Un jour, cette nuit.

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Je repense à ce lundi, premier d'une nouvelle année. Un lundi gris, glacé où une voix, toute aussi froide et dénuée d'espoir , m'a annoncé que mon mari, hospitalisé, allait être intubé à nouveau et qu"Il ne reviendrait probablement pas". Je me souviens avoir reformulé ce message en disant : "vous êtes en train de me dire qu'à la fin de semaine, je n'aurai plus de mari !" Ce à quoi on m'a répondu "c'est tout au plus une question de jours ou d'heures". J'ai eu la sensation de me prendre le toit de l'hôpital sur la tête. 15 ans après, je suis encore saisie par le choc de cette annonce.

On m'a demandé si je voulais passer un coup de fil, j'ai prévenu mes parents, pour leur dire que Yves allait mourir et qu'il fallait aller chercher les enfants à l'école. La plus petite était avec moi, du petit haut de ses deux ans tout frais. Je voulais que les enfants voient leur papa une dernière fois pour leur dire "adieu".

Le lundi après-midi, ils l'ont vu, il était endormi, inconscient, traité par la morphine pour soulager ses souffrances.

Je suis restée un peu à ses côtés, pour lui caresser la joue. J'avais vu qu'on lui avait retiré son alliance, elle était posée sur la table, à côté de lui. Cela m'a déplu mais je n'ai rien dit. Peut-être qu'avec les soins, ce n'était pas pratique.

J'ai dit au revoir à l'homme de ma vie, je lui ai dit "si c'est trop douloureux pour toi, je t'autorise à t'en aller". J'ai remercié les infirmières et je suis partie. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas rester à côté de lui. Inconscient, il n'était plus celui qui me souriait, qui me réchauffait de son affection, qui me faisait danser, il était celui qui était en train de partir, celui qui était en train de s'éteindre et c'était tellement douloureux pour moi, tellement inacceptable.

Je suis partie souper avec mes enfants. Des amis musiciens étaient passés le voir, ils sont restés avec lui. Est-ce que je regrette de n'être pas restée près de lui pour l'accompagner dans le passage ? Non. Je sais que je n'en étais pas capable, je ne voulais pas qu'il me quitte et je me suis réfugiée dans l'amour de nos enfants, je me suis endormie près d'eux. Je sais qu'il ne m'en veut pas et je ne me sens pas coupable. Je ne pouvais pas accepter l'idée d'assister à son dernier souffle, c'était au-dessus de mes forces.

J'ai reçu un appel, tôt le matin, vers 8h00, qui m'annonçait qu'il s'était en allé vers 23h00. J'ai raccroché puis j'ai téléphoné à son frère pour le prévenir.

Quand je l'ai revu, il était vêtu de sa chemise blanche, de son gilet noir, de son pantalon, si élégant, si souriant. Les enfants ont embrassé tant de fois leur papa, qui n'a jamais paru ni froid ni figé. Il était juste posé là, immobile, il ne dansait plus.

C'était la dernière chose que j'avais besoin de poser par écrit. Non, je ne regrette pas. Je n'ai pas pu rester à ses côtés, je n'ai pas pu le voir expirer. Il était mon mari, mon prince danseur, il était l'amour de ma vie. Il reste mon mari, mon prince danseur, il reste l'amour de ma vie. Il a fait de ma vie un conte de danse, une valse enchantée, un chemin à trois temps.

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