Le malheureux épisode des prisons et de la Terreur.

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« La royauté est anéantie, la noblesse et le clergé ont

disparu, le règne de l'égalité commence. »

              Maximilien de Robespierre.


Suite de l'an 1792.

Le 19 août (2 Fructidor), Gilbert du Motier est déclaré traître à la nation et cherche asile en pays étranger avec César, Victor et Charles de Latour-Maubourg, Alexandre de Lameth, Victor Gouvion, Jean-Xavier Bureaux de Pusy et son épouse, Alexandre, Louis et Victor Romeuf et d'autres encore ; aussi un ordre d'arrestation concernant madame du Motier de Lafayette fut notifié.

Le soir même, il a passé la frontière de la France. Mais à Rochefort, les armées de la Prusse et de l'Autriche s'y trouvent.

Décret contre le marquis de La Fayette :

« L'Assemblée nationale, considérant que le général Lafayette a employé les manoeuvres les plus odieuses pour égarer l'armée, dont le commandement lui avait été confié ; considérant qu'il a cherché à la mettre en état de révolte, en la portant à méconnaître l'autorité des représentants de la nation, et à tourner contre la patrie les armes mêmes des soldats de la patrie ; considérant qu'il est prévenu du crime de rébellion contre la loi, de conjuration contre la liberté, et de trahison envers la nation : il y a lieu à accusation contre Motier-Lafayette, ci-devant général de l'armée du Nord. »

Ordre au Comité de sûreté générale de l'Assemblée nationale, en date du 19 août 1792 :

La force publique est requise d'arrêter l'épouse de M. Lafayette, ci-devant commandant de l'armée du Nord, partout où elle sera trouvée, et de la conduire sous bonne et sûre garde avec ses enfants, s'ils sont rencontrés avec elle, dans une maison de sûreté de la ville de Paris, chargeant expressément le porteur de cet ordre de s'emparer de tous les papiers de la dame Lafayette et de les apporter sous cachet au Comité.

Fait au Comité de sûreté générale de l'Assemblée nationale à Paris, 19 août 1792, l'an 4 de la liberté. Lomond Bernard, président, Robin Dessoyant, Claude Fauchet, Rudler, Bazire, secrétaire du Comité, Vardon, Musset, Ingrande, Borda, Rovère, Grangeneuve, François Chabot et Ruamps.             

                            Le ministre de l'Intérieur,                               Roland (girondin).

Le général Lafayette et ses amis se font arrêter par le maréchal autrichien Johann Von Moitelle, commandant de Namur et les remet au général Clerfayt. Il dicte alors une missive à son aide de camp Romeuf : « L'aristocratie et le despotisme sont frappés à mort, et mon sang, criant vengeance, donnera à la liberté de nouveaux défenseurs. »

Les fugitifs rédigent ce jour même une protestation : « Les soussignés, citoyens français, arrachés par un concours impérieux de circonstances extraordinaires au bonheur de servir, comme ils n'ont cessé de le faire, la liberté de leur pays, n'ayant pu s'opposer plus longtemps aux violations de la Constitution que la volonté nationale y a établie, déclarent qu'ils ne peuvent être considérés comme des militaires ennemis, puisqu'ils ont renoncé à leurs places dans l'armée française, et moins encore comme cette portion de leurs compatriotes que des intérêts, des sentiments ou des opinions absolument opposés aux leurs, ont portée à se lier avec les puissances en guerre avec la France, mais comme des étrangers, qui réclament un libre passage que le droit des gens leur assure et dont ils useront pour se rendre promptement sur un territoire dont le gouvernement ne soit pas actuellement en état d'hostilité contre leur patrie. »

