Une nuit en train
Je ne prendrai plus jamais le train de nuit ! Les belles rencontres, parlons-en ! La vieille avec son chat qui monte la garde en permanence et souffle dans ma direction dès que mon regard se pose sur sa maîtresse passe encore. Mais l’incroyable gentillesse et la conversation sans fin d’une splendide Scandinave en petite tenue alors que je m’efforce juste de ne pas vomir, secouée, à chaque virage du train, il y a des trucs contre lesquels on ne peut pas lutter. J’aimerais lui dire qu’il serait mieux pour tout le monde que je puisse fermer les yeux, mais elle me parle, me dresse le paysage de ses voyages passés ou à venir. Je hoche la tête et m’efforce de garder le contenu de mon estomac à sa place.
Puis quand vient l’heure de dormir, il faut grimper sur la couchette du haut, se glisser dans les draps en papier, ne pas se cogner sur le plafond bas, chercher des trésors de sérénité pour fermer les yeux et s’assoupir. C’est à ce moment qu’un passager cogne à la porte, me réveillant en sursaut. Il réclame la belle blonde, la femme de sa vie ou je ne sais quoi encore. J’empêche Ingrid d’ouvrir, dans sa tenue, elle ne risque pas de décourager ses prétendants. Du haut de ma couchette, je reconnais un des musiciens hilares qui traînait sur le quai. La vieille dame, Marie Dumonteil (elle s’est présentée) éconduit le jeune homme. Devant cette vision de vertu outragée, il préfère mener une politique de repli.
Puis, alors que le sommeil réclame son dû et que j’arrive enfin à fermer les yeux dans le vacarme du train, le contrôleur passe à son tour. Il vérifie les tickets, prend les papiers d’identité pour le passage de frontière, inspecte l’anatomie d’Ingrid avec attention, en consacre un peu moins à ma petite personne et aucune à Marie. Nous croyons qu’enfin, la nuit va pouvoir commencer.
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