Chapitre 10

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Nous avons commencé la journée en nous réveillant dans la maisonnette du village abandonnée. Alors que nous étions à discuter de la suite des évènements et des trois options qui s’offraient à nous (aller rencontrer les autochtones à l’ouest, foncer directement sur le Roi zombie au nord, aller voir la ville naine abandonnée à l’est), Nathanaël nous a alertés. Des corbeaux par dizaines étaient dehors, des vivants comme des zombies. Alors qu’ils se sont envolés, et que nous supposons qu’ils sont des yeux pour leur maître, Sen et Arsène sont allés tuer les trois qui étaient restés là en observation.

De son côté, Krorin avait découvert que la carte confiée par sa petite amie était capable de se mette à jour seule, grâce à un système ingénieux de remplissage automatique par le biais d’une autre carte qui lui est liée. Inspiré, il nota quelques mots en nain dessus, attendant de voir s’il pouvait communiquer avec ceux qui possédaient sa sœur jumelle.

Nous avions opté finalement pour l’ouest. Mais alors que nous étions revenus sur nos pas dans le défilé, non loin de la statue géante, des mouvements au loin attirèrent l’attention de bon nombre d’entre nous. Ni une, ni deux, j’enfourchais mon tout nouveau balai pour prendre de la hauteur et voir de quoi il en retournait. Non loin de nous se déroulait un combat d’une grande sauvagerie entre zombies et soldats de Io l’Aveugle. J’ai pu voir une poignée d’entre eux fuir vers un temple abandonné alors qu’une troupe de morts-vivants les poursuivaient. En retrait, perché sur une hauteur, un zombie et son cheval aussi peu frais que lui les observaient. J’ai dégainé une de mes baguettes, sans lui laisser le temps de me voir, pour lui balancer deux boules de feu. Ce ne fut hélas pas suffisant, et il put s’enfuir vers des combattants squelettes et des archers qui firent mouche sur ma personne. Ma jambe et ma tête furent touchées, et je ne dois qu’à ma solide pratique du vol en balai d’avoir pu atterrir sur le chameau dans les bras de Belladone.

Une potion d’Ichiro et un cataplasme pour ma cuisse plus tard, j’étais de nouveau prête à combattre. Quittant l’étreinte confortable et apaisante de notre prêtresse de Bancorp, je me suis de nouveau élancée en vol pour prendre part au combat — car nous avions tous suivi Yumi partie défendre les humains en posture difficile.

Nous avions vu à distance le charnier du plus fort de la bataille, où une espèce de serpent gigantesque commençait à se repaitre de ses victimes. Et au bout du défilé que nous avions emprunté, devant les ruines majestueuses d’un temple abandonné, luttaient des squelettes et des humains. Moi depuis mon balai, les autres au sol, nous avons lutté vaillamment, non sans perdre nos trois chameaux dès les premiers échanges de coups. Les créatures infernales, vicieuses, avaient donc une tactique confirmée plus tard par les gens que nous avions sauvés.

Après un combat sauvage où mes camarades se distinguèrent par leur bravoure, nous avons fini par avoir le dessus. Hélas, il ne restait plus que quatre paladins du dieu Io. Ceux-ci suivaient le même but que nous : tuer le Roi zombie. Nous avons convenus de joindre nos forces, et après une visite en fond en comble du temple, nous avons décidé de passer la nuit là pour panser nos blessures et reprendre des forces.

Nous avons eu, au matin, une réponse sur la carte de Krorin : il y avait des nains planqués dans les environs, nous supposions dans la ville abandonnée. Fallait-il s’y diriger et tenter de les convaincre de joindre leurs forces aux nôtres ? En tout cas, nous nous sommes remis en route, optant finalement pour le nord après que nos quatre nouveaux compagnons nous aient expliqué que nous ne pourrions rien tirer des autochtones. Nous avions attelé des chariots abandonnés par les combattants de Io au cheval de guerre de Yumi et au Razorback pour prendre un maximum d’affaires.