Le 21 août (4 Fructidor), il écrit de nouveau à son épouse de Rochefort (Belgique) : « Quelle que soit la vicissitude de la fortune, mon cher cœur, vous savez que mon âme n'est pas de trempe à se laisser abattre ; mais vous la connaissez trop bien pour n'avoir pas pitié du déchirement que j'ai éprouvé en quittant ma patrie à laquelle j'avais consacré mes efforts, et qui eût été libre et digne de l'être, si les intérêts personnels n'avaient pas concouru à corrompre l'esprit public, à désorganiser les moyens de résistance au-dehors, de liberté et de sûreté au dedans. C'est moi qui, proscrit de mon pays, pour l'avoir servi avec courage, ai été forcé de traverser un territoire soumis à un gouvernement ennemi, pour fuir la France qu'il m'eût été si doux de défendre. Un poste autrichien était sur la route ; le commandant a cru devoir nous arrêter ; de là, nous allons être conduits à Namur, mais je ne puis penser qu'on y ait la mauvaise foi de retenir plus longtemps des étrangers, qui, par une déclaration patriotique et constitutionnelle, ont eu soin de se séparer des Français émigrés pour des opinions si opposées aux nôtres, et qui annoncent l'intention de se rendre dans un pays neutre, la Hollande ou l'Angleterre. Voici la liste de ce qui est ici avec moi : les trois Maubourg, les trois Romeuf, La Colombe, Langlois, Laumoy, Masson, Pillet, Bureaux de Pusy, M. du Roure, d'Agrain, son aide de camp ; Soubeyran, aide de camp de Maubourg ; Sicard, colonel du 43e régiment ; Sionville, officier au régiment ci-devant de Bouillon ; d'Arblay, et Alexandre Lameth, qui, pourchassés par un décret d'accusation, sont venus me joindre à Bouillon, d'où je suis parti. Vous connaissez mieux que moi la liste de tous les patriotes qui ont été massacrés, soit par les Marseillais, soit par les ordres de MM. Pétion, Santerre et Danton. Il semble qu'ils se sont attachés aux hommes qui avaient servi la liberté. Quant à moi, ma perte est jurée depuis longtemps. J'aurais pu, avec plus d'ambition que de morale, avoir une existence fort différente de celle-ci ; mais il n'y aura jamais rien de commun entre le crime et moi. J'ai le dernier maintenu la constitution que j'avais jurée. Vous savez que mon cœur eut été républicain si ma raison ne m'avait pas donné cette nuance de royalisme, et si ma fidélité à mes serments et à la volonté nationale ne m'avait pas rendu défenseur des droits constitutionnels du Roi ; mais moins on a osé résister, plus ma voix s'est élevée ; et je suis devenu le but de toutes les attaques. La démonstration mathématique de ne pouvoir plus m'opposer utilement au crime et d'être l'objet d'un crime de plus m'a forcé de soustraire ma tête à une lutte où il m'était évident que j'allais mourir sans fruit. J'ignore à quel point ma marche pourrait être retardée, mais je vais me rendre en Angleterre, où je désire que toute ma famille vienne me joindre. Puisse ma tante accepter aussi le voyage ! Je sais qu'on retient les familles des émigrés, mais ce sont celles des émigrés armés contre leur pays ; et moi, grand Dieu ! Quel monstre oserait croire que je suis dans ce cas ? Les postes impériales et jacobites liront le peu de lettres que j'écris ; cela m'est égal, pourvu qu'elles arrivent. Je n'eus jamais un seul sentiment à cacher. Je ne fais point d'excuse ni à mes enfants, ni à vous, d'avoir ruiné ma famille ; il n'y a personne parmi vous qui voulussiez devoir sa fortune à une conduite contraire à ma conscience. Venez me joindre en Angleterre ; établissons-nous en Amérique, nous y trouverons la liberté qui n'existe plus en France ; et ma tendresse cherchera à vous dédommager tous des jouissances que vous aurez perdues. Adieu, mon cher cœur. »

Le 23 août (6 Fructidor), M. Thuriot annonce qu'on a arrêté, parmi les bagages de M. Lafayette, une somme de 1, 100, 000 livre que ce général voulait emporter.

Le 25 août (8 Fructidor), les cinquante-trois prisonniers sont emmenés vers l'Allemagne au bord du Rhin ; et un décret est ordonné afin de saisir et vendre les biens de La Fayette.

Le 30 août (13 Fructidor), Il est certain que M. Lafayette est prisonnier chez les Autrichiens ; il a été arrêté, avec sa troupe au-dessus de Rochefort-en-Famine, le 19, à huit heures du soir, par M. le comte d'Harmoncourt, commandant des volontaires limbourgeois. Cette troupe était composée de 17 à 18 officiers, avec un nombre égal de domestiques et 30 chevaux. Tous avaient encore la cocarde nationale que l'on a fait quitter aux domestiques.

Le 3 septembre (17 Fructidor), ils arrivent à Arlon sur la frontière du duché de Luxembourg. La Fayette, Lameth (César) La Tour-Maubourg et Bureaux de Pusy sont séparés des autres qui furent relâchés avec interdiction de repasser la frontière ; les otages sont alors remis aux Prussiens. Les aides de camp de Lafayette libres à la fin octobre travaillèrent à sa libération, en particulier Louis Romeuf. Félix Pontonnier âgé de seize ans, domestique du général ne le quitta pas, même au château La Grange en 1800.

Le 10 septembre (24 Fructidor), Adrienne de Lafayette est arrêtée au Puy, puis renvoyée, le 11 octobre au château de Chavaniac lui servant de prison :

Procès-verbal rédigé par Alphonse Aulagnier, juge de paix au Puy, chef-lieu du département de la Haute-Loire, lors de l'arrestation de madame et de mademoiselle Lafayette.

