Chapitre 1

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 Bonjour ou Bonsoir, vous venez tout juste de nous rejoindre, n’est-ce pas ? Voyons ne soyez pas timides et installez-vous confortablement. C’est bon ? Dans ce cas, je vais recommencer depuis le début, tu ne m’en veux pas ? Bien sûr que non, après tout c’est de nous dont je parle… Je suis sûre que vous mourrez de curiosité, dans ce cas nous pouvons commencer.

 Peux-tu fermer la porte ? Ils sont tous là. Merci.


Chapitre 1 :


« Vite ! Il faut que je me dépêche ! Il ne va pas m’attendre indéfiniment dans cette bibliothèque ! Allez encore quelques mètres ! Le voilà qui sort ! Edwin ! »


Je ralentis devant mon ami. Edwin Dones était un jeune homme très charismatique, il avait des yeux gris perçants qui s’illuminaient quand une idée lui venait. Il était grand et musclé et avait des cheveux bruns et courts. Il était sûr de lui, alors que moi, je faisais une tête de moins et j'étais assez maigre, j’avais de petits yeux bleus et des cheveux en batailles. Moi, j’étais plutôt timide et beaucoup moins fort. Tout semblait nous opposer et pourtant une chose nous unissait : « L’amour de l’inconnu. »

  Edwin me regardait avec les sourcils froncés, enfin, il se décida à me parler : « Qu’est-ce que tu faisais ? Cela fait maintenant une heure que je t’attends. J’ai commencé sans toi.

- Je te prie de m’excuser, je n’ai pas vu l’heure passer.

-Maintenant que tu es là, nous pouvons les faire ces recherches ! Oui ! »

  Edwin entra en premier et je le suivis. Alors que nous marchions en direction d’une table, Mme Sarah, la bibliothécaire, me salua, ainsi que quelques habitués.

  J’avais donné rendez-vous à Edwin pour que nous fassions des recherches sur la forêt amazonienne. Cette partie du monde m’intéressait beaucoup, je voulais en apprendre plus pour partir y vivre un jour, ce qui n’était pas gagné. Edwin et moi lisions les rares livres qui en parlaient. Nous les dévorions avec entrain puis nous regardions les yeux pleins d’étoiles, tels des enfants devant la carte menant à un trésor fabuleux.

 Le temps passa, Mme Sarah vint nous voir pour nous annoncer l’heure de la fermeture. Avec déception, nous abandonnâmes les livres qui apportaient des réponses à nos questions. Dehors, il faisait froid. Nous avions passé notre après-midi à la bibliothèque, le soleil était déjà couché, le froid de l’hiver me fit remonter mon col. Mon ami me proposa de venir dîner chez lui, ce que j’acceptais.

 Edwin habitait une grande maison au centre de Paris, c'était un cadeau que ses parents lui avaient fait pour ses vingt ans. Son père était un avocat très connu, ayant défendu plusieurs cas difficiles, qui lui avaient valu le surnom de « Sauveur des cas désespérés ». Sa mère, quant à elle, était une couturière très prisée, elle avait fait ses débuts dans la danse mais suite à une blessure grave, avait repris l’entreprise familiale et l’avait hissée dans le top 10. Elle avait eu une grossesse à risque c’était pour cette raison qu’Edwin était fils unique. Il m’était arrivé de les croiser en de rare occasion mais ils étaient plutôt distants. Cela faisait maintenant deux ans qu’il habitait là-bas, à chaque fois que je venais, j’admirais sa décoration raffinée. Edwin m’avait dit un jour que sa maison était trop grande pour une seule personne et qu’il trouvait que ses parents n’auraient pas dû lui offrir un tel cadeau.

Nous étions face à face à manger le plat préparé par mon ami, il était doué en tout et j’adorais particulièrement son poulet au citron. Aucuns de nous ne parlaient, nous profitions de ce moment calme, savourant la nourriture…

 Une fois le repas terminé, nous nous décidâmes à parler : « Que penses-tu de l’Amazonie ? Demandais-je.

- ça a l’air sympa ! Je comprends mieux ton enthousiasme pour t’y établir.

- Tu m’en vois ravi !

- Si tu parviens à t’y installer, tu m’autoriseras à te rendre visite ?

- Bien sûr ! Mais pour le moment ce n’est pas encore fait, il faudra du temps avant que mon projet aboutisse.

- Tu sais Eliott, ce que je vais te dire est la strict vérité. Tu es mon seul ami, le seul qui ne s’intéresse pas à mon argent.

- C’est une confidence que tu me fais là, lui dis-je en souriant. Dans ce cas, j’en ai une aussi pour toi.

- Je t’écoute, répondit-il le visage souriant.

- Eh bien, je te considère comme un frère.

- Que de tendres paroles. Sinon, tout se passe bien au travail ?

- La routine, M. Charles me fait trier des tonnes de papiers, à part ça pas grand-chose. Et toi ?

- J’ai récemment été confronté à un avocat réputé mais j’ai gagné mon plaidoyer. Mon père était si heureux, qu’il nous a offert une semaine à Rome à ma mère et moi.

- Toutes mes félicitations !

- Je te remercie, me dit-il avec humilité. Il commence à se faire tard, tu ne voudrais pas rester pout la nuit ? Je me sentirais plus rassuré.

- Non merci, ce n’est pas la peine de t’inquiéter, je n’habite pas très loin et je ne crois pas que quelqu’un s’amuserait à me faire du mal, lui expliquais-je.

- Tu as raison, mais quand il s’agit de toi, je suis une vraie mère poule. Est-ce que je pourrais au moins te raccompagner ?

