Pour ne rien arranger, Winona descend. Sa marche de la honte, rythmée par les aboiements de Jupiter, en est presque comique tant elle tombe mal. Ses talons à la main et les yeux pleins de larmes, elle passe tête baissée entre Reiner et moi. Trois maisons plus loin, ses parents doivent l’attendre.

J’ai la nausée en repensant à mes lèvres appuyées contre sa peau. Quant à Reiner, il comprend.

— Non… Pas elle… Elle est encore plus jeune que mon neveu ! Tu n’as aucune limite ?

— Depuis quand tu te mêles de mes affaires de lit ?

— Depuis que tu attends mon enfant et que tu couches avec des gamines, j’imagine.

— Hey ! J’attend mon enfant. Je t’ai pas encore intégré au programme, que je sache.

— Tu veux vraiment t’aventurer sur ce terrain-là ?

— T’es juste venu me faire une scène ?

— Non, je suis venu te rappeler que je t’aime, et te dire que je veux aimer notre enfant, que je veux toujours t’épouser. En tout cas je le pensais avant que…

— Super. Marions-nous.

— Je te demande pardon ?

— Si tu veux toujours te marier, je suis d’accord. Épouse-moi.

Il se remets mal de mon changement d’avis, ce qui se comprend.

— Je suis sérieuse, Reiner.

— Pourquoi maintenant ? Vendredi soir, tu…

— Tu m’as prise au dépourvu, vendredi. Et devant toute ta famille.

— J’imagine. Pourtant, je ne veux pas épouser une femme qui n’a de respect pour rien.

— Une femme qui quoi ? me vexé-je.

— Tu vois ! C’est plus fort que toi ! Tu méprise tout et tout le monde, à commencer par moi. Ça s’entend à toi voix. Personne n’a le droit de te contredire ou de te critiquer.

— C’est faux et tu le sais.

— Non, je n’en sais rien, Blake. Tu sais à quel point c’est épuisant d’avoir toujours tort aux yeux de ceux à qui on tient ?

— Oui, et mieux que toi.

— Ce n’est pas un concours.

— Je te parle de toi, là ! T’as toujours raison ! C’est pire qu’épuisant, c’est énervant !

— Évidement, la seule émotion que tu sais exprimer, c’est la colère.

Je me retiens de lui donner raison en le giflant. Au lieu de quoi, je me renfrogne.

— Tu pense vraiment ce que tu dis ?

Le silence s’immisce, glacé, malgré le soleil qui tonne au-dessus de nos têtes.

— Tu recevras bientôt un contrat de garde alternée pour le bébé, au cas où tu décides de le mettre au monde.

Sur ces mots que j’ai l’affront de trouver cruel, Reiner se retourne. Reiner s’en va.

Jupiter aboie toujours.

Je ne respire plus.