L'an 1792 et le dixième jour du mois de septembre, avant midi, nous, Alphonse Aulagnier, juge de paix du canton du Puy, d'après l'ordre à nous transmis par M. Roland, ministre de l'Intérieur, émanant du Comité de sûreté générale de l'Assemblée nationale, en date du 19 août dernier, le tout servant à pouvoir s'assurer de la personne de Mme Lafayette et de ses enfants, résidant de présent dans le département de la Haute-Loire, et pour effectuer les susdits ordres, ayant, d'après notre réquisition au procureur-syndic du département, réuni quatre-vingt-six, tant gardes nationaux, soldats de ligne que gendarmes, nous partîmes hier du Puy à onze heures et demie du soir, et étant arrivés à Chavaniac vers les huit heures du matin de ce jour hui, avons fait cerner le château et le village de Chavaniac, et ayant pénétré dans l'intérieur avec quatre gardes nationaux et quatre soldats de la ligne, nous avons demandé au premier individu qui s'est présenté où était Mme Lafayette. Il nous a répondu qu'elle était dans sa chambre, où nous étant transportés, nous l'avons trouvée avec une demoiselle, qu'elle nous a dit être sa fille. Alors, nous lui avons exhibé les ordres dont nous étions porteurs : elle n'a fait nulle résistance. Elle a même ordonné de suite qu'on attelât ses chevaux à son carrosse pour partir. Lui ayant demandé vision de son secrétaire, elle l'a fait, et y avons trouvé, ainsi que sur un bureau et dans deux portefeuilles, plusieurs lettres et écrits, la plupart sans signature, que nous avons numérotée, paraphés et empreints de notre sceau. Après avoir fait toutes les perquisitions nécessaires, n'ayant trouvé que les pièces susénoncées, les autres secrétaires, bureaux et divers effets étant couverts du sceau du district de Brioude, que nous avons cru devoir respecter, tout étant prêt pour le départ, paraissant inutile de clôturer le présent sur les lieux, puisque Mme Lafayette était présente à nos opérations et que nous devions dresser le tout en sa présence et y consigner ses observations, avons ordonné le départ de la troupe et avons escorté Mme Lafayette, sa demoiselle, Mme de Chavaniac, deux femmes de chambre et trois domestiques ; n’ayant cependant observé préalablement à Mme de Chavaniac que nous n'avions aucun ordre qui pût la regarder spécialement, elle a manifesté l'intention de ne pas se séparer de Mme Lafayette, ce à quoi nous avons accédé. Ayant demandé à ces dames s'il leur était indifférent d'aller au Puy le soir ou de passer la nuit à Fix, elles nous ont répondu qu'elles agiraient comme le détachement le jugerait à propos.

 À Fix, le 10 sept. 1792

             Alphonse Aulagnier,

             juge de paix commissaire.

             Rome,

             lieutenant de grenadiers.


Le 15 septembre (29 Fructidor), les prisonniers français arrivent à Trèves.

Le 18 septembre (Duodi Sansculottide), ils atteignent la citadelle de Wesel en Westphalie. À ce moment-là, le Roi lui demande de fournir des plans contre la France et répond aux envoyés : « Votre Roi est bien impertinent de mêler mon nom à une pareille idée, et, quoique son prisonnier, je ne souffrirai pas d'insulte de lui. »

Le 19 septembre (Tridi Sansculottide), à Cologne, M. Lafayette, étant arrivé ici lundi dernier, avec les personnes qui doivent partager son sort, repartit le lendemain, par eau, pour Wesel. M. Lafayette paraissait, depuis son arrestation, fort abattu, ce que l'on attribuait à l'incertitude dans laquelle il se trouvait sur le sort de son épouse.

Le 21 septembre (Quintidi Sansculottide), la République est proclamée et les biens du général Lafayette sont saisis.

À Luxembourg, M. Lafayette, arrivant à Trèves, le jour de son départ de Luxembourg, fut déposé dans une chambre du séminaire de chaises en bois. Tristement affecté de se voir logé de la sorte, M. Lafayette s'en plaignit, et dit à l'officier prussien : je vais être bien mal. L'officier lui répondit : votre Roi est bien plus mal encore.

Dans le même mois, Mme Charles de Noailles-Poix essaye de partir pour l'Angleterre avec sa fille et une femme de service. Mais Nathalie fut arrêtée à Dieppe et sa fille est adoptée par la famille Malmesbury de Brighton. Mme de Noailles déguisée en matelot réussie à prendre un bateau de pêche et arrivée à Brighton où elle récupère Léontine et rejoint son époux.

Le 31 décembre (11 Nivôse), les détenus français sont envoyés à Magdebourg dans des appartements souterrains.

Dans le mois, Nathalie de Noailles rentre en France et s'installe à Méréville jusqu'en octobre 93 pour fuir au Havre.

En l'an 1793.

Le 4 janvier (15 Nivôse), le général Lafayette et les autres parviennent enfin à la forteresse Magdebourg. Un membre du conseil de surveillance a remis au conseil des titres de propriété appartenant à Lafayette ; et il a demandé que ces titres soient vendus au profit de la nation.

Le 15 janvier (26 Nivôse), à Hanovre, nous avons vu ici le 29 du mois passé, dans leur route pour Magdebourg, MM. De Lafayette, Alexandre Lameth et La Tour-Maubourg.

Le 21 janvier (2 Pluviôse), complainte de Louis XVI sur sa mort :

   Ô mon peuple, que vous ai-je donc fait ?

   J'aimais la vertu, la justice

   Votre bonheur fut mon unique objet

   Et vous me traînez au supplice.

   Français, Français, n'est-ce pas parmi vous

   Que Louis reçut la naissance ?

   Le même ciel nous a vu naître tous

   J'étais enfant dans votre enfance.

   Ô mon peuple, ai-je donc mérité

   Tant de tourments et tant de peines ?

