Au secours, j'ai quelqu'un dans la tête !

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Enfoncée dans les couvertures de mon lit d'hôpital, je n'en menais pas large. Tout était si bizarre.

- Je crois que j'ai besoin d'aide. Une voix parle dans ma tête. C'est ma conscience, me direz-vous, la voix qui énonce les textes quand on lit dans sa tête ou encore la voix de la raison. Peu importe comment on l'appelle. Je vous assure que ce n'est pas ça. Il y a quelque chose d'autre, quelqu'un d'autre.

Je pris ma tête entre mes mains, effleurant les points de suture qui zigzaguaient sur le haut de mon front. Si je me concentrais assez, je pourrais peut être presser la voix hors de mon esprit.

- Exactement.

Raté.

- Vous voyez ? Vous entendez ? Ah non, il n'y a que moi qui l'entend, gémis-je.

- Racontez-moi alors, exigea la voix suave de l'homme assis en face de moi.

- D'accord...

***

Tout a commencé avant-hier lorsqu'un imbécile a grillé un feu rouge pour venir emboutir ma voiture. Une belle commotion provoquée par l'airbag plus tard, j'étais toujours sonnée quand une voix féminine s'exclama :

- Diantre !

Les mots utilisés par certains pour éviter de jurer me laissais stupéfaite. Un bon "putain" ou "bordel" tonitruant, ça faisait toujours du bien pour montrer à tous que quelque chose nous énervait.

Un homme s'élançait du trottoir en face pour se précipiter vers moi, son téléphone vissé sur son oreille.

- Mademoiselle, vous allez bien ? Ne bougez pas, j'appelle une ambulance, me dit-il. Oui, elle est consciente, elle a une blessure à la tête, à cause des airbags je crois, racontait-il à son interlocuteur. Elle ne semble pas coincée...

- Mais quelle est donc cette étrange charette ? refit la voix féminine, couvrant celle du piéton. Où sont donc les chevaux ?

Décidemment, je m'étais cognée la tête plus fort que ce que je pensais pour me faire des réflexions pareilles.

Les ambulanciers sont arrivés en un rien de temps, m'ont mise sur un brancard et emmenée à l'hôpital. On me fit quelques radios et je devrais rester pour une nuit d'observation afin de vérifier que je n'avais rien de grave. Je feuilletai tranquillement un magazine dans ma chambre en attendant mon repas du soir.

- Vous allez mourir.

- Quoi ? Mais non ! m'exclamai-je à voix haute, surprise.

Je me tournai vers la porte pour regarder si quelqu'un était entré dans ma chambre sans que je m'en aperçoive. Mais personne ne se tenait dans l'encadrement de la porte.

- Voyons ma chère, toute personne sensée sait très bien qu'un traitement médical doit débuter par une saignée.

- Une saignée ?! Mais vous êtes folle ! Ca ne sert à rien ! On sait ça depuis des siècles ! m'énervai-je.

- Des siècles ? Par le Tout-Puissant, avez-vous perdu l'esprit ?

Je jetai un nouveau coup d'oeil vers la porte. Personne en vue pour l'instant.

- Peut-être bien que je perds l'esprit pour parler toute seule comme ça. On est en 2020 voyons, on va pas me faire une saignée pour un trauma crânien. Ils ont fait un scanner pour regarder si je n'avais pas d'hématome au cerveau ou que sais-je. Ils me gardent en observation cette nuit et après, je rentre chez moi.

- 2020 ? Mais je suis née dans l'an de grâce 1653. Notre bon Roi Louis le quatorzième occupe le trône de France.

- Mais merde, qu'est ce qu'il m'arrive ? gémis-je en me tenant la tête.

- Mademoiselle, vous avez des douleurs au crâne ? Vous avez des vertiges, des nausées ? m'interrompit une infirmière en débarquant dans la chambre.

- Non... du tout... Je crois que je suis fatiguée, le contre coup de l'accident et des examens, vous voyez ? Je crois que je vais faire une petite sieste.

J'espérais avoir été convaincante, je ne voulais pas qu'elle appelle le département psychiatrie pour leur signaler que j'agissais bizarrement.

- Bien, reposez-vous. Mais surtout, si vous ressentez des symptômes, appellez via l'interphone. Un hématome crânien peut parfois se développer plusieurs heures après l'accident.

