Deux
- Apprends à me connaître. Passe du temps avec moi, me propose Ethan.
- Non, ça ira, merci.
- Je ne prend pas le refus comme réponse.
- C’est bien ton problème. Je sais que tu n’as pas l’habitude. Que chaque personne qui t’entoure sont prêtes à tout pour toi, ça a toujours été comme ça. Tu as ce que tu veux, à l’instant où tu le réclames. Mais je ne suis pas de ces personnes.
- Deviens le.
- Laisse-moi profiter de mon libre arbitre tant que je l’ai encore.
- Tandis que je n’en ai plus aucun quand je te vois.
- Épargne moi ça, veux-tu. Je ne t’ai rien demandé.
Alors que je vais pour partir, sa voix transperce le silence qui emplissait mes tympans.
- À chaque pause tu es avec tes potes, en cercle, et tout le monde parle avec tout le monde. Mais toi, tu es à côté. Tu écoutes et ne dis presque rien. Tu as toujours ton téléphone dans la main, et tu joues à enlever chaque coin de ta coque et à la remettre avant de passer au prochain coin. Tu as tous les jours trois bagues. Une verte à ta main droite que tu regardes quand tu ne sais plus quoi faire. Une avec de petits diamants que tu fais tourner sans arrêt quand tu es nerveuse. Et sur ton autre main tu as cette bague toute fine, avec une pierre blanche au centre. Tu vérifies toujours que le collier que tu as autour de ton cou est bien là où il doit être. Tu souris par moment pour montrer que tu écoutes, et regardes ton écran de temps en temps, vérifiant que tu n’as pas de message ou combien de temps il te faut encore supporter ça.
- Tu cherches à faire quoi, là, au juste ?
- Accordes-moi un midi.
- La moitié d’un.
- Parfait. Vendredi, au futsal ?
- C’est d’accord.
Après cette discussion quelque peu déstabilisante, je rejoins mon groupe d’amis qui attendent des explications. Je ne leur en donne pas, mais en cherche au fond de moi.
La matinée passe à une vitesse folle. Lorsque mes potes proposent de sortir prendre l’air à la pause, je refuse. Tout ce qu’Ethan m’a dit ne m’a pas rassuré et je n’aime pas le fait qu’il en sache autant. Alors je décide de rester bien au chaud dans le forum avec Perrine et Zoé qui ne se sentent pas prêtes à affronter le froid de décembre. Toutes deux savent lire en moi comme dans un livre ouvert, et vouloir leur cacher la moindre futilité est inutile. C’est alors que je commence à leur raconter les quelques aventures de la veille.
Pendant l’heure de français, je m’efforce de prendre en note chaque éléments que la prof donne. Mais les questions permanentes de Théa ne m’aident pas et j’y répond le plus vaguement possible.
L’heure de maths se passe dans la même ambiance : faire les exercices demandés en esquivant le maximum de question des filles. Pour chasser les questions à venir je propose un tout autre sujet de conversation, qui, je le sais, les lanceront et ne les arrêteront plus. J’ai enfin la paix pour les trente dernières minutes du cours mais aussi de la journée. Les voilà à parler soirées et organisation. Je n’écoute que d’une oreille et réponds aux quelques interrogations pour ne pas lever le doute. Le reste de ma concentration revient sur la discussion que j’ai eu plus tôt ce matin avec Zoé, qui me conseille de me soustraire au plus vite du jeu d’Ethan. Et je sais qu’elle a raison.
Mon téléphone m’alerte d’une notification alors que je suis en pleine révision. C’est Ethan qui m’envoie un message sur Instagram.
De : Ethan
Pour vendredi midi, je me disais qu’on pourrait se retrouver à ton casier et y aller ensemble. Dis-moi à quelle heure tu termines le vendredi :)
À : Ethan
D’accord. Je finis à 11:30.
