— Allô, oui Monsieur Kingsrock.

...

— Non, je suis dans les sanitaires. J'arrive dans une minute.

Riley semble s'inquiéter au téléphone. Il insinue m'avoir cherchée partout, sauf que si cela avait été le cas, il serait aussi allé voir dans les toilettes... Secouant la tête pour tenter de reprendre le dessus sur cette situation embarrassante, je me relève et demande à Sans gluten de se retourner le temps que je me rhabille.

— Merci John... Sans toi.

Ma voix se confond en sanglot malgré moi.

Honnêtement, je connais mon caractère par cœur. Ma force vient de ma capacité à surmonter les obstacles et ce mauvais moment en était un. Point final.

— Qu'est-ce que tu fais dans les toilettes pour hommes Crossley, m'interroge-t-il sévèrement en fronçant ses sourcils, sans que cela ne lui donne plus de crédit.

— Je suis bourrée, je me suis trompée et ce connard...

Le visage enfantin de Car s'adoucit, et je le sens presque à vouloir me prendre dans ses bras pour me consoler.

Faut peut-être pas pousser !

Reculant d'un pas, je frôle le malaise, et John de ses maigres bras arrive tant bien que mal à me soutenir.

— Et toi, qu'est-ce que tu fais là John ? Me demande-je soudain à voix haute.

— Ma cousine Sofia Morlat m'a invité pour ton lancement. Mais je t'avoue que je ne savais pas vraiment que c'était toi...

— Sinon tu ne serais pas venu...

Mon ancien collègue et moi, partageons un regard entendu avant de rire aux éclats. Nous étions d'accord sur le fait que l'un ne portait pas l'autre dans le coeur et vice versa, mais en aucun cas, on ne se souhaitait du mal.

— Ce n'était pas Adam Well ?

—Malheureusement, si...

— Il faut que tu le dénonces...

Pour la première fois dans les yeux de John, je peux y lire de la détermination, et tout mon corps se révulse d'effroi rien qu'à l'idée d'en parler à Riley ou que lui ne le fasse à ma place. Cela risque d'entacher sa relation avec Well au péril de faire couler la boîte.

— John, je ne dirais rien, et toi non plus.

Médusé, sa bouche s'ouvre complètement opposé à mon ordre. Pourtant, je parviens à lui expliquer la situation vis à vie du magasine, sans aborder mon lien antérieur avec Riley. Résigné, il acquiesce simplement, par respect pour mon choix idiot, puis s'inquiète de nouveau :

— Bon, ça va aller pour sortir de là ?

— Je vais essayer, souffle-je déjà en sachant très bien que non.

Quelques pas, et je me rétame une nouvelle fois. John le vaillant, souffle un grand coup pour faire entendre son mécontentement et tel un gentleman trop maigre, il me porte jusqu'à l'entrée de la grande salle.

Les yeux furieux de Riley finissent par se poser sur moi, ou plutôt sur la grande tige qui me sert de batmobile. Avant qu'il n'arrive vers nous rouge de colère, je glisse à l'oreille de John en lui souriant : "Pas un mot".

—Qu'est-ce que c'est que ce cirque, et qui c'est ça ?

Ses mots résonnent un poil trop fort, parmis la populasse gourmande de scandale. Annabelle arrive aussi vite que sa robe étroite au genou le lui permet, et me lance presque des sabres dans les yeux. Puis, sa main se place sur l'épaule tendue de Riley, qui ne semble pas vouloir lâcher l'affaire.

—Monsieur le directeur oublie que nous ne sommes pas seuls, intervient-elle dans l'attention de King, tout en souriant allégrement aux curieux qui se sont rapprochés de nous pour écouter.

John me pose en douceur et je l'en remercie. Par contre Riley, lui, me saisit le bras avec force sans pour autant me blesser et me tire dans un coin caché par un pylône.

Mes jambes défaillent et je manque de tomber, encore. Surpris de ma faiblesse, la colère du PDG s'apaise quelque peu et ses yeux pleins de questions viennent se poser sur moi, d'un gris brillant de mille éclats, avant de glisser sa main dans mon dos pour m'aider à marcher.

C'est étrange, malgré le fait que je ne sente plus vraiment mon corps, son contact m'électrise...