Déjeuner romantique
Je me lève et me jette à son cou. Plus de sacs pour m’en empêcher, cette fois. Juste ma chaise qui tombe derrière moi. Je souffle, je respire à nouveau. Je me rends compte à quel point, j’avais besoin d’un contact amical. Non pas que je me sentais seule, les gens ont été gentils, mais j’avoue que je commençais à ne pas apprécier la solitude.
Après mes effusions, nous nous asseyons sous les regards des autres clients. Antarès n’est pas gêné le moins du monde, il a dû en voir en plusieurs siècles d’existence. Par contre, je suis rouge de confusion et d’émotion, je me cache derrière la carte remplie de choses appétissantes. Je n’arrive pas à me concentrer sur le texte, pas assez en tout cas pour comprendre l’italien de cuisine du menu.
« Désolé de t’avoir laissée en plan ce matin. » Me réveille soudain Antarès.
J’hésite entre la clémence et un désir de querelle, cet esprit de vengeance qui vient de mon sang sicilien. Arghhh ! Mon sang est trop fort, il gagne la bataille.
« Tu m’accueilles, puis, deux secondes après, tu me laisses dans une ville dont j’ignore tout, avec des pickpockets qui guettent sans cesse les pauvres petites touristes comme moi ! Et tu dis juste que tu es désolé ! » Tout en prononçant ces mots, je sais que j’y vais un peu fort, même moi, je m’en aperçois. Il sourit.
« Tu t’en es très bien tirée, et puis tu n’as pas tardé à te trouver un gentil chevalier servant pour t’accompagner d’ailleurs.
— De quoi tentes-tu de m’accuser ?
— Je t’accuse de rien du tout, je constate, c’est tout.
— N’empêche que c’est pas évident de se retrouver seule dans une ville où on a jamais mis les pieds, dans un pays étranger, réponds-je en me renfrognant, dans une tentative d’écarter le sujet de Pierre de la conversation.
— Bon, d’un autre côté, il faut te comprendre, tu es jeune, il est plutôt joli garçon, quoiqu’un peu maigre. »
Une question me vient à l’esprit, comment peut-il savoir? Pour Pierre.
« Tu étais là ! Tu me surveillais !
— Disons que je ne voulais pas qu’il t’arrive quelque chose…
— C’est ça, t’es parti comme un voleur quand t’as vu les hommes en noir, puis t’es revenu m’espionner ! »
Je sais que le terme espionner est un peu fort, mais mon cœur sicilien a craché les mots avant que je n’arrive à les arrêter. Antarès sourit toujours, mais prend un air contrit.
« Tu as raison, je croyais qu’ils venaient pour moi, j’ai préféré qu’ils ne fassent pas le lien entre nous.
— En me laissant seule (Perfide Hélène !)
— Tu n’étais pas seule, le jeune maigre était avec toi ! rétorque Antarès en se prenant au jeu.
— C’est juste un gentil garçon qui aime rendre service.
— C’est ce que tu dis, tu ne connais pas les hommes.
— Et toi, tu les connais peut-être ?
Antarès reste bouche bée devant l’évidence de ma réplique.
« Ces hommes en noir m’inquiètent. » répond-il, en effet, son visage s’est soudain fermé, je suis tentée de croire qu’il tente de ramener la conversation sur un terrain plus stable. Bon d’accord, on fait la paix ! Je te pardonne, pour l‘instant.
« Que sais-tu sur eux ? l’interrogé-je, histoire de sortir de notre dispute infantile.
— Pas grand-chose, on dit que certains pays se dotent de policiers spéciaux, spécialisés dans la recherche des traces extra-terrestres…
— Les M.I.B. en quelque sorte ?
— Je ne sais pas ce que tu veux dire par émail bi.
— Les Men In Black, comme dans le film, tu sais , avec Tommy Lee Jones et Will Smith . Ne me dis pas que tu ne l’as pas vu.
— Si. »
Devant cette réponse prosaïque, je ne sais plus trop quoi dire, alors je sors mon smartphone et je cherche les photos que j'ai prise à la gare, pour les lui montrer.
— Zut ! m’exclame-je.
— Quoi ?
— J’étais sûre de les avoir dans mon cadre, dis-je en faisant défiler les photos de la gare, damned !
— Fais voir, répond-il en tendant la main vers mon téléphone, ses yeux prennent un air sérieux.
— Tiens. »
Il observe les clichés, zoom avant, zoom arrière, puis reprend.
« Ils ont utilisé une technologie de pointe qui les rend invisibles sur les photos. On distingue un léger halo à l’endroit où ils étaient. Et on voit ton amoureux dans le coin de la première
— Fais voir ! » dis-je en lui arrachant mon téléphone des mains, puis réalisant ce qu’il vient de dire.
« N’importe na ouack ! »
Je passe deux minutes à regarder les images et je remarque qu’il a raison, pour les contours floutés des MIB et pour Pierre. Pendant ce temps, Antarès passe commande pour nous deux.
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