   Quand je vous ai donné la liberté

   Pourquoi me chargez-vous de chaînes ?

   Tout jeune encore tous les Français en moi

   Voyaient leur appui tutélaire

   Je n'étais pas encore votre Roi

   Et déjà j'étais votre père.

   Quand je montai sur ce trône éclatant

   Que me destina ma naissance

   Mon premier pas dans ce poste brillant

   Fut un édit de bienfaisance.

   Le bon Henri longtemps cher à vos cœurs

   Eut cependant quelques faiblesses

   Mais Louis XVI, ami des bonnes mœurs

   N'eut ni favoris, ni maîtresses.

   Nommez-les donc, nommez-moi les sujets

   Dont ma main signa la sentence

   Un seul jour vit périr plus de Français

   Que les vingt ans de ma puissance.

   Si ma mort peut faire votre bonheur

   Prenez mes jours, je vous les donne

   Votre bon roi, déplorant votre erreur

   Meurt innocent et vous pardonne.

   Ô mon peuple, recevez mes adieux

   Soyez heureux, je meurs sans peine

   Puisse mon sang en coulant sous vos yeux

   Dans vos cœurs éteindre la haine.

Le 31 janvier (12 Pluviôse), le général Washington écrit de Philadelphie à Mme de La Fayette : « Si j'avais des mots qui pourraient vous donner une idée adéquate de mes sentiments sur la situation actuelle du marquis de La Fayette, cette lettre vous apparaîtrait sous un autre costume. Le seul objet que je vous écris maintenant est de vous informer que j'ai déposé entre les mains de Mr. Nicholas Van Staphorst, d'Amsterdam, deux mille trois cent dix guilders, monnaie hollandaise, égale à deux cents guinées, sous réserve de vos ordres.

Cette somme est, j'en suis sûr, le moins que je dois aux services que m'a rendus le marquis de Lafayette, dont je n'ai pas encore reçu le compte. Je pourrais ajouter beaucoup, mais il vaut peut-être mieux que je dise peu à ce sujet. Votre bonté fournira ma déficience. L'incertitude de votre situation, après toutes les recherches que j'ai faites, a retardé cette adresse et cette remise ; et même maintenant la mesure adoptée est plus l'effet d'un désir de trouver où vous êtes, que de tout savoir que j'ai obtenu de votre résidence. En tout temps et en toutes circonstances, vous et les vôtres aurez les égards affectueux de celui qui a l'honneur d'être, etc. »

Le 9 février (21 Pluviôse), Rosalie de Grammont accouche d'une fille et lui donne son propre prénom.

Le 15 mars (25 Ventôse), Gilbert du Motier écrit de Magdebourg à la Princesse d'Hénin ; Adélaïde-Félicité-Étiennette de Guinot de Monconseil, une de ces intermédiaires :

« Je vis encore, Madame, et je puis vous le mander, mais ce sont les deux seules choses satisfaisantes que vous devez attendre de mon journal. Cette lettre sera commune à vous, à ma femme, à mes enfants, dont j'ignore la demeure, et à ceux de nos amis à qui vous et Mme de La Fayette jugerez à propos d'en faire part. Nous avons mandé tout ce qui nous est arrivé depuis la fatale rencontre de Rochefort, jusqu'au moment où, remis par l'Autriche à la Prusse, nous avons été transportés à Wezel. Vous avez dû apprendre aussi quelques détails sur notre captivité dans cette citadelle. Ce qu'on a imaginé de précautions pour couper toute communication entre nous et le reste du monde, pour nous retenir dans notre prison, nous y garder à vue et multiplier nos privations, demanderait une fort longue description. Lameth a été mourant pendant quelques semaines. J'ai éprouvé des maux de poitrine et de nerfs, la fièvre et l'insomnie ; nos deux autres compagnons souffrent aussi ; et comme le Roi de Prusse avait renouvelé la défense qu'on nous laissât prendre l'air, quoique le médecin le crût nécessaire ; comme on avait signifié à Maubourg que, même au lit de mort, nous ne nous verrions pas, et comme le commandant était responsable de sa vigilance sur sa tête, nous avons appris avec plaisir une translation qui nous réunissait pendant quelque temps et qui, en nous laissant respirer l'air du dehors, allait beaucoup rétablir nos santés. Voici à présent la description de mon logement et de la vie que j'y mène. Imaginez-vous une ouverture pratiquée sous le rempart de la citadelle et entourée d'une haute et forte palissade ; c'est par là qu'en ouvrant successivement quatre portes dont chacune est ornée de chaînes, cadenas, barres de fer, on parvient, non sans peine et sans bruit, jusqu'à mon cachot, large de trois pas et long de cinq et demi. Il est lugubre, humide, et m'offre, pour tout ornement, deux vers français qui finissent par souffrir et mourir. Le mur du côté du fossé se moisit, et celui du devant laisse voir le jour, mais non le soleil, par une petite fenêtre grillée. Ajoutez à cela deux sentinelles dont la vue plonge dans notre souterrain, mais en dehors de la palissade, pour qu'ils ne parlent pas, des observateurs étrangers à la garde, tout ce qu'il y a de murs, de remparts, de fossés, de gardes en dedans et en dehors de la citadelle de Magdebourg, et vous jugerez que les puissances étrangères ne négligent rien pour me retenir dans leurs États.

