Le réveil (1/4)

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L'obscurité.

C'était mieux que rien.

Je ne m'attendais pas à voir autre chose que le néant pendant un long moment alors je l'accueillis malgré tout.

Cela m'intriguait tout de même. En provoquant ma chute, j'avais pensé signer mon arrêt de mort. Je ne m'imaginais pas refaire surface où que ce soit.

Où étais-je d'ailleurs ?

Peu m'importait dans l'immédiat. Ce qui me tenait à cœur, c'était de savoir si je lui avais échappé ou si elle en avait toujours après moi. Peut-être m'avait-elle capturé. Hmm, non. Je serais déjà mort.

Peut-être l'étais-je finalement. Ça expliquerait l'obscurité. Quoique, je venais d'ouvrir les yeux. Sans être un spécialiste je doutais d'en être capable en étant six pieds sous terre.

Ainsi donc j'étais vivant. Curieusement la nouvelle ne me fit pas bondir de joie. Il existait des châtiments pire que la mort. Et j'en méritais plus d'un de ceux-là.

Alors quoi ? J'étais bel et bien captif ? Pas par elle en tout cas. Elle n'aurait pas eu la retenue nécessaire pour me laisser en vie.

Qui donc ?

J'étais allongé sur quoi ? Un lit ? Des plus confortables qui plus est. Curieuse manière de traiter un prisonnier.

Je n'osais bouger. Pour l'instant, mieux valait feindre l'inconscience. L'empreinte de ma magie me trahirait si j'en usais alors je m'en abstenais également.

Tout ce que j'avais comme repères, c'était ce lit moelleux et ce plafond de bois que je commençais à peine à distinguer.

Et cette odeur... de brûlé ? Serait-on en train de me cuire à petit feu ? Je trouvais l'idée d'une grossièreté sans borne. Sans doute parce que la mort par asphyxie n'avait jamais représenté une menace, à moi, un maître de l'air. Quant aux flammes, sans air, elles meurent. Amusante situation que celle qui inverse victime et bourreau. Tout du moins pour l'un des deux parti...

Je passai au sens suivant pour recueillir d'autres informations quant à l'endroit où je me trouvais.

Se pourrait-il qu'il n'y ait aucun bruit ? Mis à part le rythme régulier de mon cœur, j'étais plongé dans le silence. À moins que... oui c'était bien un bruit d'étoffe que j'entendais. Cela pouvait être un millier de choses. Un rideau à la fenêtre, du linge étendu, un drapeau au vent... le bruissement d'un vêtement.

Instinctivement je tournai la tête vers ce bruit, prêt à bondir s'il le fallait. J'avais été bête. Mes yeux n'étaient pas encore habitués à la noirceur de ces lieux. Ma vue était floue mais je pouvais néanmoins distinguer une lueur. Une bougie peut-être, ou bien une torche. À côté... merde ! une silhouette. De dos semblait-il.

Je n'avais pas mes armes. Je le savais plus parce que je me souvenais les avoir perdues que parce que je ne les sentais pas sur moi. Je n'avais pas encore totalement recouvert toutes mes capacités, je m'en doutais et je préférais ne pas trop compter sur mes sens pour l'instant.

J'esquissai un mouvement pour me lever silencieusement malgré ma faible confiance envers mon corps en cet instant. À peine avais-je bougé le petit doigt que j'entendis parler.

– Aesindia kalatorn. Vous devriez rester allongé, étranger.

C'était la voix d'une femme. Fort heureusement ce n'était pas celle que je craignais. Cependant, le fait qu'elle ait sut que j'étais réveillé malgré mon silence m'intima à suivre son conseil.

Ma vue se clarifiait petit à petit. Debout, elle était penchée sur une sorte de table ou d'établi et s’affairait à je ne sais quoi. L'odeur venait d'elle.

– Le galifag est un bois extrêmement résistant. Sa sève ne s'écoule qu'à une certaine température mais il faut faire attention à ne pas l'embraser complètement, seulement le rendre chaud. Tout est dans la retenue. C'est un procédé de base que tout bon herboriste se doit de connaître.

Elle avait les cheveux clairs, presque blancs. Ma vue s'aiguisait de nouveau. Je verrais bientôt comme avant. Elle portait une tunique pourpre serrée à la taille par un fin ruban. Pieds nus mais un astucieux entremêlement de bandes de cuir ceinturait son mollet droit. Cela aurait put passer pour un ornement des plus jolis sans le coutelas qui y était fixé.

La femme semblait s'activer un peu plus sur ses affaires.

– Mélangée à diverses plantes, cette sève est l'élément essentiel d'un onguent curatif plutôt difficile à concocter. Vous avez de la chance que j'en sois capable.

Elle fit volte-face. Elle tenait un bol à la main. L'obscurité me cachait son visage, ce qui n'était pas pour me plaire. J'avais pour habitude de dévisager mes interlocuteurs. Fusse pour les remercier ou bien pour les tuer.

– Vos blessures n'étaient pas communes, m'expliqua-t-elle en prenant une chaise.

Elle ne fit aucun bruit en la posant à côté du lit, ni en s'asseyant. Elle était maintenant dangereusement proche mais j'ignorais toujours qui de nous deux était un danger pour l'autre.

– Une en particulier. Elle laissera une sacrée cicatrice.

Cicatrice ? Le mot m'interpella. Et à dire vrai, c'était tout le discours qui m'apparaissait comme horriblement décalé. Depuis quand avais-je besoin que l'on me soigne ? Je n'en avais pas besoin, j'avais...

Où était-elle ? Où était donc mon empreinte, témoignage de ma magie ? Se pourrait-il que cette femme m'ait pris mes pouvoirs ? Ou tout du moins qu'elle ait un moyen de m'en priver ? Ou alors...

– Ne vous alarmez pas, me sourit-elle, les femmes aiment bien les cicatrices.

Je n'aurais su dire pourquoi, était-ce sa voix suave et mélodieuse, ou bien son sourire radieux, ou encore sa façon silencieuse presque féline de se déplacer, mais j'hésitais fortement entre lui arracher la carotide avec mes dents ou lui confier ma vie.

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