Embarquement
Une voix chantante dont l’accent fleure bon la grande botte nous invite à monter sur le quai et à embarquer pronto dans leur voiture.
Les voyageurs se massent devant les escaliers et commencent à les grimper à la vitesse d’un escargot, ralentis dans leur progression par le couple de personnes âgées. Oui ! Ceux au panier à chat, qui, par je ne sais quel miracle, ont réussi à atteindre la pole position. Les deux vieux traînent. Leurs valises bloquent toutes tentatives de les doubler tandis que leur animal pousse des miaulements plaintifs à chaque fois que sa cage subit un mouvement de balancier.
Je m’insère dans la file. Je piétine. Mon dos commence à souffrir du poids de mon sac, il faut dire qu’avec mon PC portable, un tailleur pour le rendez-vous et toutes les affaires que j’ai dû prendre pour faire face à toutes les situations, il pèse une tonne. Dans les marches, il semble même faire une tonne et demie, comme si un poids mort s’y agrippait, dérobant mes dernières forces. Un ricanement enfantin suivi de la voix d’un père qui gronde son enfant confirme mon soupçon. Lorsque le jeune papa rugit : « lâche le sac de la dame ! », mon fardeau s’allège brutalement, je manque de tomber sous l’effet du déséquilibre.
Comme de bien entendu, mon wagon est le plus éloigné sur le quai, en tête de convoi. Je dois longer le train délabré sur des centaines de mètres, mais au moins, la foule se parsème, mon esprit reste concentré sur la marche.
Au moment de grimper dans la première voiture, les sifflets des agents de la compagnie nous somment de nous dépêcher. Je jette mon sac sur la plate-forme, agrippe les poignées, et m’apprête à me hisser à sa suite quand mon œil est attiré par un groupe à l’allure louche, le genre de personnes que je me serais attendu à voir à Charles de Gaule : deux hommes et une femme, costumes et cravate noirs, chemise blanche et cheveux coupés courts. Enfin, pas pour la femme, la coupe en brosse, je veux dire. Ce qui me paraît encore plus louche chez eux, ce sont leurs lunettes de soleil alors que la lumière se fait plutôt chiche en cette fin d’après-midi grisâtre d’avril. Il ne leur manquerait plus que des objets phalliques émettant des sortes de flashes rouges pour me convaincre de leur appartenance à une agence secrète de l’État.
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