Un cri dans la nuit.
La porte d'entrée claqua violemment derrière elle, suivit d'insultes aboyées par l'un de ses voisins. Charlie l'ignora. Pour être honnête, elle ne l'entendit même pas. Elle n'entendait plus rien sinon le sang qui pulsait contre ses tempes. Adossée à la porte, toutes ses pensées étaient tournées vers un seul évènement.
Elle y était encore.
Camille avait choisi un bar, ce qui était étonnant. Ça ne lui plaisait pas vraiment, Charlie n'aimait pas la foule et les lieux bruyants, mais elle était folle amoureuse alors elle avait accepté. Elle s'était faite belle, dans son skinny noir et sa blouse verte. Elle s'était même maquillée pour l'occasion – elle n'était pas sortie depuis si longtemps. Arrivée au bar, elle s'était fait violence et était entrée rejoindre Camille, déçue de découvrir que la soirée n'était pas vraiment un rancard mais une soirée entre amis. Mais qu'importe ! Charlie avait sourit, salué leurs compagnons de tablée et s'était assise devant une bière qui l'attendait là.
Et elle avait attendu.
Camille ne lui avait même pas jeté un regard, préférant boire et rire. Charlie avait gardé son éternel sourire, mais les yeux bas. Elle ne comprenait pas ce qu'elle faisait là, c'était ridicule, elle ne s'amusait pas et passait son temps à ravaler ses crises de panique.
Charlie se décolla de la porte et avança à l'aveugle dans l'appartement sombre. Elle ne prit pas la peine d'allumer les lumières, et les lampadaires qui éclairaient la rue renvoyaient des ombres angoissantes dans son petit appartement. Qu'importe, elle ne les voyait même pas. Elle ne voyait plus rien. Les larmes lui brûlaient les yeux, et Charlie tituba jusqu'à tomber à genoux dans son salon.
« Sérieusement Charlie... »
Elle serrait les poings si forts. Ses jointures étaient blanches. Ses ongles perforaient ses paumes.
« Regarde-toi ! Tu pourrais sourire un peu... »
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire amer. Une grimace qui abîmait son visage si doux d'ordinaire.
« Tu es ennuyeuse. Tu pourrais sortir un peu... »
Son corps fut pris de tremblements incontrôlables. Elle avait froid. Pourtant la nuit était chaude en ce mois d'Août. Ses muscles la faisaient souffrir à force de tétaniser.
« Tu sais quoi ? Je crois que tu ne me mérites pas... »
Sa gorge était nouée, la mâchoire serrée à s'en briser les dents. Elle se faisait violence. À chaque inspiration, elle ravalait le cri qui grandissait en elle depuis que Camille avait commencé à lui parler.
« Je n'arrive pas à croire que j'ai pu perdre autant de temps avec toi... »
Charlie ferma les yeux jusqu'à s'en fendre les paupières, mes ses larmes coulèrent malgré tout colorant ses joues de noir. Elle avait tellement mal. Elle ne comprenait pas comment Camille avait pu dire des choses aussi cruelles.
« Ça ne sert à rien que je continue à me donner du mal pour toi... »
Elle se gratta la poitrine. Fort. Encore plus fort. Elle avait l'impression qu'on lui arrachait le cœur alors qu'il battait encore. Et il battait si fort, elle en avait mal aux côtes.
« Enfin, c'était quand même drôle. Salut Charlie, et sans rancunes, hein ! »
Trop. Trop. Seule dans son appartement sombre, Charlie lâcha prise. Elle cria. Un cri si puissant, si brisé. Un cri animal qui portait tellement de souffrance, de haine et de violence. Un cri perdu dans le silence d'une belle nuit d'été.
Annotations
Versions