J'approuvai et me couchai, en tournant le dos à la porte au cas où tout autre personne du corps médical souhaiterait passer sa tête pour vérifier mon état.

- Mais vous êtes qui bordel ? Et pourquoi vous êtes dans ma tête ? chuchotai-je.

- Catherine de la Belle Rivière, courtisane à la Cour du Roi.

- Bon dieu ! maugréai-je.

Elle ne répondit pas vraiment, c'était plutôt un hoquet de surprise et des marmonnements de prière parce que j'avais utilisé le nom du Seigneur de manière peu glorieuse.

De tout ce que je savais sur les personnes à la Cour du Roi Soleil, pour ainsi dire pas grand chose, son nom m'était totalement inconnu. Mais bon, il y avait des milliers de gens qui avait défilé là-bas pendant le long règne de Louis XIV. La question primordiale était : mais qu'est ce qu'elle fichait dans ma tête ? Et pourquoi aujourd'hui ? C'était forcément un effet secondaire de mon accident et de mon coup sur la tête mais rien d'anormal n'était apparu sur mon scanner. Toute cette situation me laissais dubitative. Et comme pour me jouer des tours, la voix ne se manifesta plus, ni pendant mon repas rapide ni pendant ma douche. Je pus m'endormir en me disant que mon cerveau chamboulé m'avait joué un vilain tour.

Je ne me réveillai que lorsque le petit déjeuné fut servi. Bon, c'était de la bouffe d'hôpital alors le contenu du plateau n'était pas très appétissant.

- Ca n'a pas l'air très bon, commenta Catherine.

Putain, j'espérais tellement qu'elle soit partie, que ce n'était qu'un contrecoup pour le moins étrange à cause de mon coup à la tête.

- Ferme-la ! répliquai-je. Laisse-moi tranquille !

- C'est à moi que vous parlez comme ça ? s'offusqua l'infirmière chargée de distribuer les repas.

- Non ! Non, c'est juste... que j'ai une migraine atroce, après l'accident, tellement forte que j'ai l'impression que quelqu'un parle dans ma tête ! me justifiai-je maladroitement.

La manière dont elle me regarda me signifia qu'elle n'était pas dupe. Je souris de manière contrite pour m'amender. Elle griffonna quelque chose sur ma fiche de suivi et partit sans se retourner. Visiblement, je l'avais vexée.

Mon médecin revint plus tard dans la matinée et observa mon dossier. Il s'inquiéta de l'état de mes migraines. Je lui répondis qu'elles étaient toujours présentes mais que je n'avais pas développé les autres symptômes habituels après un choc à la tête. Il programma un autre scan pour être sûr. Mais celui-ci ne révéla rien d'autre. Et après que le médecin et les infirmières m'ont entendue parler toute seule plusieurs fois de manière aggressive, ils ont pris la décision d'appeler un psy.

***

- Qui est-ce ? Un confident ?

C'était une manière de le nommer. J'espérais juste que je n'allais pas gagner un ticket pour l'asile en lui parlant.

- Voilà, vous savez tout. Si vous avez déjà eu d'autres cas de personnes ayant des voix appartenant à la noblesse de Louis XIV dans la tête, je suis preneuse du traitement miracle que vous leur avait proposé !

L'homme me jugea du regard avant de répondre.

- Avez-vous des antécédents de maladie mentale dans votre famille ? m'interrogea t-il gravement.

- Quoi ? Non ! Je ne suis pas folle ! plaidai-je.

- Je n'ai pas dit que vous l'étiez, seulement, vous devez comprendre que les patients se plaignant de voix dans leur tête sont atteint de pathologies sérieuses et parfois héréditaires.

Je me demandai si dire qu'on n'était pas fou à un psy revenait de dire qu'on était innocent lorsqu'un policier vous accusait de quelque chose de répréhensible. Ca sonnait indubitablement faux, même lorsque c'était la vérité.

- Je vais vous faire admettre dans mon département pendant deux ou trois jours, vous pourrez vous reposer et nous pourrons reparler de tout ça, entendu ?

- Oh, une cure dans un sanatorium ? Cela ne peut vous faire que du bien ma chère, vous verrez.

Cette gourde, elle était totalement à côté de la plaque. Si elle n'arrêtait pas bientôt de dire des conneries à tort et à travers et que la visite chez le psy ne donnait rien, je chercherais une solution pour la faire taire définitivement.

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