Pendant les trois jours suivants notre "presque rapport intime" dans l'ascenseur, je n'ai plus eu de nouvelles de Riley. J'ai donc profité de cet instant de paix pour tenter de l'ôter de mon esprit en peignant.

Sharon, elle, par contre m'avait harcelé, car je me trouvais être en retard sur la commande des quinze fameuses toiles. D'habitude, j'ai toujours des œuvres d'avance chez moi, histoire de lui en mettre sous la dent, le temps de trouver de l'inspiration pour travailler.

Même si la peinture est un don plutôt naturel chez moi, je n'arrive pas vraiment à peindre sous pression. Alors faire quinze toiles en huit jours, cela m'apparaît comme le pire des challenges de ma vie. En plus, seul le corps de Riley m'inspire, ce qui me désespère à mesure que j'y pense.

Je revois, sa peau si lisse et ses muscles saillants, satinés sous un soleil de plomb, nimbés de sueur, sur un gazon tondu au millimètre. C'est la première image qui m’était apparu de Riley... C'était à cet instant que je tombais amoureuse pour la toute première fois.

J'avais déjà peint ce tableau puisqu'il se trouvait dans son bureau. Pourtant, j'ai envie de découvrir qui se cache sous cette soudaine commande de tableaux, alors que je soupçonne Riley.

Peut-être que si je peins de nouveau son torse, il comprendra le message que j'essaie de faire passer. Lui faire comprendre que Birdy et Katherina, ne font qu'une seule et même personne. Peut-être qu'ainsi Kira pourra le voir évoluer et réagir à cette nouvelle. Mon avenir avec lui, si tout du moins j'en ai un, dépendrai de sa réaction.

Mais s'il le prend mal ? S'il ne comprend pas ? S'il se moque de moi ? Ne suis-je qu'un jouet de plus à ajouter à son palmarès ?

Hop deux toiles de plus.

Penser m'aide à peindre. C'est dans ces moments que j'ai résolu la plupart de mes problèmes et affronté mes doutes et mes peurs. Cela vaut toutes les thérapies du monde, bien que dans le cas "Riley" j'ai comme le pressentiment que cela ne suffira jamais.

C'est plus fort que moi. Sans avoir pris ma décision finale, mes pinceaux commandent mon cerveau. Une ligne parfaite pour son ventre plat, et ses obliques, déjà apparents à l'époque, font danser mon poignet sur la toile. Je me mords la lèvre en détaillant ce corps d'apollon qui me fait tant saliver.

Quelques heures plus tard, je constate que le résultat est bien meilleur que la première fois. En même temps, j'ai dix ans de peinture de plus derrière moi, et une plus grande expérience sexuelle qui j'en suis sûre à un impact quant aux détails sexy, situés à des endroits précis sur un corps d'homme.

Le lendemain, j'appelle Sharon pour qu'elle fasse récupérer mes toiles pour la galerie. Elle semble soulagée au téléphone, et moi j'ai mal partout à force d'être restée des heures debout enchaînant une dizaine d'heures de peinture d'affilées. C'est la première fois que je me lance dans un tel exercice et j'espère profondément que cet effort en vaudra la peine.

Dernier jour de liberté, avant le retour à DCK et un appel de Riley me surprend de bonne heure le matin. Soucieuse, je ne décroche pas. Depuis l'incident, je ne sais plus exactement comment lui parler.

Est-il en colère ? Vexé ? Pire encore, indifférent ?

Moi, je le désire passionnément, en m'efforçant de me tenir et surtout de lui en vouloir d'avoir osé espérer que je fasse vœu d'abstinence alors que lui s'envoie la moitié de la planète. Au troisième coup de téléphone, je n'y tiens plus. J'ai envie d'entendre sa voix, et je n'ai plus d'ongles à torturer pour me retenir de décrocher.

— Monsieur Kingrock ?

— Bonjour, Mademoiselle Crossley, je suis ravie de vous avoir au téléphone. J'espère que vous vous êtes bien reposée et prête à reprendre demain matin ?

— Tout à fait monsieur Kingsrock.

— Bien, j'ai une très bonne nouvelle que je tenais à vous informer en premier.

—ah... Je vous écoute.

— La vente du magazine a doublé depuis une semaine. Je suis très fier de vous annoncer que c'est certainement grâce à votre rubrique et aux annotations que vous avez laissé.

—Vous... Vous avez modifié les rubriques que j'avais annotées?

Ma voix se fait plus aigüe que je ne le souhaite.

— Ah ah, oui bien sûr, j'apprécie les suggestions de tous nos collaborateurs. Je pense rester plus longtemps le soir pour que vous me fassiez directement part de vos recommandations de vive voix.

Quelle conne, pourquoi je n'ai pas acheté ce fichu magasine?

C'est vrai que King m'avait demandé au début de l'aventure de déposer mon travail sur son bureau chaque soir avant de partir. Seulement, je termine tellement tard mes journées que je n'ai jamais eu la possibilité de partager mes idées, ou mon ressenti sur mon travail et ceux de mes collègues en rubrique mode et accessoires. Alors je couchais mes pensées sur le papier accompagné de mon travail directement sur le bureau de Riley.

Malgré cette semaine enfermée chez moi, à aucun moment je n'ai pris le temps d'acheter un exemplaire du magazine où mon nom figure en bas de la page pour une fois. Dorothée, m'avait pourtant laissé un message surexcité pour me dire qu'elle trouvait la double page fabuleuse, mais je ne pensais pas que mon travail retranscrirait autre-part que sur ces deux pages.

La fin de conversation avec Riley se fait dans la courtoisie et la retenue. Aucun mot plus haut que l'autre ni la moindre allusion à l'incident se ressent dans son discours. J'en conclus alors, qu'il opte pour le dénie, chose qui me chiffonne un peu, mais je verrais cela demain en direct...

Pour l'heure, il me faut trier mes mails avant la reprise. Je n'ai pas encore ouverts ceux à qui Riley faisaient référence lors de son message vocal avant le presque baiser...