Chapitre 29 - Et on pagaie! On pagaie
Le regard implorant de King me quitte pour retrouver celui d'Annabelle.
L'assistance continue d'applaudir tandis que l'homme de mes pensées rejoint la vipère sur cette scène d'appoint déployée exceptionnellement pour la soirée. Je me sens vidée, trahie et presque nue devant ce spectacle affligeant.
Je ne rêve pas, il m'a bien fait du rentre-dedans ?
Si c'est vraiment le cas, Riley est encore bien pire que tout ce que je m'étais imaginé. Je me sens comme dans une très mauvaise scène de film mélodramatique où la jeune fille se laisse berner par le beau-gosse, qui l'avait approché juste pour un stupide pari avant de se moquer d'elle publiquement.
Riley est également surpris par cette mise en scène orchestrée par sa fiancée. C'est évident. Annabelle continue de sourire, et agite ses doigts pour comme accélérer le pas de King vers elle. Sharon m'interroge du regard, mais je n'ai pas le cœur à lui répondre quoi que ce soit. Les larmes au bord des yeux, je me racle plusieurs fois la gorge, avant d'applaudir comme toute la foule. Encore une bonne minute d'humiliation et s'en est assez, je me faufile parmi le monde, avant de disparaître dans l'entrée de la galerie.
Mon monde s'écroule subitement et je ne sais plus quoi penser. Machinalement, je finis par demander mon sac à main à la dame d'un certain âge qui tient l'accueil de la galerie pour la soirée. Cette dernière me sourit gentiment, et une ride d'inquiétude vient froncer son regard délicatement maquillé. Pour la rassurer, je lui retourne timidement son sourire et avance résignée, vers la sortie de l'exposition.
Au moment où je m'apprête à franchir la porte, de lourds pas d'homme s'activent rapidement vers moi dans mon dos. Je n'ai pas le temps de me retourner, qu'une main puissante enserre mon poignet, avec une force qui me fait presque mal.
— Ce n'est pas ce que tu crois, m'affirme sévèrement Riley.
Mon regard se perd un instant dans le sien, et il change radicalement d'approche relâchant de ce fait mon bras. Je sais pertinemment que je fais pitié et cela m'agace fortement.
—Tu as raison, c'est carrément pire.
D'un coup sec, je m'extirpe de sa poigne. Un sillon bien droit se dessine entre ses deux yeux et durcit son regard. Pendant un instant, je pense avoir eu le dernier mot. Mais il n'en n'est rien. De toute sa force, il tire sur mon bras violemment, et se colle à mon corps avec excès.
Sans hésiter, ses divines lèvres viennent se poser sur les miennes sans la moindre tendresse. Il me faut à l'instant pour réaliser ce qui se passe.
Plus de doutes, c'était bien du rentre-dedans !
Mais en fermant les yeux, j'aurais juré apercevoir des nuages et un ciel d'un bleu éclatant. Riley se hâte en interrompant ce baiser furtif et me regarde froidement avant de m'assurer, les mains enserrant mes bras toujours avec force :
— Je ne l'aime pas...
Des images de lui, penché sur l'entrecuisse d'Annabelle et surtout le souvenir de cette discussion avec elle où il lui rappelait que je n'étais rien pour lui, ressurgissent directement dans ma mémoire.
— C'est pire que tout alors...
Je détourne les yeux, gênée par la situation grossière qui se révèle à moi. Mais King me saisit le menton, m'obligeant à le regarder.
— Accorde-moi au moins le bénéfice du doute.
— Et après ?
Riley semble surpris de ma repartie et cherche désespérément la bonne réponse à m'apporter afin que j'aille dans son sens.
— Après quoi ?
— Tu passeras à une autre pouliche, et encore une autre...
— Je suis déçu, je ne pensais pas que tu me jugerais sans même me connaitre...
C'est là que tu te goures...
Il enchaine :
— Plus jeune, j'étais fougueux, mais ce n'est plus le cas. Je mentirais si je te disais que je n'aimais pas la compagnie des femmes. Il m'est arrivé de passer du bon temps, mais tout ce qui concerne Annabelle est purement stratégique.
Certes je déteste cette fille mais je ne souhaite a personne d'être traitée comme le tableau qu'il me dépeint.
— C'est affreux. As-tu déjà été amoureux au moins ?
Ces mots semblent s'être dérobés de ma bouche. Comme dirais l'autre j'ai pensé à haute voix. Un haussement de surprise venant de Riley et sa réponse me laisse perplexe.
— Oui, et c'est toujours le cas. Mais ça ne m'empêche pas d'être là maintenant à te convaincre...
— Riley, chéri...
Des bruits de talons claquant sur le sol, une voix snobinarde, pas de doutes à avoir. Ma tête se tourne lentement vers Annabelle qui se déhanche, le sourire triomphant aux lèvres.
Ma pauvre, si tu savais...
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