On a pas fini de payer l'ascenseur
As-tu déjà écouté ces instruments qui imitent les pleurs? Je les entends dans ma tête quand je repense à leurs voix. Celles de ceux qui souffrent puis qui s’arrêtent pour laisser crier leurs proches. Ils me regardent, leurs yeux depuis l’obscure éternité. Sois bien heureux d’être encore en vie, en bonne santé. On te l’a déjà dit mais tu ne le sais toujours pas.
Madame a quarante ans et souffre d’une forme grave d’Ehler Danlos, la maladie de l’homme élastique mais en moins drôle. Son seul pouvoir étant de souffrir puis de mourir.
On la traite par oxygène car ça la soulage et c’est bien le moins que l’on puisse faire. Ils ont importé un fauteuil roulant électrique des Etats-Unis que l’on peut incliner pour pratiquer un massage cardiaque à tout moment. Ils ont fait faire un cerclage spécial pour accueillir une bouteille d’O2 pour la bagatelle de mille euros.
Madame m’a dit que j’ai de la chance d’être en bonne santé et qu’il est bien dommage que les autres ne s’en rendent pas compte et que l’on vit dans un beau pays, où l’on paie encore peu les soins.
Quand nous sommes partis, nous avons emprunté l’ascenseur de la maison dont le mari nous a dit qu’ils le payaient encore.
Je n’ai jamais vu plus tendre geste que lorsqu’il l’a enlacée pour la redresser sur son fauteuil car elle glissait. Madame ne peut plus se tenir droite mais elle est plus digne que beaucoup d’entre nous.
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