La paille dans l'oeil du voisin

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Chapitre 6-La paille dans l’œil du voisin


Pour Râleuse, une nouvelle semaine s'étira en luttes et en repos jusqu'à la venue du docteur Bésicles.

— Alors ? questionna le médecin installé près de son lit. Où en est donc votre colère ? L'avez-vous enfin bannie ?

— Presque... soupira la princesse.

— Presque ?

— Oui, presque docteur Bésicles, répondit-elle avec une moue de dépit. Il n'est point facile de ne pas s'irriter, mais j'y travaille... J'y travaille dur.

— Vous y travaillez ? Mais comment donc ? 

— Eh bien, voyez-vous... contrainte de demeurer calme selon vos prescriptions, j'ai longuement réfléchi, puis pensé que peut-être... Non, que sans doute, j'étais peut-être... sans doute...  responsable de ce malheur qui m'arrive.

Bien que surpris par cette réponse, le docteur Bésicles resta placide et demanda :

— Responsable, dites-vous ?

— Oui... Par mes apitoiements et par mes larmoiements, je crois bien qu'aujourd'hui, je récolte les fruits amers de l'isolement.

— Les fruits amers, dites-vous ?

— Oui... Voyez-vous, j'ai longtemps accusé les autres d'être à l'origine de mes manques. Je leur ai souvent reproché d'être la cause de mes nombreuses infortunes, toutefois il m'est avis que...  peut-être... Que peut-être ceci n'était pas tout à fait juste ni tout à fait... exact, et que, possiblement.... c'est moi et moi seule qui me suis créé mon propre malheur... Qu'en dites-vous, docteur Bésicles ?

— Vous seule... Mais comment donc ?

— Eh bien, en y songeant... aucune de mes relations ne fut jamais vraiment saine et heureuse. Amicalement, affectivement ou fraternellement, toutes furent houleuses, compliquées et très souvent stériles... Et de cela, je pense... j'en suis la seule blâmable.

— Hum... Hum... Mais encore ?

— Même avec le roi et la reine, mes parents, j'ai altéré la relation. Par mes sempiternelles complaintes et mes nombreux reproches, j'ai creusé un fossé d'incompréhension entre eux et moi. J'ai pointé le doigt vers eux sans voir à toutes mes fautes. C'est pourquoi, je pense... Non, c'est pourquoi j'admets être responsable de n'avoir aucun ami à qui confier ma peine, d'être sans un proche avec qui partager mes angoisses, de n'avoir ni paix ni joie intérieures. Oui... si je souffre aujourd'hui, docteurs Bésicles, c'est surtout d'avoir gaspillé mon temps, mes bienfaits et l'amour des miens, que j'ai très certainement nié... et refusé par vanité.

— Hum... Hum... Responsable, dites-vous ?

— Côtoyer une personne aussi irascible et négative que moi, doit être... insupportable. Je reconnais que certainement, je suis de bien mauvaise compagnie... Ne pensez-vous pas, docteur Bésicles ?

Le médecin aurait bien aimé dire ses quatre vérités à cette capricieuse exaspérante et lui dire qu'elle payait l'addition de ses comportements, mais il s'en garda bien. Tenu de se taire, il éluda la question, se racla la gorge plusieurs fois et dodelina de la tête.

— Je me rends compte que j'étais une tueuse de joie, poursuivit Râleuse en pleurant. J'ai été une briseuse de paix et une semeuse de troubles. Cela me rend triste, car si aujourd'hui je suis abandonnée de presque tous, c'est entièrement de ma faute. Après tout, je n'ai que ce que je mérite...

— Ah non ! s'insurgea le médecin. Vous n'allez pas encore vous lamenter ! Vouloir c'est pouvoir et désirer c'est décider ! 

— Vous avez raison... mais comment faire, docteur Bésicles ? Comment ? Aidez-moi, je vous prie. Je ne veux pas mourir...

— Je ne le peux ! C'est à vous que revient la décision de guérir et d'agir en conséquence, pas à moi ! Ceci est en dehors de mes compétences médicales. Moi, je ne peux que vous encouragez à prolonger vos efforts et vous engagez à ne plus vous considérer comme une victime, mais comme une conquérante. Et j'ajouterai comme une JOYEUSE CONQUERANTE !

— Ça parait simple et... en même temps, cela me semble si compliqué. Si je n'y parviens pas, que se passera-t-il ? Que m'arrivera-t-il, docteur Bésicles ?

— Si vous échouez, je ne pourrai plus rien faire pour vous sauver, soupira le médecin. Et c'est à contrecœur, hélas, que je vous regarderai vous affaiblir et dépérir. C'est à contrecœur que je tenterai d'alléger vos douleurs avant l'inéluctable.

— Mes douleurs ? Mais comment donc ? Vais-je m'éteindre dans d'horribles souffrances ?

— Je ne saurais le dire avec certitude, votre cas est si rare. Mais enfin... cela reste envisageable. C'est une chose à ne pas négliger afin de mieux s'y préparer.

— Ah ça non ! s'emporta Râleuse.

— Calmez-vous, chère enfant... Calmez-vous donc... Vous aggravez votre cas en vous irritant de la sorte.

— Me calmer, alors que m'attendent de terribles souffrances ?

— Pas d'affolement, voyons. Rien n'est encore perdu. Enfin... à condition d'y mettre du vôtre. Sans cela, NUL MIRACLE ! Allez, à dans huit jours !

— C'est ça... Bien le bonsoir docteur Binocles, marmonna Râleuse en tordant son nez.

 


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