Ludyl, auras & liens
Une année s'était écoulée depuis mon arrivée à la citadelle. J'avais l'impression d'avoir acquis plus de connaissance sur cette période-là que durant toute mon enfance, passée auprès de maître Rygon. Bien que relativement âgé, le résident de la Tour des trois Sœurs était pourtant loin d'être un piètre mentor. Mais Dalin, lui, disposait de moyens beaucoup plus importants à sa disposition, pour engranger et transmettre le savoir accumulé à travers les âges. Ses quartiers, vibrants d'énergie, comportaient une multitude d'étagères et de meubles anciens, où il aurait été difficile d'entreposer davantage de grimoires, de manuels de magie et d'ustensiles d'astronomie en tout genre. De nombreuses sciences, thèmes connue et méconnue de la littérature, s'y trouvaient également. Cela allait des récits sur les mines de fer du Mont Âpre-Brume aux cheveaux des plaines d'Eijrate, des farfadets et esprits du domaine interdit aux majestueuses créatures aillées, qui peuplaient autrefois les terres du monde. Sa bibliothèque personnelle était et reste, à mes yeux, une des plus grandes richesses de la citadelle.
Un début d'après-midi ensoleillé, Dalin avait profité de l'occasion pour m'inviter à converser avec lui. Nous nous installâmes sur une des terrasses qui dominaient la baie. Dans les arbres en fleur des jardins en contrebas, les pépiements d'oiseaux se mêlaient au chant des vagues. Nous étions seuls à seuls, comme souvent, pour jouir de cet instant si particulier.
Je le sentais toutefois beaucoup plus hésitant qu'à l'accoutumé. Le magicien souhaitait introduire un thème difficile dans mes leçons : les auras et les liens magiques. Cette réticence à aborder le sujet m'intriguait, car ma sensibilité aux auras était notamment la raison pour laquelle Dalin avait tenu à faire ma connaissance. Son hésitation ne fit qu'amplifier mon intérêt pour ces notions. Les quelques paragraphes des manuels en ma possession qui les mentionnaient ne décrivaient bien souvent que brièvement l'aura que pouvait dégager les magiciens, et de façon plus lacunaire encore les attaches qui pouvaient se former entre elles et les éléments environants. Les observations faites étaient généralement confuses et vagues, et j'avais constamment l'impression qu'elles survolaient des informations beaucoup plus complexes et utiles que ce que les auteurs de ces ouvrages laissaient parfois entendre. Ils s'arrêtaient bien trop souvent sur les histoires de cœur d'âmes sœurs, décrivant volontiers et avec passion l'union d'un magicien et d'une femme d'une modeste famille - se révélant finalement douée pour la magie. Jamais ils n'étudiaient dans le détail la complémentarité de certaines auras, les synergies possibles entre deux corps doués de magie, les innombrables interrogations qui planaient autour de l'hérédité. Ou bien, ils émettaient des hypothèses sans aucuns fondements, basées sur de simples intuitions personnelles. Ces conclusions et dérives n'avaient pour moi aucune valeur.
Dalin m'offrit ce jour-là une boule de divination opaque dans laquelle était enfermée un esprit mineur. Je fus très déçue d'en identifier aussitôt la nature, à l'instant même où ma main se posa sur la surface de verre.
La semaine suivante, je m'exerçais de mon propre chef sur le chat d'une vieille dame de la haute société. Je me concentrais sur ses sens et ses intentions félines, m'exerçant à anticiper chaque jour un peu mieux ses agissements. C'est en suivant une de ses traques de rongeur près des cuisines que j'eus pour la première fois l'occasion de faire l'expérience sur un humain. Un homme ivre, trompant sa compagne pour les cuisses d'une autre, dans une des petites cours intérieures de l'enceinte, attenante aux cuisines. Il avait rencontré cette danseuse étrangère au fil des récentes célébrations et banquets de la nouvelle lune. Son esprit se révéla très malléable, et des plus utiles pour mes expérimentations.
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