Chapitre 7
Ce n'est que lorsqu'Eyden me pose sur mon lit que je me rends compte à quel point je me suis agrippée à ses épaules.
— Où sont tes lunettes ?
— Poche avant du sac à dos sous le bureau
J'entends qu'il bouge mes affaires avant de sentir mon boitier dans ma main gauche. Je retire son tee-shirt qui est encore devant mes yeux avant de remettre mes lunettes avec un soulagement évident.
— Merci.
— Tu ne sais pas nager, n'est-ce pas ?
Il est accoudé contre le mur qui mène à mon balcon et regarde dehors mais je sais que son attention est concentrée sur moi. Je baisse le regard sur mes mains même si je sais qu'il ne me regarde pas.
— Non, j'avoue dans un murmure.
Il se pince l'arête du nez.
— Et ça ne t'est pas venu à l'esprit de nous prévenir avant peut-être ?
— Pour quoi faire ? Je n'étais pas censée aller dans l'eau je te signale. Si tu avais des amis un peu plus civilisés, on n'en serait peut-être pas arrivés là. Enfin, je suppose que ce sont des fréquentations à ton image.
Son visage se durcit comme il accuse le coup. Pour une fois qu'il était un peu détendu, j'ai réussi à le remettre sur les nerfs. Je commence déjà à le regretter d'ailleurs. Je suis un peu dure avec lui alors qu'il vient tout juste de me sauver d'une noyade assurée. Mais avant que j'aie le temps d'ajouter quelque chose, il reprend la parole en ayant revêtu son masque de froide indifférence.
— Ne vas pas croire que je t'ai sauvé dans un élan chevaleresque. Qu'on soit bien clair, j'en n'ai rien à foutre de toi, j'ai juste fait ça parce que tu es sous la responsabilité de ma mère et qu'elle aurait eu des problèmes après. Fais plus attention la prochaine fois gamine, je ne serais pas toujours là pour te sauver de tes élans d'inconscience.
Et sans me laisser le temps de répondre, il se sauve à grandes enjambée de ma chambre. Je m'affale sur mon lit. Pourquoi est-ce qu'à chaque fois que j'ai l'impression d'avancer d'un pas avec lui c'est pour mieux en reculer de deux ensuite ? Même si j'accuse le coup, je me dis que pour une fois, je l'ai bien cherché.
Pourtant, j'aurais bien eu besoin de sa présence maintenant, la solitude me rattrape. Je décide alors de prendre une douche pour me débarrasser de tout le sable et le sel qu'il y a sur moi. Je sens mes muscles jusqu'alors crispés se détendre sous l'eau chaude. Une fois de retour dans ma chambre, j'hésite un moment avant de me saisir du tee-shirt d'Eyden. Je flotte dedans et il m'arrive jusqu'à mi-cuisses mais il m'apporte un sentiment de sécurité inexplicable. Je m'allonge dans mon lit et remonte le col pour que l'odeur de son propriétaire me parvienne.
C'est comme ça que je m'assoupie, seulement réveillée à l'heure du dîner par la voix de Sophie qui nous appelle afin que l'on vienne manger. J'enfile une veste pour cacher le tee-shirt d'Eyden et je le rentre dans le bas de mon jogging avant de descendre.
— Alors vous êtes allés à la plage cet après-midi ? Vous vous êtes bien amusées ?
— Ouais, c'était pas trop chiant.
Je lève les yeux au ciel. Il a vraiment une façon de faciliter le dialogue bien à lui.
— C'était chouette, Rose m'a fait rencontrer ses amis.
Sophie m'adresse un sourire chaleureux et je perçois une étincelle de remerciements dans son regard. Cela me laisse penser que les repas connaissent souvent des conversations de ce type où l'un lance le dialogue vite amorti par l'autre.
— Rose est une fille adorable, je suis heureuse que vous vous soyez liées d'amitié si rapidement.
La fin du repas se déroule donc de cette façon. Sophie pose une question à Eyden, il grogne et je réponds.
Je regagne mon balcon une fois le repas terminé. J'apprécie la fraicheur des soirées ici et l'air marin qui me parvient. J'envoie quelques messages à ma mère pour la rassurer quant à mon intégration ici. Puis je me perds simplement dans mes pensées, le regard fixé sur la ligne d'horizon où étoiles et mer se rejoignent.
C'est un raclement de gorge qui me sort de mes pensées. Je sursaute pour découvrir Eyden sur son balcon. Un long moment a dû s'écouler car le froid s'est collé contre ma peau et je frissonne malgré moi.
— Tu vas chopper froid, me fait-il remarquer.
Ça ne m'étonnerait pas qu'il soit en train de m'observer depuis quelques minutes à mon insu.
— Et alors ? je ricane. Je ne pense pas que ta mère aura des ennuis si j'ai un petit rhume.
Il se tourne lui aussi vers la mer mais je le soupçonne en réalité de vouloir cacher le petit sourire que ses lèvres ont esquissé bien malgré lui. Nous restons quelques minutes comme ça avant qu'il ne coupe de nouveau court au silence.
— J'ai réfléchi. Demain je te donne ta première leçon.
Je le regarde les yeux grands ouverts sans comprendre.
— Hein ?
— De natation, il précise. Quelqu'un qui ne sait pas nager, ça ne s'est jamais vu à Santa Monica.
Je le dévisage d'un air suspicieux.
— Et tu fais ça parce que... ?
Il me lance un regard carnassier.
— Ça, ça me regarde honey.
Je hausse un sourcil sans relever le surnom.
— Je sens l'affaire louche. Qu'est-ce que tu vas me demander en échange ?
— Pas grand chose ?
— Mais encore ?
— Une leçon de natation contre un de tes souvenirs.
Il susurre ces derniers mots en se penchant vers moi au-dessus de son balcon.
Je reste bouche bée. C'est aussi simple que cela ? Il veut que je lui raconte un de mes souvenirs pour chaque cours de natation qu'il me donnera ? Je fronce les sourcils sous l'incompréhension.
— Je ne comprends pas, je réponds d'un ton incertain. Pourquoi ?
— Tu n'es pas la seule à aimer tout comprendre, me dit-il avec un sourire mystérieux. Bonne nuit Hana.
Il se retire sans plus un mot, me laissant là, plus perdue que jamais alors que j'essaie d'ignorer les frissons qui ont parcouru mon corps lorsqu'il a prononcé mon prénom pour la première fois comme s'il voulait en goûter la saveur.
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