On a toujours intérêt à tenir compte de la vérité.
Ce matin, Lily m’a devancée. Elle est en bas avant six heures, blottie dans le canapé entre Jupiter et sa valise. Ses cheveux mouillés ont imprégné la casquette qu’elle a coiffé trop tôt après son champoing.
Elle somnole, les yeux rivés sur son téléphone, pianote sur son écran. Touchantes retrouvailles.
— T’as avalé quelque chose ? demandé-je.
— Nan. J’ai pas super faim.
— Si tu le dis. Debout, faut y aller.
Le trafic est fluide, l’air encore assez léger pour se passer du climatiseur qui de toute façon ne fonctionne plus. Une vieille chanson passe à la radio, à peine audible. J’avale doucement les kilomètres jusqu’à ce que le signal se brouille. Bientôt il n’y plus que de la grisaille. Elle est arrivée si doucement que j’ai à peine entendu mourir la mélodie. Maintenant, j’ai la migraine.
Je crois que c’est de cette façon qu’arrivent tous les fléaux. Ils se déguisent en chansons, ou en n’importe quoi d’inoffensif et agréable. Les carries se déguisent en sucre, les coups de soleil en jour d’été, les vertiges en alcool, les bébés en Reiner…
J’ai plus beaucoup de temps pour renoncer à être enceinte. J’essaie de pas y penser, mais moins j’y pense plus le temps file. Pendant ce temps, Lily dort, la tête appuyée sur le bord de la vitre baissée. J’ai peur que sa casquette s’envole. Je ralentis. Pas que j’aime particulièrement cette casquette, mais en dépit de tout, je crois que j’aime assez ma nièce pour me soucier d’un objet auquel elle tient.
De toutes façons, on est arrivées.
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