Quitte ou double

Une minute de lecture

Pour moins de dix à l'heure, dilapidant richesse,

À la place d'en jouir, je troque ma vie pour une bouchée de blé.

Des avides, des perfides, des sans cœur,

Engrangent mon offrande, mon souffle, mon labeur.

Jusqu'à l'expiration, sans compassion,

Ceux-là pilleront ma moelle, mon jus, mon essence,

Avec mon consentement et ma bénédiction.

Aujourd'hui les arbres, hier squelettiques, se parent de verdure,

De tendresse, de nouvelles histoires.

Trop occupé à gaspiller mon bien,

Satisfaire les envies de mes assassins,

J'ai raté le printemps.

Invisibles bourgeons, ces petits, ont grandi.

Je n'ai rien vu venir, à présent ils me quittent.

Gorgés de reproches et de ressentiments,

Mes enfants, à leur tour, s'en vont donner leurs jours,

Aux maudits exploiteurs.


Demain, de larmes acides j'arroserai le monde.

De mes mains abîmées j'écraserai des cous.

De ma voix éraillée j'accuserai le coût.

Comprenant trop tard m'être fait posséder.

Qu'au lieu d'être humain, je ne fus que valet.

Qu'en pâture ma relève j'ai abandonné,

La préparant moi-même à ce dépouillement.

Renonçant à la chance offerte,

Devenue vie perdue à la gagner.


Épuisé, anéanti, lessivé, j'ai oublié de rêver.

De m'indigner, me battre, me redresser.

Tout mâché, le système carnassier me recrache.

Sans un cri, un hurlement, vais-je abdiquer ?

Sans oser accuser l'oppresseur, le dénoncer,

En coupable innocent, accepter qu'on m'enterre ?

Valeur d'ajustement, populace consommée, consumée,

Premier de corvée, dernier de cordée.

Qu'est-ce qui me retient d'en emmener quelques-uns ?

De ceux-là qui m'ont tué à la petite journée.


Bang ! Un millionnaire.

Bang ! Bang ! Deux milliardaires.

Trois de moins.

Si tous les vieux mourants en faisaient autant,

Mathématiquement, la partie serait vite réglée.

Mais, au seuil du grand passage,

En docile imbécile armé de mots,

Je m'écrase, me résigne, m'aplatit, me couche.

Et perd mon existence,

Sous les coups de bluff des maîtres tricheurs,

Qui distribuent les cartes d'un poker planétaire,

Où les pauvres demeurent simple monnaie de singe.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire korinne ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0