Reconversion

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Et soudain surgit face au vent le vrai héros de tous les temps…

Cette chanson d’un autre âge atteignit mes oreilles fatiguées. Instinctivement, je rentrai la tête dans les épaules, tout en cachant ma chevelure grise sous ma capuche. Un groupe de jeunes aux voix de fausset s’amusait bien, sans que leur attention fût attirée par ma personne décrépite. Je préférais m’assurer que ma soirée restât aussi ennuyeuse que possible.

Durant de longues années, j’avais assez donné. Je vivais à présent pour ces instants paisibles qui m’avaient été volés. Je ne regrettais rien, je poursuivais simplement mon chemin, le temps que mes aventures de prétendu superhéros tombent dans l’oubli. Je désirais entamer un nouveau cycle, même si beaucoup me traitaient d’imbécile, arguant qu’à mon âge, je ne pouvais rien débuter. À tous ceux-là, je leur riais au nez. Depuis plusieurs années, je réfléchissais à ce que deviendraient mes derniers jours. À quoi pourrais-je être utile à présent que je n’avais plus droit à rien ?

J’avais essayé de postuler pour devenir professeur d’arts martiaux, professeur de stratégie militaire, ou tout autre titre barbant s’axant sur mes anciennes missions. Tout m’avait été refusé en bloc. L’école qui m’avait formé avait d’ailleurs fermé. Le temps des superhéros était terminé. Les États ne kidnappaient plus d’enfants aux talents physiques ou spirituels pour les éduquer selon des principes moraux bien définis. Ils ne leur faisaient plus affronter les mafias, rebelles, ou autres terroristes à leur place, comme si la police n’existait plus. En réalité, elle se la coulait douce dans des bars glauques. Ces enfants maudits ne s’entraînaient plus des heures par jour pour défendre la patrie, la Nation, des symboles qui ne leur parlaient pas vraiment, surtout à leur âge. Et ils ne faisaient plus semblant de posséder des pouvoirs factices, aidés par des outils construits de toutes pièces par des ingénieurs et scientifiques de talent. De faux pouvoirs, mais de véritables superhéros, capables de soulever des foules et de guider le peuple.

Bob Morane contre tout chacal…

Je m’éloignai rapidement et tournai à l’angle de la rue. Des images de plusieurs de mes anciennes missions se rappelèrent à moi sous l’impulsion du tube d’Indochine. J’avais vécu de beaux moments, je devais bien l’admettre. J’avais eu droit à mes heures de gloire alors que, sous mon masque de Faucon noir, le public et les enfants m’acclamaient, après la chute de dealers ou l’emprisonnement de psychopathes.

À présent, tout cela était terminé. Les superhéros que j’avais connus devaient se faire oublier, les gouvernements ne voulaient plus entendre parler d’eux. Nous leur coûtions trop cher. Même les plus puissants ne réussissaient plus systématiquement à nous manipuler, surtout une fois que notre costume constituait intégralement notre identité, ou que le succès nous montait à la tête au point que nous nous perdions dans le maelström des applaudissements et des baisers volés. Je m’y étais laissé prendre. Le calme ambiant de mes dernières journées sonnait agréablement à mes oreilles. J’avais tourné la page. Ou alors me voilais-je complètement la face ?

À suivre...

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