Chapitre 46 - Le gris de la tempête
Cette soudaine proximité me donne vertige.
— Je ne sais pas Riley. J'ai commis une erreur. Je pense qu'il vaut mieux pour moi tout oublier et passer à autre chose.
Estomaqué, son sang ne semble faire qu'un tour. Il réfléchit un instant, et tente de me culpabiliser :
— C'est moi ton erreur ?
Au pied du mur, je souffle durement et m'apprête à lui répondre ce que je ne pensais jamais prononcer.
— Je crois. Tu es mon employeur et tu es officiellement fiancé. Pire encore tu fiches complètement de moi. Alors tant pis, si cela me coûte ma place, mais je crois qu'il est temps pour moi d'être honnête.
— Je ne me fiche pas de toi... Mais ta place ? Tu crois que je vais te virer pour ce que tu viens de me dire ?
— Je ne sais pas... Ce ne serait pas la première fois pour toi. Et puis, maintenant que tu m'as eu, tu n'as plus vraiment de raison de me garder. Fais ce que tu veux, excuse-moi il faut vraiment que j'y aille.
En tournant les talons, je ne m'attends pas à ce qu'il me retienne par le bras et m'attire contre son torse chaud.
— Tu sais, je n'ai été amoureux qu'une seule fois dans ma vie, et je le suis toujours. Pour autant, je n'ai jamais considérés mes partenaires comme des trophées. Ni même toi...
— Tu n'es pas obligé de faire ça.
— De faire quoi ?
— Te montrer gentil tout à coup et de m'expliquer pourquoi tu baises autant de femmes en même temps.
— Je n'ai jamais... Jamais tu m'entends, baisé plusieurs femmes en même temps. Enfin, pas sans leur consentement... On me qualifie peut-être de collectionneur mais je ne suis pas infidèle. Toutes les relations que j'ai pu avoir, étaient des histoires de cul sans lendemain.
Il m'achève...
—Ce n'est pas la peine de m'expliquer, je l'ai compris lorsque je suis tombé sur une femme en appelant, l'autre soir.
— Quoi ?
— Après notre... Entrevue dans les archives. Je t'ai appelé le soir et tu étais sous la douche ...
— Alors c'était pour ça que tu m'as torturé toute la semaine ? La femme que tu as eu au téléphone, c'est Angelica ma sœur.
— Ta sœur ?
— Oui. Je l'ai fait venir de New York afin qu'elle rencontre Annabelle. Nous avons un nous avons un repas de famille hier avec mon père et celui d'Annabelle.
Tout s'enchaîne à vive allure dans mon cerveau, la présence de son père chez Just Dress, son absence d'hier. Tout coïncide...
C'était pour le mariage. Il ne m'a pas menti ! Comment je peux être aussi bête ?
Troublé, j'essaie de garder toute crédibilité, et m'attarde finalement sur son seul tort actuel.
— Et Annabelle ? Ta fameuse fiancée. Tu l'aimes ?
Je connais déjà sa réponse.
— Je te l'ai déjà dit, et te le répète, je ne l'aime pas. Je sais que tu ne me crois pas, mais elle non plus, n'a aucun sentiment pour moi.
— Cela ne t'a pas empêché de la baiser à tour de bras avant même vos fiançailles.
— Qui t'as raconté ces conneries... C'est Bakes, quand il te tringle, c'est ça ?
Le ton monte.
Mais qu'est-ce que Bakes a avoir la-dedans?
Il prétend que je baise avec tout ce qui passe comme lui. Il est parano et ... Peut-être jaloux.
— Tu sais, nous ne parlons pas boulot pendant qu'on baise comme tu dis... Je travaille à tes côtés figure-toi. J'ai des yeux et des oreilles. Ta précieuse fiancée se plaît à raconter tous vos ébats aux vipères du coin. Tout le monde est au courant.
Le regard noir de Riley s'intensifie et me glace les os. Aussitôt King efface la distance qu'il reste entre nous et tente d'agripper mon menton pour me dominer de sa hauteur. Mais je l'esquive, et il revient à la charge en me lacérant presque avec ses ongles.
— Écoute, je n'ai jamais baisé Annabelle. Nous n'avons eu que des petites d'histoires sans incidence, mais je ne l'ai jamais embrassé auparavant, ni même jouit en elle, comme j'ai jouit en toi.
Touchée.
Le souvenir de l'aveu d'Annabelle à Frida dans les toilettes ainsi que la conversation que j'ai intercepté dans le bureau entre deux, me reviennent en mémoire. Ma colère est telle que j'en avais oublié cette partie de l'histoire.
Décontenancée, je me remémore les ragots rapportés d'Alyssa concernant son passé houleux avec les anciennes employées avant que son père ne lui laisse les rênes. Et oui, c'est pitoyable, sachant que cela doit dater de plusieurs années.
Mais bon, quand on a tort on se retient aux branches comme on le peut !
Pendant un instant, je faillis baisser les armes, mais je me félicite de recouvrir un minimum la raison. En ôtant mon menton endolori de ses doigts, je tente de le toiser avec mépris. Ses yeux d'un gris brûlant me transpercent toujours, et je tente le tout pour le tout afin de remporter cette bataille.
— Tu n'es pas blanc comme neige Riley. Tu sais quoi ? Baise qui tu veux. Je m'en fous ! Tu peux me virer si ça te chante, ou bien me laisser fréquenter qui je veux puisque de toute façon tu n'as aucun pouvoir là-dessus.
— Et si je veux te baiser encore et encore ?
Oh mon Dieu.
Vite reprends-toi !
— Je ne suis pas ton jouet.
Sans même prévenir, ses lèvres chaudes viennent se poser sur les miennes, et sa langue si douce s'immisce dans ma bouche pour venir caresser le palais. J'ai tellement rêvé de cet instant que je me m'interroge sur la véracité du moment. Sans aucune volonté je me laisse encore faire pendant quelques secondes avant d'interrompre le baiser. Ses mains parcourent mon visage et nos souffles se mêlent comme s'ils avaient toujours été de pairs.
— Kira, laisse-moi te posséder...
Son murmure mourant dans une supplication divine résonne en moi et me mutile intérieurement.
— Et Annabelle... Je ne peux pas faire ça.
— Kira, ce n'est qu'une question de temps avant que j'annule ce mariage factice. Comme je ne te l'ai déjà dit ce n'est plus une stratégie pour moi ... Je ne peux pas perdre l'entreprise.
— Stratégie de quoi ?
— C'est trop long à t'expliquer...
Désespéré, ses mains me quittent et me poussent dans un vide profond. Une vague de tristesse envahit son visage, et me bouleverse. Je repense alors à la proposition de Carvin, et je comprends. Je pense que depuis le début King a deviné ce qui se tramait dans son dos et s'est fiancé pour pouvoir doubler Carvin...
Même si je ne parviens pas à tout lui pardonner sur le plan affectif, je reconnais que son dévouement pour l'entreprise de son père mérite le respect. Songeant à la décision qu'il met dans l'obligation de donner dans quelques jours à Carvin, mon choix se fait alors lumineux dans mon esprit. Je vais en perdre ma carrière.
Un coup d'œil à la pendule me rappelle à quel point Sharon va être en colère lorsque je vais franchir la porte de la galerie. Aussi je ne tarde pas plus, et me dirige vers la porte en adressant seulement ces deux mots à mon ex-amant, dans un souffle douloureux.
— C'est fini...
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