Le grimoire des élus
J’avais la tête pleine de suppositions et mon esprit s’était rempli de doutes. Assis sur une chaise devant un bureau de l’une des chambres spacieuses du château de Sir Édouard. Je n'avais plus d'autres choix. Éclairé par la lueur chatoyante d’un cierge, j’écrivais tout ce qui composaient, mes mémoires cellulaires. Un passé, maintenant, révolu se projetait sous mon regard en des images fantasques. Et à voir comment se déroulaient les scènes, je restais émerveillé par la qualité des premières lignes que je narrais, comme si cette plume que je tenais entre les doigts s’était soudainement enchantée par la grâce d’une force inconnue. Et j'entamais donc, ce récit dont le titre s’était inscrit d’un automatisme effarant : Le grimoire des élus
Or, juste avant de commencer à rédiger, j’avais regardé, par la fenêtre, la nuit étoilée dont l’absence de lune m’avait rendu, un instant, si perplexe que je me suis mise à repenser une dernière fois à Lady Méline de Larose. Puis j'effaça mon ressenti et je pu enfin me replonger dans cet univers mirifique, féerique, sans aucune limite au pouvoir de la magie. Sous mes yeux, défilait l’histoire d’une femme aux cheveux châtain et la première impression que j’eus, à cet instant, fit battre mon cœur si fort que j’en avais récité à voix haute : Il était une fois…
La suite du récit s’écrivait toute seule et l'encre, pourtant noirâtre, après chaque paragraphe fini, devenait lumière accentuant ainsi le côté mystique du conte que voici :
Un peuple aquatique avait péri sous la colère monstrueuse d'une éruption volcanique sous-marine, laissant derrière eux une seule héritière. Lors de cette catastrophe, elle se trouvait dans son œuf qui avait, par chance, résisté à la chaleur brûlante de l’eau en pleine ébullition. Cette réaction chimique provoqua sur l’embryon une autre et plongea cet enfant de sirène dans une hibernation qui dura bien plus de quinze ans...
Le grimoire des élus
Noyée dans le chagrin, Nalya errait nageant dans les mers, les océans et voguait comme un vaisseau fantôme l'esprit tourmenté et l'âme en peine dans l’espoir de rencontrer une race identique à la sienne. Et même si elle croisait différentes races d'animaux aquatiques, elle était incapable de nouer la parole avec l'un d'entre eux.
Elle trouva refuge dans les eaux tempérées d’un lagon d’un archipel du nom de : les îles Coquelicots. Cette nuit comme presque toutes les autres quand le ciel le permettait, ses iris d’argent se perdaient sur l’éternelle voûte céleste entremêlée entre la contemplation et le souhait de vouloir voguer dans l'obscurité étoilée. Nalya avait une croyance personnelle et plus son regard s’y perdait, plus des larmes s’écoulaient. Son vœu était si loin et même temps face à elle.
Tant de beauté s’échappait, en cette nuitée, s'offrait sous les yeux de Nalya. Elle se contenta d’être là, assise sur des coraux à profiter de la sérénité des cieux, bercée par le son entêtant des remous s’échouant contre la barrière de corail. Pourtant, il fallait juste qu'elle le prononce pour le réaliser. Néanmoins, pour comprendre pourquoi, elle ne pouvait le faire sciemment, fallait-il encore pouvoir entrer dans son esprit.
Quand soudain, elle se mit à grelotter, elle devait replonger pas le choix, sa vie en dépendait. Cependant, Nalya luttait pour apprécier encore se perdre à rêver d’un autre monde. Affaiblie, Résiliée et refroidie, ce soir, elle se remit encore à l’eau. Or, avant de sombrer à nouveau, elle jeta un dernier regard vers l'éternelle, comme si elle attendait un signe, mais celui-ci ne vint pas. Alors elle replongea. Éprouvée par la solitude, elle brouillait le même noir que celui des cavités abyssales, son unique refuge.
