L'idée folle de devenir écrivain...une célébrité !
« Hé ! J’te connais le nouveau. On n’s’est pas déjà vus quelque part ? »
— Ça, c’est Lazare qui parle. Lazare est mon ennemi. Je ne pensais pas qu’il le soit un jour.
Et puis merde, j’imagine que ça doit vous saouler tout ce bordel que je suis en train de vous raconter. Et si j’y mettais un plus de clarté. Et si je commençais à vous tenir en haleine, ça ne serait pas plus chouette pour vous, hein ?
Cher lecteur, comment vous introduire cette histoire qui j’en suis certain va vous dégoûter à jamais de croire en l’amour. Parce que c’est bien une histoire d’amour que je vous raconte là et non pas un truc gnian-gnian à « la mords-moi le Noeud ». Oui, bien sûr il y aura du sang, de la vengeance et quelques conneries sur King et Kubrick et leur Shining respectif, genre comme s’il fallait savoir qui des deux a fait de Shining une œuvre intemporelle. Parce que si c’est ça, moi je vais vous le dire bordel de Dieu et pas plus tard que maintenant ! Et, oh ! Vous croyez quoi que je vais tout vous balancer comme ça, comme le foutre de mon père dans chacune de ses catins ! J’sais encore me contenir, bande d’assoiffés d’histoires d’épouvantes !
« Cher lecteur, disais-je, comment vous introduire cette histoire, comment vous introduire Lazare dans votre appétit de le voir se faire trucider par le gentil petit Charlie ? Imaginez-vous lui parler comme si vous étiez à ma place à savoir une victime de ses pires atrocités. Laissez-moi vous guider et surtout soyez empathique à souhait. C’est parti ? Alors on y go !
« Ah ! Lazare Zaraïdjian ! Je te le confesse sans mal : tu es un con ! Ah, j’imagine comme ce doit être éprouvant pour toi d’entendre une telle insulte, toi qui te croyais être le plus intelligent des êtres sur terre, pourtant c’est ce que tu es, un con. Quel dommage ! Si seulement tu avais su mesurer combien mon amour pour toi était authentique tu ne serais pas en haut de ma liste des personnes à éliminer. Quel Dommage, là encore. Pourquoi a-t-il fallu que je fusses ton souffre douleur ? Comprends-tu que les coups et blessures que tu m’as portés resteront à jamais gravés dans ma chair et ma conscience ? Moi, s’il y a bien une chose dont j’ai conscience, cher Lazare, c’est qu’en aucune façon nous étions semblables . C’était là une évidence qui allait au-delà des apparences et des conventions. Comment t’expliquer cela ? Je crois que notre différence est peut-être à l’image de notre amitié car en aucune façon nous ne fûmes le couple d’amis le plus normal aux yeux de tous les autres lycéens que nous fréquentions autrefois mais plutôt un couple d’amis des plus atypiques. Te souviens-tu de nous, de moi comme j’étais un jeune homme fragile ? Bien sûr que tu t’en souviens, suis-je bête, « fragile comme une tarlouze » me disais-tu devant ta bande de pétasses qui gloussaient comme des dindes à chaque fois que tu utilisais cette formule, histoire de me mettre plus bas que terre. Par contre, tu te souviens de mon érudition à l’intelligence un tantinet agaçante pour toi Lazare (avoue-le tu n’as jamais aimé jouer les seconds rôles quand il s’agissait d’être le plus perspicace). Pourtant, là seule fois où tu as su me duper, c’est le jour où tu as compris que je n’étais en rien orphelin d’une sensibilité « créatrice ». Tu m’as bien enculé sur le coup mon salaud pour me voler « THE PUZZLE » une histoire que j’avais écrite au lycée et que tu n’aurais jamais été capable d’imaginer seul même dans tes rêves les plus fous. Quoi d’autre ? Que dire d’autre sur moi ? Que j’étais prou à parler en société ? C’est vrai, j’avais un secret, un bagage lourd à porter, une peine que je me suis moi-même infligé. Ma punition d’alors, celle de m'être mis à nu devant des millions de téléspectateurs, se trouvait être fort handicapant afin d’aller vers les autres. J’avais les jetons que quelqu’un me reconnaisse et me harcèle de nouveau comme dans mon ancien lycée. Toi seul as failli me reconnaître au début quand je suis arrivé comme nouvel élève de la classe de première L1 où tu étais le héros. Toi seul dans ce bahut as su me reconnaître. À croire que tu avais le don de réveiller en moi mes mauvais démons. Bref, j’étais d’une réserve et d’un mutisme qui laisse penser à une forme d’autisme celle que l’on nomme « Asperger ». Dans les couloirs du lycée je me nichais dans un coin avec un bouquin de Stephen King entre les mains et je lisais debout, raide comme un piquet. Mon apparence plus proche d’une jeune fille que d’un roc masculin semblait dire à ceux qui me voyaient pour la première fois : c’est un garçon ou une fille ? — Un peu des deux mon colonel ! Mon androgynéité ne me laissait guère le temps d’être épié par des regards interrogatifs et interloqués. Pourquoi me regardaient-ils avec tant d’étrangeté dans les yeux ? Je n’avais rien du physique d’Elephant man au contraire j’avais le plus beau des visages, celui d’un androgyne, mais si l’on m’avait mis dans une foire au monstre, je vous parie que personne n’aurait été surpris de m’y trouver. De surcroit, j’avais un look très étrange, celui qui tient à l’écart des autres. Comment dire ? À l’époque je m’habillais toujours de la même façon, à savoir avec un jeans noir que je serrais à mort avec l’aide d’une large ceinture de cowboy, vous voyez celui avec le gros ceinturon ridicule, le même que portais Chuck Norris dans « Texas Walker Rangers ». Quant à mes chemises à carreaux, je ne les laissais pas par-dessus le jeans, oh que non ! Pas de cool attitude avec mon apparence, je les foutais bien dedans le jeans tenu par mes slips kangourou sans omettre de fermer tous les boutons jusqu’au col. Bien-sûr, pour ce foutu jeans, je mettais toujours une taille en dessous laissant apparaître mes chaussettes blanches de chez Auchan ce qui était plutôt marrant parce que je marchais avec des sandalettes marrons. Ça dépareillait à mort, mec ! Mais l’un dans l’autre, je me sentais à l’aise, un peu à l’étroit certes, mais que ne faut-il pas faire pour se faire remarquer, hein ? Un sac à dos d’une marque sportive pour y fourrer mes cahiers et mes bouquins ? Que nenni ! Pas de ça sur les épaules de Charlie. J’avais gardé mon cartable vert et gris que j’avais récupéré chez Emmaüs et que j’avais inauguré pour mon entrer en sixième. On pouvait dire que j’étais ringard, que j’avais l’air débile, que j’étais de loin l’antagoniste d’un connard sans cervelle d’un foutu boys band, je m’en foutais carrément la chique, au moins j’avais ma personnalité ! Bref, ce type là, c’était ma pomme, alors que Lazare, lui, dégageait toute sa superbe de part son apparence, son éloquence. Ensemble, nous jouions à inventer des histoires, c’était essentiel à notre camaraderie. De cette union avec Lazare, il me prit l’idée folle de me prendre pour un écrivain, une célébrité. Lorsque je revois aujourd’hui sur YouTube des magazines de société où des adolescents se prennent pour des stars, c’est à moi que je pense aussitôt.
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