Chapitre Unique

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Le temps coulait comme un torrent inarrêtable, inaltérable. Le temps devenait fou.

Le printemps avait été froid, gris, maussade.

Puis juin était arrivé comme une charge de cavalerie et le monde bascula en quelques heures dans une torpeur abrutissante et caniculaire, interminable.

L'été brûla, infernal, féroce et l'Arbre vit quelques-uns de ses compagnons mourir assoiffés, asphyxiés.

À la fin août, de noires tempêtes au souffle dévastateur se levèrent, des tourbillons emplis d'une rage folle déracinèrent certains des amis de l'Arbre, des cataractes diluviennes en noyèrent encore d'autres.

Puis vint l'automne où les survivants tentèrent de reprendre des forces, de panser leurs plaies, de penser aux saisons futures car l'hiver viendrait.

Mais l'Arbre, sentant peut-être que son heure arrivait ou qu'il allait vivre la saison de trop, refusa de se conformer à la traditionnelle, l'ancestrale, l'inéluctable pénurie de chlorophylle.

Alors il explosa dans un feu d'artifice démentiel même s'il savait pertinemment que consommer ainsi son énergie le tuerait à coup sûr. Aux ors et aux bruns rouges coutumiers, il ajouta des oranges enflammés, des jaunes solaires, des rouges Ferrari, des marrons chocolat, des blancs virginaux, des verts pistache, d'autres émeraude, des roses barbe à papa.

Beaucoup d'humains vinrent admirer ce spectacle incroyable de Mère Nature, certains qui se croyaient plus malins crièrent à la mystification, au trucage mais peu comprirent que l'Arbre, dans son désespoir, faisait un ultime pied-de-nez à l'existence même. Il préférait mourir dans un flamboiement somptueux que dépérir lentement dans l'indifférence la plus totale.

Enfin, son tronc prit le noir de l'obsidienne, les couleurs mirobolantes se fanèrent dans les frimas de décembre alors qu'ailleurs dans la ville les guirlandes électriques fleurissaient. Peu à peu, il fut délaissé, oublié et abandonné à sa mort imminente. Par tous ? Non, à la toute fin, alors que l'Arbre n'avait plus une grande résistance à offrir à la bise, restait à le regarder, les yeux emplis d'une infinie tristesse, un petit garçon aux cheveux aussi ébouriffés que l'étaient naguère les feuilles de l'Arbre. L'enfant pleura, des larmes silencieuses lui roulèrent sur les joues. Il se jura de ne jamais, jamais oublier l'Arbre. Longtemps, il garda le poing serré. De colère mais aussi parce que, dans sa paume, il avait un secret, un morceau de l'Arbre, une graine.

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