Après lui avoir répondu, j’éteins mon téléphone et termine de réviser l’anglais. Je pars ensuite prendre ma douche et range les affaires qui traînent sur le sol de ma chambre. Lorsque ma mère rentre du travail, je l’aide à préparer le dîner.
Quand je rallume mon téléphone, des messages d’Ethan m’attendent. Avant d’y répondre, j’enclenche ma musique – Jolene.
De : Ethan
Super, moi aussi !
Et du coup, d’ici là, on se calcule pas, c’est ça ?
À : Ethan
T’as tout compris. Bonne nuit.
***
J’ai tourné en rond dans mon lit encore et encore toute la nuit, cherchant le sommeil et la paix intérieure. Ce n’est que trois heures avant que le réveil ne sonne que les bras de Morphée sont venus me chercher. Les questions que j’avais en tête n’ont cessé de me hanter, ces inquiétudes n’ont pas quitté ma peau et ces doutes n’ont pas disparu.
Je prend un pull jaune en laine et un jean basique que j‘enfile puis termine de me préparer. Je glisse dans mon sac à main les cours de la journée : ceux de sciences et ceux de langues puis descends à la hâte afin de ne pas louper mon bus. Ma veste en cuir sur le dos, je lace mes Stan Smith et passe mon écharpe autour du cou. Je peux partir. Je lance ma musique et m’engouffre dans le froid hivernal.
Quand j’arrive au lycée, je me dirige aussitôt vers la salle de physique-chimie où se déroule les deux premières heures de la journée. Je tire au hasard mon binôme, un pote de la classe, et tente de me concentrer pour réaliser l’activité. Seulement la fusion et la fission en radioactivité de m’intéresse pas vraiment et je pense plus au midi que je vais passer demain qu’au thème de la séquence. Mes réponses sont vagues et mon esprit embrumé. Cette journée promet.
Lorsque la sonnerie retentit, je sors de la salle au pas de course retrouver Zoé. J’ai besoin de lui parler, de ses conseils et de passer du temps avec elle. Elle saura comment me sortir de cette situation. Enfin, je l’espère. C’est à son casier que je la retrouve, et aussitôt elle comprend qu’un problème me tourmente. Ma meilleure amie saisit ma main et m’entraîne vers un coin tranquille pour parler. La discussion dure toute la pause et je pars à mon cours de SVT l’esprit tranquille et relativement clair.
Au final, toute la journée s’est bien déroulé comme elle l’aurait dû. La discussion que j’ai eu avec Zoé plus tôt dans la journée m’a aidé à faire le point et à voir les choses objectivement : demain, je me retirai de son jeu. Je passerai le midi qu’il veut, puis je lui annoncerai que je ne veux plus réitérer l’expérience. Le temps avance, la journée et le moment fatidique arrive avec rapidité mais je ne l’appréhende plus autant. Si bien que je peux pleinement me concentrer sur les cours de la journée, sur les devoirs que j’exécute sans faille et je passe du temps avec ma famille sans l’ombre d’un doute ou d’inquiétude planant au dessus de moi.
Pour la première fois depuis quelques mois, je prend même le temps d’appeler en FaceTime mon meilleur ami, que j’ai – il faut l’avouer – un petit peu perdu de vue depuis la séparation du lycée. Je prends de ses nouvelles et il fait de même avec moi, et nous nous promettons de nous revoir dans les prochaines semaines.
Lorsque je raccroche et me glisse sous mes draps pour faire ma nuit, je sens l’excitation monter en moi. Et si je découvrais une facette du grand Ethan que je n’avais jamais soupçonné, ni personne d’ailleurs. Dans le fond, les fois où je lui ai parlé, il a toujours été gentil et loin de l’image que je m’étais faite de lui.
Sur ces réflexions pleine d’attentes et d’engouements, je m’endors, la musique berçant ce flux incessant de pensées. Demain sera une bonne journée. Implorer le positif, attire le positif. On me l’a beaucoup de fois répété et je suis certaine que c’est la vérité.
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