S22

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— Étienne m’a pris pour confident. Il me téléphone plusieurs fois par semaine. Il ne dort plus. Sa femme s’inquiète, mais il n’ose pas lui parler. Elle pense qu’il a une liaison, que je suis sa maîtresse.

— Je ne viens plus ici pour moi, mais pour lui. J’ai besoin de décharger toute son angoisse. Il sait qu’il avance vers une vérité terrible et, pour moi, ce n’est pas toujours facile de l’aider.

— Je ne vous ai pas dit, parce que je ne m’étais pas vraiment rendu compte, mais je suis apaisé. Je crois que c’est parce que j’ai vu sa tombe. À ce moment-là, cette histoire s’est terminée. Je veux dire qu’elle appartenait au passé. Elle ne me faisait plus souffrir. Ce qui n’entamait pas mon besoin de savoir. Comprendre ce qu’elle avait vécu, subi, pour partager et qu’elle repose en paix. C’est peut-être ça, cette histoire de fantôme et d’âme tourmentée. Que l’on connaisse leurs souffrances pour les libérer.

— J’ai dit à Étienne de parler à sa femme. Je le fais avec Marion. Sa femme est d’une famille de Toulouse. Elle est étrangère à leur famille. Mais j’ai cru comprendre qu’elle est un peu arriviste, que c’est un mariage arrangé. Elle ne veut pas perdre sa position. Étienne risque de tout casser en ouvrant leur boîte de Pandore. Pas facile.

— Oui, en fait, je l’aide, nous l’aidons pour aussi nous libérer. Mais tout le travail est pour lui…

— Sonder Paul-Henri a été facile. Il avait les mêmes interrogations, bien que moins prégnantes. Ce que je perçois, c’est que cette famille a mis en son milieu le secret, entouré de barrières, de rubalises, pour bien marquer les interdits ! C’est tentant de chercher à savoir !

— Le problème d’Étienne est le blanc absolu dans son esprit des années passées ici. Plus jeune, il a de vagues souvenirs. Des trois années ici : rien ! Ses souvenirs redémarrent juste à son retour à Limoges. Ils étaient revenus, car sa mère n’allait pas bien du tout.

— Elle n’avait plus de famille de son côté. Elle se sentait incapable de s’occuper d’Étienne. Ce dont il se souvient, c’est du malaise de sa mère en revenant. Elle est morte trois mois plus tard.

— Son père ? Aucun souvenir. Il ne sait pas s’il était avec eux ici. Il ne se souvient pas de sa mort ou de son enterrement.

— Vous avez raison. La zone blanche doit correspondre au trauma. Le même que celui d’Aurélie. Ou au moins concomitant, voire lié.

— Il a décidé de se faire aider, pour voir s’il peut entrouvrir le voile.

— L’autre solution est d’interroger son oncle ou sa tante, les parents de Paul-Henri. Ou son autre tante, Véronique. Au cours d’un déjeuner de famille, il y en a un à chaque grande fête religieuse, il a lancé une question, du genre : « Je ne me souviens plus pourquoi on est parti vivre en Provence. », volontairement sur un ton rieur. Il paraît que toute la famille s’est figée, y compris les gamins. C’est Paul-Henri qui a détourné l’attention par une anecdote rigolote.

— Je crois qu’il souffre, maintenant, de ce trou.

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