- Ce n’est pas la peine et puis tu risquerais de te perdre.

- Je crois que je ne peux plus rien te dire, je te raccompagne au moins jusqu’à la porte d’entrée, ça ne te dérange pas ?

- Bien sûr que non ! »

 Edwin se leva et m’accompagna jusqu’à la porte d’entrée, là, je le serrais dans mes bras. Une fois dehors, le froid de l’hiver me frappa de plein fouet. Je levais les yeux au ciel et découvrais un ciel sans étoiles. La lune, elle, éclairait de sa pâle lumière le pavé sur lequel, de temps à autre, une flaque d’eau réfléchissait ses rayons et donnaient un effet spectrale au monde de la nuit. Je me concentrais sur le nombre de pas que je faisais. 35 pas vers le nord, maintenant je devais tourner, à droite ? À gauche ? A gauche ! Encore quelques pas et devant moi se dressait ma maison, mon chez moi.

 C’était un immeuble délabré, tenu par une veuve qui me faisait ma chambre à moitié prix sous prétexte que je lui rappelai son mari. De temps en temps, sa petite fille venait lui rendre visite, c’était une jeune femme aux yeux verts et à la chevelure de feu, nous avions le même âge. A chaque visite, elle passait par mon appartement et nous discutions de tout et de rien. Cela faisait plusieurs mois que je ne l’avais pas vue, elle devait être très occupée. Alors que je montais l’escalier qui menait à mon appartement, Melle Lucie, ma voisine de palier m’interpella.

 C’était une petite femme blonde, avec des yeux clairs et de belles dents blanches. Elle adorait tout ce qui était sucré, c’est pour cette raison qu’elle avait décidé d’en faire son métier. Elle travaillait comme pâtissière, pratiquement tous les week end, elle me préparait des gâteaux que nous mangions dans mon appartement en se racontant notre semaine.

 Je ne savais pas pourquoi elle m’avait appelée jusqu’à ce qu’elle se trouva à mon niveau. Je remarquais une tâche de farine au niveau de son œil droit et dans ses mains un petit paquet. Avec un sourire, elle me tendit le petit sachet qui contenait des cookies fraichement sortis du four. Je la remerciai en lui enlevant la farine de son visage, après quoi, nous nous quittâmes et rentrâmes chacun chez soi.

 Une fois dans mon appartement, je pressais l’interrupteur et me rappelais que l’ampoule avait grillé le matin même. Je réussi tout de même à me déplacer dans cette pénombre, je tirais une chaise et m’installais. Avec un sourire, j’ouvris le paquet de cookies, les pépites de chocolat fondaient sur ma langue, c’était délicieux. Malgré mon envie ardente de n’en laisser une miette, je finis par me convaincre qu’il serait préférable d’en garder pour le lendemain.

 Mon regard se perdit alors dans ce néant, je ne distinguais rien et cela commença à m’angoisser, je détestais cette sensation, elle me rappelait trop de mauvais souvenir. Ma mère me baisant le front avant que je ne m’endorme, mon père me souriant et me souhaitant le meilleur des cauchemars, tout cela était mon quotidien, pourtant, cette nuit-là, quelque chose changea dans leurs regards. Je pouvais lire de la tristesse dans leurs yeux mais mon cœur d’enfant préférait l’interpréter comme les signes d’une fatigue passagère. Plus tard, je découvris que tout cela n’avait qu’un sens, celui d’un adieu. Quand dans cette même nuit, je me réveillai suite à un cauchemar, je ne trouvai trace de ceux qui m’avaient élevé. Je compris alors qu’ils m’avaient abandonné, et que j’étais seul dans ce grand appartement.

  J’étais parcouru de frissons, mon esprit me disait de ne pas me souvenir, d’oublier cette trahison, mais cela m’était impossible… Je voudrais retourner en arrière, leur dire de ne pas m’abandonner, que je serais bien sage, que je serais comme ils le voudront, les supplier de m’emmener, enfin leur demander la raison qui les avait poussé à agir ainsi.

  Le cauchemar était de plus intense, la scène tournait en boucle dans mon esprit, je commençais à avoir du mal à respirer, de grosses gouttes coulaient sur mon visage, le long de mon dos. Quiconque m’aurait vu dans un tel état aurait dit : « Regardez-le ! Voyez comme il souffre, pourquoi personne ne veut l’interner, voyez, il sombre peu à peu dans la folie. Cet homme est complètement fou. »

 La folie était un bien grand mot, mais si seulement ils pouvaient voir le supplice auquel j’étais confronté à chaque nouvelle crise. Je ne distinguais plus le réel du faux, la chaise sur laquelle j’étais assis, était-elle vraiment là ? Est-ce que je n’étais pas cet enfant qui pleurait en silence ? Quand est-ce que la lumière viendrait dissiper ces voiles brumeux ?

 Enfin, un rayon timide se glissa dans ma chambre, mon cœur calma sa course folle, ma respiration devint plus posée, ma peur se transforma en fatigue, l’excitation m’avait tenu éveillé jusqu’alors et maintenant que c’était terminé, une profonde envie de sommeil s’immisça dans mon esprit. Je tentai de me lever mais m’effondrai sur le sol.

 Soudain, j’entendis la porte de mon appartement s’ouvrir, quelqu’un entra. J’étais trop faible pour distinguer cet intrus, mes yeux me permirent tout de même de voir ses chaussures. De très belles chaussures d’homme, je les avais vu dans une vitrine mais ne me les étaient pas offertes. Mes paupières se firent lourdes, j’entendais le bruit de ses pas me contournant, et se fut le noir le plus complet.

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