Je ne voulais pas que tu meures
Je ne voulais pas que tu meures. Me croiras-tu un jour – peut-être ? Je ne voulais pas que tu meures. Et donc, tu ne devais pas naître. Je ne le voulais pas, crois-moi. Ils ne m’ont pas laissé le choix. Ils m’ont imposé leurs discours courts, leurs sermons longs, m’ont montré des schémas colorés, des photos et des échos, m’ont prouvé qu’ils avaient raison. M’ont assuré que j’avais tort. Puis t’ont extirpé de mon corps. Je n’ai rien décidé, crois-moi. Je ne voulais rien de tout ça.
Ton premier mot, c’était un cri. Comme si tu avais compris combien ce monde était pourri. Comme si tu avais crié putain sors-moi d’ici j’veux pas rester dans ce lit dégueulasse et dans ces couvertures qui grattent et dans cet endroit de merde qui pue la mort. Mais ils ne t’ont pas écouté. Ils ont dit félicitations, bravo madame, c’est un p’tit gars. Et ils t’ont collé dans mes bras.
Ils ne m’ont pas laissée t’emmener. Tu étais trop petit, il paraît. Ils t’ont collé trois jours en serre. Je sais bien que tu as souffert. Et quand enfin ils t’ont rendu, tu ne criais même plus. Ils t’avaient bâillonné, écrasé, épuisé. Et puis tu étouffais. Il faisait chaud, si chaud, là-bas. Je voulais t’épargner tout ça. Je ne voulais pas... Pardonne-moi !
On est rentré à la maison. Tu étais si petit, si mignon. J’osais à peine te toucher. J’avais trop peur de te casser. Mais rien n'appaisait ta douleur, je sentais que tu avais peur. Et il faisait chaud, toujours chaud. Maman j’étouffe ici, ce monde immense, il m’écrase, moi, avec mes tout petits pieds, mes tout petits bras, mes toutes petites mains. Pourquoi tu m’as fait venir ici ? Sauve-moi de là putain !
Des gouttes de sueur perlaient à tes tempes, j’avais beau les essuyer. Elles revenaient sans cesse, et faisaient comme des larmes énormes sur tes toutes petites joues. Ils disent que je suis folle à lier. Mais toi tu sais. Toi, tu le sais… Que je n’ai fait que te sauver. Je t’ai allongé, bien au frais. Tu ne seras plus en sueur. Tu n’auras plus peur. Je t’ai couché près des sorbets. Je sais que tu aimes leur couleur. Je suis désolée, mon bébé. Je ne voulais pas que tu meures.
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