mon père à son enterrement. Fake. On est en mars, les gars, le pommier dehors il peine à gonfler ses bourgeons.

Jour 5

J’ai entendu un bruit. Je vous jure, j’ai entendu des pas s’approcher et presque la main sur la sonnette. Comment ça presque ? Ben oui, je deviens extra-lucide, je me colle à la porte, les yeux fermés et je vois. Quoi ? Je vois. Ça ne vous suffit pas ?

Jour 6

C’est bon, je me suis bien oubliée. Je crois que j’ai été au fond de l’oubli de moi. Je passe devant la glace du salon et il n’y a personne. Je me demande si ça fonctionne comme ça pour les vampires. Des gars qui décident de s’oublier et qui finissent par sucer le cou des pucelles. Faut que je vérifie mes canines. Voyons. Merde, je ne me vois pas dans ce putain de miroir.

Jour 7

Et Dieu créa le monde. Je fais quoi maintenant ? J’ai passé la tête par la chatière. Pas pu m’en empêcher. Mais j’ai pas miaulé.

Jour 19

Débile cette idée. Mon carnet est fini.

Jour 25

“Ding-Dong” “Toc-Toc”

Moi, mine réjouie, yeux mangas et salive brillante.

— Oui ?

— Bonjour, je suis le livreur. Vous êtes Madame Juliette Nogean ?

— Non

Jour 40

J’ai perdu. Personne ne m’a trouvée. Même pas moi.

Je sors par la chatière, je mange Choupette et je vais mordre madame Rose.

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