Mais chemin faisant, nous avons été attaqués par des momies. Malgré leur relative lenteur, elles étaient suffisamment dangereuses pour ne pas les ignorer. Et nous voilà de nouveau à combattre, et, pire, qui plus est pris en tenaille peu après le début des hostilités par des zombies déboulant des contreforts à l’opposé. C’était le même type de zombies, entre chiens et chacals, que nous avions déjà croisé. Mais cette fois, j’avais retenu la leçon de l’attaque de la caravane dans la dernière ville où nous étions passés, et je suis partie sur mon balai chercher le « pilote » de ces monstres-là. Il était bien sûr en retrait, plus loin derrière eux. Alors que Sen tirait une de ses flèches extraordinaires récupérées dans le laboratoire du défunt mage de la cour agathéenne, libérant un tigre de feu dévastateur, mes compagnons et les quatre paladins frappaient sans relâche. Les momies furent exterminées grâce à eux, et les zombies tombèrent en poussière lorsque j’achevais leur maître maudit grâce à un golem invoqué via une de mes baguettes.

Ce qui arriva alors fut une véritable bénédiction pour la suite de notre périple. Durant ce combat, nous avions été observés par deux des fameux autochtones. Yumi et Nikolaï sont montés sur la falaise parlementer avec eux. Ce dernier, centaure de son état, avait par chance un langage commun avec eux. Il put nous rapporter deux infos essentielles :

1) Les morts-vivants réagissaient aux bipèdes diurnes. En étant montés sur des quadrupèdes et en se déplaçant de nuit, on évitait la plupart des attaques. C’est pour cela aussi qu’ils tuaient nos montures en premier.

2) La centauresse capturée, et donc le cœur de l’arbre sacré du peuple de Nikolaï, était dans un convoi à un jour et demi d’ici vers le nord-ouest. Convoi qui atteindrait lui-même le Roi zombie dans un jour et demi aussi.

Les autochtones n’ont pas voulu, bien sûr, se joindre à nous. En revanche, nous avions la possibilité de sauver cœur et femme-centaure en nous débrouillant pour gagner du temps de transport.

Honnêtement, la débauche de magie utilisée dans ce but aurait fortement déplu à Mémé Ciredutemps. Alors que Krorin, avec Ichiro en croupe, épuisait son Razorback, Yumi faisant de même avec son cheval de guerre portant elle et Nathanaël, et Nikolaï courait du plus vite de ses quatre pattes. De mon côté, je volais bien sûr sur mon balai. Mais ce fut pour Belladone, Sen et Arsène que ce fut le plus spectaculaire : notre cheftaine, puisqu’elle s’était présentée ainsi aux quatre palatins de Io l’Aveugle que nous avons, à ce moment critique, laissé derrière nous avec une grande compréhension de leur part, utilisa tout le pouvoir possible à sa disposition. Elle usa de la baguette trouvée chez le mage de la cour qui permettait de faire pousser de robustes et magiques ailes d’ange sur elle-même et nos deux acolytes. C’était un peu déroutant, surtout pour eux. Et elle épuisa toute la réserve de magie de son pendentif en rechargeant le pouvoir la baguette plusieurs fois pour faire tout le trajet.

Au final, après la fin de journée et une bonne partie de la nuit à avancer le plus vite que nous pouvions, nous sommes arrivés au fleuve qui était le point de jonction supposé. J’ai alors emprunté le corps d’un rapace pour aller vérifier où se trouvait le convoi et comment il était défendu. Après trois heures sous cette forme, le temps de les trouver, d’observer et de revenir, j’ai pu aider au mieux les compagnons à préparer l’embuscade.

C’était un énorme et lourd chariot en bois à trois essieux, tiré par deux monstruosités sans doute démoniaques. Il n’y avait pas d’armée, mais avec la centauresse, dans le chariot, cinq créatures maléfiques : une sorcière ophidienne, un mage ophidien, un guerrier ophidien, un mage zombie et un guerrier infernal avec une lourde armure.

J’ai alors sombré dans un sommeil réparateur, laissant mes compagnons aux préparatifs. À mon réveil, fouillant dans mon sac à dos tout ce qui pourrait me servir pour le combat à venir, je suis tombée sur un masque étrange qu’avait récupéré Belladone chez les agathéens. En l’étudiant, j’ai alors compris qu’il nous donnerait un avantage musclé ; je l’ai proposé à Ichiro, le plus faible d’entre nous côté attaque, pour qu’il devienne un sasquash. Car là était le pouvoir de ce masque : métamorphoser son porteur en une créature poilue et agressive de 3 min 50 s de haut.