La bruyante ouverture de mes quatre portes se renouvelle le matin, pour introduire mon domestique ; à dîner, pour manger en présence du commandant de la citadelle et de celui de la garde ; et le soir pour ramener mon domestique en prison. Après avoir refermé sur moi toutes les clefs, le commandant les emporte dans le logement où, depuis notre arrivée, le roi lui a ordonné de coucher. J'ai des livres dont on n’ôte les feuillets blancs, mais points de nouvelles, point de gazettes, point de communications, ni encre, ni plumes, ni papier, ni crayon. C'est par miracle que je possède cette feuille, et je vous écris avec un cure-dent. Ma santé se détériore journellement. Ma constitution physique a presque autant besoin de liberté que ma constitution morale. Le peu d'air qui m'arrive, en séjournant dans ce souterrain, détruit ma poitrine ; la fièvre s'en mêle souvent ; point d'exercice, point de sommeil ; je ne me plains plus, et je sais par expérience qu'il est au moins inutile de le faire ; mais je m'obstine à vivre, et mes amis peuvent compter sur la réunion de tous les sentiments qui me portent à la conservation de moi-même, quoique, d'après ma situation et le progrès de mes souffrances, je ne puisse répondre longtemps de leur efficacité. Le compte que je vous ai rendu peut servir pour mes compagnons, dont le traitement est pareil. Pusy souffre beaucoup, quoique moins malade ; il en est de même de Maubourg, dont le cachot donne dans le même corridor souterrain que le mien ; et comme, pour m'empêcher d'étouffer tout de suite, on ouvre les deux premières de mes quatre portes pendant quelques heures avant dîner, je puis quelquefois, au travers des siennes, et en présence du commandant, reconnaître avec beaucoup de regret que sa figure est fort changée. On a si bien intercepté toutes les lettres de ma femme, de mes enfants et de mes autres amis, qu'à l'exception de quelques mots de Damas (comte Charles de Damas) à notre singulière entrevue à Hamm (Westphalie), je suis encore dans la plus douloureuse inquiétude sur le sort de tout ce qui m'est cher. Vous sentez avec quelle ardeur j'attends les nouvelles de ma famille et les vôtres. Je vous recommande surtout une discrétion inviolable. Cette mort lente est triste pour nous, et, sans examiner qui elle peut réjouir, je voudrais bien que vous puissiez nous y arracher. Faites donner à la famille de Pusy et à celles de Maubourg, des nouvelles de mes deux compagnons ; voyez les amis de Lameth. Ils ont chacun un domestique et moi deux, dont l'un, Félix, a été mis dans un cachot séparé, et l'autre, natif de Chavaniac, me sert. Nous désirons que leurs familles sachent qu'ils ne sont pas morts. Si vous connaissiez ma tante, vous jugeriez dans quelle anxiété je suis sur sa santé.

J'embrasse ma femme et mes enfants. Adieu, mille tendresses à mes amis. Vous connaissez la mienne pour vous.

P.-S. Je ne sais ce qu'on aura fait de mon habitation à Cayenne ; mais j'espère que ma femme se sera arrangée pour que les noirs qui la cultivent conservent leur liberté. »

Le 16 mars (26 Ventôse), la marquise de La Fayette reçoit une seconde lettre du général Washington.

Le 25 avril (6 Floréal), Gilbert du Motier écrit à son épouse de Magdebourg :

« Lorsque, après huit mois de silence, mon cher cœur, on a consenti à me parler de vous, il m'a été permis (à la demande de M. Pinkney, dit-on) de vous certifier que je vivais encore ; depuis ce jour bien cher à mon cœur, on m'a laissé entrevoir, sans cependant me le donner, un billet de vous qui a été pour moi une inexprimable consolation. J'ai appris que, le 3 février, ma tante, vous et nos enfants chéris étiez à Chavaniac en bonne santé. Vous savez tout ce que ce nom me rappelle de souvenirs tendres et de moments heureux. Je jouis à l'idée que cette lettre y parviendra. Vous sentez à quel point je suis tourmenté par la pensée de vos inquiétudes, de celles de ma tante, de nos enfants et de nos amis ; tout ce que je puis vous dire sur cet objet, c'est que les faibles moyens qu'on me laisse pour que ma santé résiste le plus longtemps possible à ce genre de captivité seront employés par moi avec une constance et une attention que je crois devoir à tout ce qui m'est cher. Vous n'attendez pas que, dans mon étroite tanière, je puisse respirer et marcher, et que par conséquent ce régime convienne à ma poitrine ; mais comme je ne puis pas plus changer ma situation qu'il n'est possible à ma situation de changer mon caractère et mes principes, je prends patience. On laisse pénétrer jusqu'à moi quelques livres, et Chavaniac étant tiré tous les matins de sa loge pour être mis dans la mienne, je lui parle de notre village, de nos concitoyens. Je vous prie de remettre six Louis au tailleur, son père, et de donner aussi des nouvelles de Félix, qui, enfermé sous le même rempart, n'a aucune communication avec moi, mais qu'on m'assure se porter aussi bien que pareille situation le permet. Vous me parlez de nos enfants d'une manière satisfaisante pour mon cœur. Ils sont nés et ils ont vécu au milieu des inquiétudes sur le sort de leur père ; quoi qu'il arrive, ils hériteront, j'espère, de ses inaltérables sentiments. À propos d'héritage, je ne sais ce qu'on aura fait de nos biens, et je serais inquiet sur l'habitation de Cayenne si je ne comptais sur votre fermeté et votre zèle pour que rien ne prive ceux qui la cultivent du sort qui leur appartient. Je vous ai mandé dans ma première lettre que M. Short a fait déposer ici dix mille florins que j'ai laissés au compte des États-Unis, mais sur lesquels M. le commandant de la citadelle tirera en proportion de la dépense qu'il a à faire pour moi. Je ne vous parle pas de Desmanches, qui s'est enfui pendant notre translation de Wezel à Magdebourg, mais dont je vous recommande la famille en cas qu'il lui soit arrivé malheur.

