Chapitre 70 - Super Sharon
Bien entendu, j'arrive en retard à la galerie, les cheveux mal peignés et mes lunettes noires posées sur le nez, qui ne cachent aucunement les traces de ma folle nuit. J'entends de loin, la voix stridente d'une Sharon au bord du massacre.
— Ce n'est pas possible d'être aussi bête... Je vous ai dit à gauche !
Le pauvre homme n'a pas de chance. Très loin de l'idée qu'il fasse mal son travail, le bougre a simplement affaire a une femme aux portes de l'implosion, qui n'a que ce punching ball humain pour se défouler.
T'inquiète mon gars, je prends le relais !
Les yeux cernés de ce quinquagénaire partiellement chauve, se plissent à ma vue, essayant tristement de voir si je ne porte pas ma cape de super héro pour le sauver.
— Sharon ?
Cette dernière se retourne subitement vers moi. Les mains sur les hanches, un pinceau coincé dans ses cheveux auburn, elle me lance son regard le plus meurtrier, qui ferait pâlir un mort.
— Qui êtes-vous ? se moque-t-elle sans sourire.
Je ne rétorque pas, je l'ai bien mérité. L'homme sourit, et retourne discrètement à sa tâche, nous abandonnant dans la grande salle où se déroulera la vente aux enchères.
— Katherina, tu te rends compte ? On s'apprête à vivre la soirée la plus importante de nos vies et tu te prends déjà pour une rock star. Non mais, tu as vu tes cheveux ? On dirait Kristen Stewart avec le maquillage de Britney Spears qui revient de boîte.
— Tu n'as pas tout à fait tort pour la deuxième partie.
Sous le choc, ses longs bras fins tombent de chaque côté de ses hanches et sa bouche s'entrouvre d'étonnement.
— Non, t'es allée en boîte ?
Son ton grinçant me vexe. Cherchant mes mots dans l'espoir de marquer au moins un point à ce combat perdu d'avance, Sharon enchaîne :
— Sans moi ?
Nous échangeons un regard intrigué, avant de nous mettre à rire comme deux frangines ressassant le passé.
— Bon allez, viens on va voir tes toiles ! Mais je veux que tu me racontes ta soirée.
Elle ne va pas être au bout de ses peines !
Ce que j'aime avec Sharon, c'est que je peux tout me permettre, et poser mes mots comme ils me viennent. Elle sait tout de ma vie, et ne rate jamais un nouvel épisode de « La vie trépidante de Kira ».
Mon amie patiente en m'écoutant scrupuleusement. Puis, à la fin de mon petit monologue, elle me sort :
— Et tu as rappelé Kingsrock ?
— Pourquoi veux-tu que je l'appelle ?
— Bah, ça a dû l'étonner de te voir comme ça...
— Il sera encore plus étonné ce soir... Je ne préfère pas lui embrouiller l'esprit.
Un son incroyablement chaleureux et amusé sort du fond de la gorge de Sharon avant qu'elle ne m'achève :
— Je crois que c'est raté. Il est déjà accro...
— Ça ne durera pas...
Une vague de tristesse m'emporte et je sens les larmes monter. Mon amie, saisit le malaise et change de sujet pour m'empêcher de m'écrouler sur place. Nous nous retrouvons dans la petite salle réservée aux chevalets abritant les nombreuses toiles des artistes comme moi, laissant notre avenir de peintre dans les mains de fées de Sharon.
Pour la vente aux enchères, j'ai prévu de laisser cinq toiles en ventes, dont le paysage orageux que j'ai peint en pensant à Riley. Me rappeler l'état d'esprit dans lequel je me trouvais en la réalisant, me bouleverse une fois de plus.
— Au fait, j'ai vu Maisy Guivers hier, elle m'a appris que tu recevras trente pour cent du total de ta vente.
La confusion me guette, ainsi que les rides d'inquiétude qui l'accompagne.
— Mais, je pensais que tout allait à l'association !
— Oui, mais Maisy a été très touchée en voyant tes toiles. Je lui ai raconté que ce n'était pas ton activité principale et elle s'en est offusquée. Donc, voilà sa façon de te remercier...
— Bah , écoute ... Je ne sais pas trop quoi dire...
— Je n'y suis pour rien, me lance-t-elle dans un immense sourire.
Bien sûr que je lui dois, à charge de revanche Sharon !
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