Nous étions le plus prêts possible. Mais la réalité du combat fut épique, brutale, et, heureusement, nimbée de choix décisifs. Ou pas, d’ailleurs, comme le mirage du serpent de mer que j’avais lancé, malheureusement sans qu’il ait d’impact sur la réaction de nos ennemis.

Au final, nous avons commencé le combat à neuf, plus deux montures agressives, contre onze en face : les cinq puissants monstres claquemurés à l’intérieur du chariot, les deux démons libérés de l’attelage en un claquement de doigts, et quatre élémentaires invoqués dès les premières minutes. Ces derniers nous donnèrent du fil à retordre, et je faillis mourir sans l’intervention de Nathanaël, étouffée par l’un d’eux dans une bulle d’eau autour de ma tête. Ils firent beaucoup de dégâts, tant en attaquant qu’en mourant dans des déflagrations. Les deux démons furent achevés avec difficultés et moult blessures de notre côté, et c’est alors que la seconde partie du combat commença. Et pas des moindres.

J’avais invoqué un golem, grâce à une de mes baguettes, à l’intérieur du chariot. Il fit peu de dégâts directs avant de succomber, mais au moins il avait ouvert un trou béant dans le bois. Et pris d’une formidable inspiration, Sen tira une des flèches extraordinaires sur la première créature à sortir dehors. Cette flèche changea instantanément le guerrier ophidien en statue de pierre, au grand soulagement de Nikolaï qui connaissait sa dangerosité. Ce dernier, centaure plein de ressources et de potions étonnantes, pu venir à bout de deux autres un peu plus tard dans le combat : le guerrier maléfique en annihilant le pouvoir de son arme par une potion qui avait ce pouvoir, et le mage ophidien en le faisant tomber dans un sommeil profond par une potion des fées — sommeil qui lui fut fatal par la suite, entre coup du lapin au renversement du chariot par le sasquash ou fumées de l’incendie, je ne sais. C’est Belladone qui porta le coup fatal au mage zombie, alors que je partais combattre la sorcière qui s’était rendue invisible, avec le soutien de Yumi et de Krorin, respectivement sur leurs montures. J’ai alors dépensé pratiquement ce qui me restait en sorts dans mes baguettes, et j’ai usé de ma propre magie personnelle. J’étais au comble de la frustration, car j’avais l’impression que cela ne lui causait que fort peu de dégâts. Alors que pour ma part, je recevais les coups et je le sentais bien, puisqu’elle me fit chuter de mon balai et tenta de m’attraper pour me serrer avec son corps de serpent. Ce qu’elle fit à Krorin, d’ailleurs, mais il encaissait bien mieux que moi ce genre de traitement.

Mon dernier acte un tant soit peu efficace, heureusement vu tout ce que j’utilisai sans succès réel, fut de détruire l’essaim de corbeaux venu observer le combat. Utilisant le dernier sort à effet global de ma baguette d’éclair, j’ai eu une chance incroyable que l’effet soit décuplé et se répercute sur l’ensemble des volatiles. Yumi, au même moment, acheva la sorcière d’un grand coup d’épée. Et, revenant du côté de nos compagnons qui étaient restés au niveau du chariot, nous avons pu constater avec plaisir qu’ils avaient libéré et miraculeusement intégralement la femme-centaure, mais aussi récupéré le cœur de leur arbre sacré. Ils avaient rassemblé toutes les affaires sauvées des flammes du chariot, alors que Belladone finissait d’éteindre l’incendie avec sa baguette d’eau. Peut-être envisageaient-ils que nous l’utilisions pour nous déplacer par la suite. Krorin, lui, avait dépouillé la sorcière de ses effets et de ses objets.

Notre prochain ouvrage, après nous être soignés et reposés, serait donc de voir ce dont nous pourrions tirer partie dans tout ce fatras.

Parce que, ce n’était pas encore le Roi zombie que nous venions de combattre, or, personnellement, j’avais utilisé pratiquement toutes mes ressources. Et le pendentif de Belladone ne risquait pas d’être en état de recharger de magie mes baguettes, lui-même étant vide.

Je crois que l’expression naine qui convenait le mieux à ma situation était : « hahoualpe ».

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