N'oubliez pas de donner de mes nouvelles au général Washington. Je vous conjure, mon cher cœur, d'employer tout votre courage et pour vous, et pour ma tante, et pour nos enfants. Songez que l'idée la plus capable d'adoucir ma solitude est celle de vous embrasser tous un jour, et songez qu'il vaut mieux éprouver tous les malheurs qu'un remords. Adieu, mon cher cœur, j'embrasse mille fois ma tante, Anastasie, George, Virginie ; faites mes compliments à M. Frestel et à tout ce qui habite Chavaniac. Puisse votre situation être adoucie en pensant à la consolation que je trouve dans votre tendresse, à l'espérance de nous revoir un jour, à ce que j'ai pu faire dans ma vie pour servir la cause de l'humanité ! Je vous embrasse aussi tendrement que je vous aime. »

Le 22 juin (4 Messidor), Gilbert du Motier écrit à madame Hénin de Magdebourg : « Enfermé depuis plus de trois mois dans un lieu dégoûtant, privé de toute communication et nouvelle quelconques, livré nuit et jour à l'inexprimable supplice des regards d'un bas officier qu'on relevait toutes les deux heures pour ne pas me perdre de vue, abandonnée aux maux de poitrine et de nerfs, à l'insomnie, la fièvre, et surtout à toutes les tortures morales qu'on jouissait d'accumuler sur moi, j'ose dire que jamais les précautions de la vengeance et de la tyrannie n'ont été réunies à un degré plus éminent. »

Le 29 juin (11 Messidor), Marie-Anne-Françoise de Noailles, comtesse de La Mark et sœur de Louis de Noailles ; ancienne maîtresse passagère de Louis XV et veuve depuis 1773, décède à l'âge de soixante-quatorze ans.

Le 25 juillet (7 Thermidor), de Francfort, le bruit court que le général Lafayette a reçu, dans son cachot de Magdebourg, une lettre de consolation, accompagnée d'une lettre de change de 4,000 livres sterling, de la part de son ami Washington.

Le 22 août (5 Fructidor), le maréchal de Noailles, Louis de Noailles meurt de vieillesse dans son hôtel de Saint-Germain et Louis, le vicomte de Noailles attend sa femme et ses enfants en Angleterre. Cinq propriétés du général Lafayette sont vendues : à Siaugues, Curmilhac, Fargettes, Vissac et Langeac que Mme de Chavaniac, la tante du marquis à racheté.

Dans les premiers jours d'octobre, la mère et la sœur de Mme Lafayette sont arrêtées à Paris.

Le 2 octobre (11 Vendémiaire), le général Lafayette écrit une lettre à son épouse de Magdebourg :

