Chapter 1

3 minutes de lecture

Il y avait cette guitare dans le coin de sa chambre, qui se sentait seule à n'être touchée de personne, laissant sa mélodie se perdre dans le silence. Quand j'étais petit mon père m'en jouait souvent. Au tout début, il emmenait sa Yamaha à l'hôpital et, une fois que nous étions tous les deux, il grattait maladroitement les cordes de son instrument, essyant de ne déranger personne dans les chambres voisines. Il jouait comme un pied, mais ça ne l'en empêchait pas, au contraire : il apprenait tous les soirs. Cependant, en grandissant, il me faisait écouter de moins en moins ses mélodies. Maintenant, cette guitare faisait office de meuble à prendre la poussière.

Notre relation père-fils est inexistante, à présent, comme l'utilité de cette fameuse Yamaha. Mais je ne m'en plaignais pas. Parce qu'on était comme ça.

J'étais avachi dans le canapé beige du salon, la vieille couverture terne en laine tricotée par ma grand-mère sur les genoux, un pot de glace saveur brownie que j'engloutissais avec joie et je regardais la première saison complète des Reines du Shopping que j'avais enregistrée il y a longtemps. Mon père, lui, était reparti à son travail après m'avoir ramené à la maison.

Nous avions été à l'hôpital encore une fois parce que j'avais eu le malheur de me plaindre de mon mal de pieds quelques jours plus tôt, que j'avais de plus en plus souvent malgré moi. Résultat : je devais passer des radios et prendre rendez-vous chez le kiné. Et en plus de ça, une sixième opération était prévue, mais je devais la repousser le plus loin possible parce que celle-ci comportait le risque de ne plus pouvoir marcher. Et ça, ça craignait encore plus que d'avoir une capacité limitée à rester debout ou à marcher.

Que c'est ironique.

Je n'aimais pas particulièrement parler de tout cela. À chaque fois, je me souvenais de ce que j'avais vécu et l'on me regardait avec pitié, ce que je détestais. La seule au courant était Nolah, ma meilleure amie depuis l'enfance. Je sais que tout le monde a traversé des épreuves au moins une fois dans sa vie et je suis loin d'être le seul à être né ainsi, mais le fait est que, même si certains n'aiment pas les gens qui ont l'air d'avoir vécu toutes les misères du monde, personne n'est vraiment blanc : tout le monde a dû vivre des galères quelles qu'elles soient, car quoi qu'on en dira, la vie n'est pas un long fleuve tranquille.

Tandis que j'étais plongé dans mon émission de télé, mon portable émit un son de vibration à côté de moi. Je détestais mettre une sonnerie pour la simple et bonne raison que le « Ding » incessant m'insupportait. De plus, en sachant que ma meilleure amie était la seule à m'envoyer des textos et, selon son humeur, elle pouvait répondre plus ou moins vite, ce qui avait tendance à m'agacer.

Cette dernière me demandait si je venais ce soir à la fête de son petit copain Swann — ce gars-là était le parfait cliché du sportif dans toute sa splendeur.

Je n'aimais pas faire la fête. J'étais de ceux qui préfère une soirée série avec plusieurs saladiers de chips et de popcorn plutôt que danser sur une piste avec des gens que je ne connais pas. En plus je n'avais aucun rythme et le montrer serait assez embarassant, à vrai dire.

Mais d'un côté, je connaissais Nolah par cœur et je savais que si je déclinais son invitation, elle allait insister et trouverait plein d'arguments pour me faire changer d'avis, quitte à venir chez moi pour m'y emmener de force…

J'étais face à un dilemme, là.

J'avais le choix entre y aller de gré ou… Y aller de force.

Je restais un instant hésitant devant mon portable à me demander si j'y allais ou si j'essayais de trouver une excuse valable pour qu'elle ne vienne pas me chercher, mais rien ne me venait à l'esprit. C'était le vide intersidéral dans ma tête. Je ne pouvais tout de même pas y aller et repartir tout de suite après dans un style « Hey! Vous m'avez vu ? Maintenant je repars bye ! » Ce serait, avouons-le, grotesque.

Mais d'un autre côté je n'avais pas envie d'être traité de rabat-joie, parce que c'était ce dont j'avais l'impression, quand je lui disais non et qu'elle insistait pour me faire craquer — c'est qu'elle était têtue — et je détestais ce sentiment.

Alors finalement, j'acceptais : ce ne pouvait pas être si terrible que ça, de boire dans son coin sans rien demander à personne.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Fagagie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0