La discussion qui a mis notre collègue au tapis

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Au fond de l'officine, trois collègues discutent. L'une, jeune étudiante, raconte que son beau-père se moque d'elle, lui disant qu'elle finira seule car elle fait trop d'études et d'activités. Elle s'inquiète de voir toutes ses copines de fac avec un copain alors qu'elle n'en a pas. La rayonniste, mère de famille, lui explique que ça n'est pas grave, qu'elle est encore jeune, et qu'elle trouvera quelqu'un plus tard.

La préparatrice au regard triste les écoute et dit : "Oui, mais on aimerait bien que ça arrive à nous. "Puis fond en larmes et s'enferme dans les vestiaires, elle ne viendra pas travailler l'après-midi. Un véritable K.O. technique, provoqué par quelques mots, c'est dire la puissance de ceux-ci. Lorsque je l'ai croisée, elle sortait de la pharmacie, le regard vide, comme privée de tout espoir. J'avoue que je n'ai pas su quoi lui dire. Triste, lorsqu'on sait que certaines phrases peuvent guérir.

Mes deux collègues se sentent coupables, se reprochent d'avoir abordé un sujet trop sensible, quand je leur demande de quoi elles parlaient, elles refusent, disant que c'est un sujet trop particulier pour être abordé avec moi.

Notre adorable pharmacienne adjointe a pu m'éclairer. Notre préparatrice n'a jamais cessé de travailler depuis ses 18 ans jusqu'à ses 38. Elle n'a jamais vraiment sociabilisé avec qui que ce soit et on ne peut pas dire que nos horaires pénibles soient là pour aider. Elle a des difficultés relationnelles et se dévalorise constamment.

"Pour moins que ça, je consulte un psy, mais elle, refuse toute aide." L'adjoite était sérieuse en disant celà, c'est ce qui m'a le plus impressioné chez elle. Personne ne respire plus la stabilité qu'elle. Elle semble déborder de confiance et de douceur au point qu'elle déborde sur ceux autour d'elle, j'ai rarement rencontré de personne plus apaisante qu'elle. Et pourtant, elle nous a avoué avoir eu des idées noirs et pris des antidépresseurs.

C'est bien là, la leçon à retenir, tout le monde souffre, on l'oublie souvent. Le choix ne réside pas là, il consiste en demander de l'aide, ou endurer seul jusqu'à en mourir.

En matière de santé, mentale, qui plus est, les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés.

Nous ne sommes ni capables de nous aider ni nous mêmes, ni les nôtres. J'ignore comment nous faisons pour soigner nos patients.

Le pire, c'est qu'elle a tout pour plaire, elle est belle, possède un bon tempérament. Comme quoi, nous ne sommes prisonniers que de nous-mêmes, et de nos métiers aliénants.

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