« J'ai reçu, mon cher cœur, votre excellente lettre du 1er août, et quoique j'y apprenne une tribulation de plus, celle de votre emprisonnement, je ne puis vous exprimer à quel point j'ai joui d'avoir des nouvelles plus détaillées que vos précédents billets. Les cinq objets, si chers à ma tendresse sont donc toujours réunis à Chavaniac, et dans un état de tranquillité qu'ils méritent trop bien pour que j'osasse l'espérer ! J'étais sûr que d'un autre côté, le désir même d'obtenir ma liberté ne vous chercherait aucune démarche ni aucune expression qui ne fût pas digne de vous ; mais la manière dont vous m'en parlez répond tellement à mon cœur, que j'ai besoin de vous en remercier. Je vous ai associée à des destinées fort agitées, et actuellement fort tristes ; mais je sais que vous trouvez quelque douceur à penser que votre tendresse et votre estime sont au premier rang des souvenirs heureux de ma vie, des consolations de ma captivité solitaire, et des épreuves d'un avenir qui, s'il me rend à ma famille, m'en laissera jouir plus que jamais. Je continue à être content de ma santé et particulièrement de ma poitrine, malgré ce régime inverse de ce qu'il lui faudrait ; mon tempérament, assez complaisant en général pour les vicissitudes de ma vie, est encore cette fois resté le plus fort, et j'en suis d'autant plus aise, que l'état plaintif de malade m'était insupportable ici. Vous savez que pendant une heure chaque jour on me tire de mon trou pour avaler un peu d'air extérieur ; j'ai des livres, et quoique le malheureux talent de lire vite soit devenu un inconvénient pour moi, j'ai trouvé en anglais, français et latin, de quoi causer avec les Moris, depuis que je suis séquestré des vivants. Je puis même à présent lire la Gazette de Leyde. Chavaniac soutient bien la captivité ainsi que Félix, toujours enfermé à part et fort ennuyé, je crois, de l'honneur d'être appelé pour son compte un prisonnier d'État. Voilà tout ce que la chronique souterraine a la permission de vous apprendre. Vous me plaignez, mon cher cœur, de ce que le général Washington ne devine pas certaines manières européennes ; mais il est des points sur lesquels les gens vertueux n'ont pas la science infuse. J'aime à penser que, dans ce bon pays de liberté, on a de mes nouvelles par votre correspondance avec lui. Puisque vos parents sont dans leurs départements, une de vos sœurs doit être près de vous. J'ai reçu de Mme de Goloskin une lettre à laquelle j'imagine que ses voisins ont pris part. Adieu, mon cher cœur, je vous conjure tous de ne pas vous abandonner à des idées trop affligeantes, de vous occuper de l'espérance et du bonheur de nous revoir. Il m'est impossible de croire que mon étoile soit tout à fait éteinte, puisque ma pauvre tante, par un miracle de tendresse, a eu la force de résister à ce nouveau choc. Je l'embrasse de tout mon cœur, ainsi qu'Anastasie, George, Virginie et M. Frestel qui est bien aussi de la famille. Le bien que vous me mandez de nos chers enfants ne m'étonne pas, parce que je connais les bonnes dispositions de leurs cœurs, mais me fait goûter une satisfaction bien douce.

Adieu, adieu ; je vous embrasse et vous chérie de toute mon âme. »

La citoyenne La Fayette décide d'écrire une lettre à George Washington dans le but qu'il réclame son époux et pour le faire venir en Amérique : « Si sa famille, pouvait être du voyage, il est aisé de juger quel serait son bonheur ; mais si cela pouvait apporter quelque obstacle ou quelque retard, nous vous conjurons de ne pas songer à nous ; nous serons bien moins malheureuses, quand nous le saurons près de vous. »

Le 10 octobre (19 Vendémiaire), le procureur de la commune donne connaissance au conseil général des caractères auxquels on peut reconnaître les gens suspects et ceux à qui l'on doit refuser des certificats de civisme : les partisans de Lafayette et les assassins qui se sont transportés au Champ-de-Mars...

Le 11 octobre (20 Vendémiaire), Jean-Pierre Brissot est accusé de conspiration contre la patrie, la souveraineté du peuple, et comme telle : D'avoir, dès le commencement de la révolution et sous le manteau d'un faux patriotisme, cherché à égarer l'opinion publique sur les complots liberticides de Lafayette, publiquement reconnu traître à la patrie ; d'avoir au mois de juin 1790, artificieusement combiné avec lui une pétition légitime, dans la vue d'opérer un rassemblement populaire, pour avoir le prétexte de détourner par la terreur le glaive qui menaçait la tête du tyran, et fournir l'occasion à Lafayette de faire verser le sang des patriotes sur l'autel de la patrie, projet qui a été suivi de son horrible exécution...

Au mois d'octobre, ce fut le procès de Marie-Antoinette de Lorraine d'Autriche, Reine des Français ; l'extrait de son interrogatoire concerne le général Lafayette :

Le président : Lafayette et Bailly étaient-ils au château au moment de votre départ ?

Marie-Antoinette : Je ne le crois pas.

Le président : Lafayette n'est-il pas venu par l'appartement de Louis Capet ?

Marie-Antoinette : Non.

Le président : À quelle heure Lafayette est-il sorti du château dans la nuit (les Tuileries) ?

Un témoin : À minuit moins quelques minutes.

Le président : N'avez-vous pas, en sortant, rencontré Lafayette ?

Marie-Antoinette : J'ai vu en sortant sa voiture passer au Carroussel, mais je me suis bien gardée de lui parler.

Le président : N'est-ce pas vous qui, de concert avec Lafayette, avez fondé le club connu sous le nom de Dix-sept-cent-quatre-vingt-neuf ?

Le témoin (Bailly) : Je n'en ai pas été le fondateur, et je n'y fus que parce que des Bretons de mes amis en étaient. Ils m'invitèrent à en être, en me disant qu'il n'en coûtait que cinq Louis ; je les donnai, et fus reçu, eh bien ! Depuis, je n'ai assisté qu'à deux diners.

Le président : N'avez pas prêté les matins au voyage de Saint-Cloud, au mois d'avril et de concert avec Lafayette, n'avez pas sollicité auprès du département l'ordre de déployer le drapeau ?

Le témoin : Non.