J’entendis soudain quelqu’un frapper à la porte, cela me coupa dans mon élan et j’avais dû poser la plume dans l’encrier. Je ne pouvais fermer l’ouvrage car l'encre était encore humide. J’observais cette l’écriture qui s’illuminait par une force insoupçonnée. Je ne savais pas combien de temps j’avais passé à la narration de ce récit, mais pour sûr, un bon moment, parce qu’au-dehors, je perçus qu’une strate lumineuse graduer d’un panache plus clair le ciel étoilé. Mon ventre se mit à crier famine et je songeais que je n’avais pas mangé depuis plusieurs heures sans parler des autres jours où j’avais été retenu isolé. Et en me relevant, j’aperçus que le cierge avait bien coulé, deux tiers de la cire avait fondu. La chambre que m’avait convié Sir Édouard était grande et confortable et la cheminée n’avait pas été utilisée depuis un moment, mais la température ambiante restait supportable.
Face à la porte que je pris soin d'ouvrir : Lady Méline était sur seuil de l'entrée. Puis elle se précipita à l’intérieur en me sommant de la refermer. À voir son comportement, elle m’avait semblait affolée et quand elle me tourna le dos, réticente à l’idée que je ne l'approche. Je faisais un pas, elle, deux, on répéta ce jeu à trois reprises qui m’avait fait sourire, un instant. On avait souvent pour coutumes de jouer. Or, quand l'astre lumière, commença à briller à l’horizon, Lady Méline me jeta d'un geste régalien et s'avança vers la fenêtre pour contemplait le soleil se lever. Fidèle à elle-même, elle adorait toujours les premières lueurs matinales autant que les dernières. Elle m’avait tourné le dos. Je l'observais ses courbes majestueuses finement mise en valeur par un bustier qui taillait ses formes si bien et sa robe bouffante la siée, comme une duchesse.
Une autre m’avait surpris davantage peut-être qu’elle avait tout orchestré pour que je sois à ses côtés. La connaissant, j’y aurais pu parier gros sur le coup, je souris à cette conclusion, je me reprochai, mais elle avait fui. Alors, je m’étais mis à mon tour à observer l’horizon l'aube d’une plus grande clarté. Je me doutais qu’elle était en train de prendre part au conte débuté. Je patientais avant qu’elle ne daigne vouloir m’adresser la parole. J’avais, entre temps, fermé les yeux afin d’apprécier davantage le moment où Lady Méline allait prononcer son verdict. Et cela ne tarda point !
— Ne me dites pas, maître Dylan, que vous êtes devenu fin poète !
Elle reprit cette fois-ci, en lisant l’une des notes inscrites :
Leurré par les blondes,
Ne pourront jamais égaler
L'éminente grâce et volupté.
Comme ces pétales qui vous ornent.
N’évoquons point les roses,
Vous restez la plus étoilée.
Ô doux parfums acidulés,
Qu'il me reste en zeste,
Zèle ma caresse pensée.
Femme aux iris dorées.
Belle et sublime,
Votre cœur est le monde.
Quand elle eut prononcé de sa voix suave ces vers, je n’avais pas eu souvenir de les avoir écrits.
— Surprenant ce conte et plus encore ce texte, m’a fort touchée. Je n’ai jamais lu de telles paroles dans un tel récit. D’où sors-tu tous ces schémas, cette histoire et cette créature aquatique ? Cette solitude qui me reste résonne en moi comme un enchantement sylvestre.
J’avais bien fait de fermer les yeux, cela faisait si longtemps que sa voix ne m’avait pas autant emporté. J’étais envoyé entre deux mondes, je pensais Nalya transporté par la voix de Lady Méline, partagé entre deux sentiments qui semblaient tout deux contradictoires et pourtant si ressemblants.
Je me rappelait soudain alors que Lady Méline était une femme digne, comme je les aimes c’est-à-dire parfaite en tout point, mais entre nous, c’était trop complexe, on s’aime outre mesure, mais on avait jamais voulu passer le cap, celui d’en être des amants. Le temps s’écoulait et plus je regardais, plus mon cœur me brûlait, le foyer de mes tourments était là, face à moi le regard dirigé vers l’éternel horizon d’une journée rayonnante. Je savais. C’était le moment ou jamais, je devais me dévoiler lui révéler toute l’étendue de mes sentiments, alors quoi de mieux de lui écrire. Je devais faire vite, sans aller écrire un roman. L’histoire de Nalya un conte pour lui avouer tout l’ampleurs de mon amour et après quelques échanges, j’ai repris la plume et son phrasé impeccable.
Nalya nageait toujours plus profondément dans les abysses pour se murer dans son silence peur de voir qu’en elle avait son vœu tant désiré. Mais jamais elle voulait passer le cap et quand parvint à toucher le fond, une pensée vient l'éclairer...
Annotations