Entre toi et bois

3 minutes de lecture

Le plus bel endroit du monde est là où il va lors de ses pérégrinations. Elles nous ont déjà menées dans une forêt boréale, plantée de pins gris, d’épinettes noires, de mélèzes laricins, de sapins aubiers, de thuyas et de quelques feuillus, peupliers aubiers et faux-tremble ainsi que de bouleaux.

Le plus bel endroit du monde, c’était, pendant des semaines, gîter dans une cabane en rondins de pin gris et nous retrouver coincé sous la neige et le blizzard, entourés d’ours, de loups, de cerfs de Virginie et de caribous forestiers. Seul, Jethro, notre guide innu, venait nous distiller sa bonne humeur et nous combler de ses vivres. J’ai encore en bouche le goût du thé à l’érable et des oranges gelées qu'il nous faisait parvenir.

Le plus bel endroit du monde, c’est d’être en France et vivre au fin fond d’une forêt domaniale, dans une maison forestière, avec comme seuls voisins immédiats, des cerfs, des sangliers, des lapins, des salamandres et autres oiseaux.

Le plus bel endroit du monde est là où, main dans la main, nous effectuons de longues promenades et où nous faisons halte à l’abri des regards indiscrets, dans des clairières retirées, afin de nous effeuiller, pour nous aimer sur les herbes folles ou sur les tapis de mousse faits de bryophytes et de lichens. Nos corps et nos amours ont connu toutes les saisons des forêts où nous avons vécus.

Le plus bel endroit du monde, c’est là où nous fréquentons des animaux sauvages, de jolies pousses perçant leurs glands et autres faînes, de délicats baliveaux grandissant à l’ombre de leurs aînés, de grands arbres majestueux et de vieux troncs pourrissants protégeant une faune de minuscules rampants, volants et vrillants.

Le plus bel endroit du monde, c’est là où nous passons de longs moments assis collés l’un à l’autre, les pieds trempés dans le débit rapide de la rivière en bas de la colline.

Le plus bel endroit du monde, c’est être là où nous baisons doucement, sauvagement, tendrement et sans entrave contre de rudes écorces ou sur des litières en camaïeu de jaune, d’orangé et de brun des feuilles mortes fraîchement tombées.

Le plus bel endroit du monde, c’est le lieu où chaque soir, j’attends son retour. Comme offrandes pour me prouver encore et encore son amour, il remplit ses poches de châtaignes, ses mains de fleurs sauvages en petits bouquets, d’un caillou à la jolie forme, d’une boule de gui ou d’un branchage ravissant.

Le plus bel endroit du monde, c’est d’être dans un foyer où jamais je ne me lasse de regarder ses rituels immuables : il rentre et accroche sa veste et son chapeau tyrolien emplumé sur le porte-manteau ; il ôte ses godillots et enfile ses charentaises ; puis, il m’embrasse et me susurre des mots réconfortants sortant de ses lèvres offertes.

Le plus bel endroit du monde, c’est d’être au chaud, en hiver ou lors des demi-saisons un peu fraîches, alors, il porte des brassées de bûches pour mon confort. Puis, il dépose une grume dans l’âtre en entonnant un chant de ses montagnes béarnaises.

En toutes saisons, le plus bel endroit du monde, c’est d'être là où il s’attèle à cuisiner le repas du soir, tout en me jetant des coups d’œil amusés et tendres. Je ne sais toujours pas si c’est du simple désir physique ou des regards protecteurs. J’ai encore du mal à lire en lui qui pourtant me parle et s’ouvre à moi sans retenue.

Le plus bel endroit du monde, c’est lorsque je lâche mon écriture et que je pose mon regard sur lui, et que ses mots roulent hors de sa bouche comme des galets dans un torrent tumultueux, et que son accent emplit mon cœur d’amour et que ses mains fouineuses parcourent mon corps.

Le plus bel endroit du monde sera toujours d’être à ses côtés dans une forêt où nous vivrons en autarcie d’amour, à l’abri des fracas du monde et cachés entre des charmes, des châtaigniers, des chênes, des ormes et des hêtres.

Le plus bel endroit du monde, c’est là où je peux vivre, respirer, être rassuré et espéré ne plus jamais être abandonné.

Le plus bel endroit du monde, c’est de vivre loin du monde des humains et proche de son monde.

Le plus bel endroit du monde, c’est être à ses côtés.

Le plus bel endroit du monde est là où tu es.

Annotations

Vous aimez lire Tudal Janvier ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0