Le témoin : Lafayette s'est réconcilié avec les Lameth, mais moi je n'ai pu me raccommoder, n'ayant pas été avec eux.

Le président : Il paraît que vous étiez avec Lafayette et que vos opinions s'accordaient aussi bien ? Le témoin : Je n'avais avec lui d'autre intimité que relativement à sa place ; du reste dans le temps, je partageais sur son compte l'opinion de tout Paris.

Un témoin : Le petit Capet m'a déclaré que Toulan, Pétion, Lafayette, Lépitre, Bougnot, Michonis, Vincent, Manuel, Lebœuf, Jobert et Daugé étaient ceux pour qui sa mère avait le plus de prédilection. Le président : Soutenez-vous également que Bailly et Lafayette n'étaient pas les coopérateurs de votre fuite, dans la nuit du 20 au 21 juin 1791 ?

Marie-Antoinette : Oui.

Le 21 octobre (30 Vendémiaire), le couple Noailles-Mouchy arrive à la Maison nationale de Sûreté à Luxembourg.

Le 30 octobre (9 Brumaire), à Londres, une rumeur est lancée : on écrit que Lafayette est mort à Magdebourg.

Au mois de novembre, la duchesse d'Ayen et la vicomtesse de Noailles sont renvoyées à l'hôtel de Noailles ; alors qu'Adrienne de Lafayette est prisonnière dans la maison d'arrêt de Brioude dès le 13 novembre.

L'américain M. Morris, ministre des États-Unis en France aide financièrement la famille Lafayette, mais aussi essaye de libérée Adrienne.

À la fin de l'année, Nathalie de Noailles est arrêtée et envoyée dans une prison de Paris, et l'enfant recueillie par un couple servant son père :, M. Laborde-Méréville ; ainsi, Léontine vécut à Saint-Germain-en-Laye.

En l'an 1794.

Louise de Noailles écrit une lettre à son fils Alexis, un vendredi : « Votre lettre, mon cher enfant, m'a fait un bien grand plaisir. Votre ami Valentin n'est pas à Paris actuellement, il est à Sedan avec votre papa. Adieu, mon cher ami, j'ai bien envie de vous voir et de vous embrasser aussi tendrement que je vous aime. »

Au mois de janvier, Mme de Chavaniac est mise en arrestation, mais interdite de quitter le château. Le 4 janvier (15 Nivôse), Gilbert de Lafayette est transféré à la prison de Neisse en Silésie dans un autre souterrain.

Le 16 janvier (27 Nivôse), il arrive à Neisse à la frontière de la Pologne. Le général de La Fayette écrit de Neisse deux lettres à madame de Maisonneuve, sœur des La Tour-Maubourg.

Le 16 février (28 Pluviôse) : « Je vous avoue qu'en même temps que la conduite de ma femme sous tous les rapports augmente encore, s'il est possible, ma tendresse, ma reconnaissance, ma vénération pour elle, je n'aurais jamais consenti à son retour en France, et mon vœu le plus ardent est de l'en savoir dehors. Je suis privé des renseignements nécessaires, mais il me semble que ma famille serait bien mieux en Suisse. »

Le 18 février (30 Pluviôse) : « Si je n'étais pas un peu gêné par les barricades de ma prison, mes trois sentinelles de jour, mes cinq sentinelles de nuit, ma grande et ma petite garde, et toutes les fortifications qui sont sur ma tête et autour de moi, vous me verriez bien vite auprès de vous, pour partager une société qui conviendrait tant à mon cœur. Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez de ma famille, de ma malheureuse cousine, de son amie et de nos deux compagnons. Quoique je croie encore Mme de La Fayette dans ma maison de Brioude (maison vendue pour 26,300 francs), quoique j'aie la confiance ou peut-être la faiblesse de compter sur l'affection de ce district, je sais que, dans cet affreux état de tyrannie, la vengeance de quelques brigands peut avoir la principale influence sur son sort, et j'ai soumis à Mme D... et à Mme de M... mon désir très ardent pour que ma famille se retire, s'il est possible, en Suisse. »

Au mois de mars, le jeune Alexandre de Montagu âgé d'un an meurt également de maladie.

Louise, la vicomtesse de Noailles écrit à son fils Alexis, le 2 mars (12 Ventôse) : « Dites mille tendresses pour moi à Alfred, j'espère aller vous voir bientôt. Je vous embrasse, en attendant, l'un et l'autre aussi tendrement que je vous aime. Votre petite sœur a la petite vérole volante, elle est fort bien et je n'en suis point inquiète. »

Le 1er avril (12 Germinal), Lafayette écrit à madame d'Hénin de Neisse : « Je suis cependant tourmenté du séjour de Mme de La Fayette à Brioude. Il serait impossible de l'en tirer sans ses enfants, mais que je serais heureux de savoir toute ma famille en Suisse ! Il me semble qu'outre la protection qu'elle trouve dans l'affection publique, elle aura dans M. Jefferson une sauvegarde plus imposante pour les tyrans jacobins. Il pourrait la réclamer, la conduire à la frontière, et son caractère public et personnel me répond doublement de ses soins. »

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