Chapitre 90 - L'intendant
Le reste du trajet qui nous sépare de la galerie à DCK se fait en silence. Mais en arrivant à l’angle de rue, offrant une vue imprenable sur le bâtiment, Jeffrey freine et grogne presque tandis que je m’enfonce, les yeux exorbités, dans le siège de la voiture.
Une vingtaine de journalistes se trouvent agglutinés devant les portes et guettent les arrivées et départs du personnel de Riley.
Mon Dieu, les pauvres... lancé-je en un murmure manquant d’air.
— J’espère qu’il n’est pas là-dedans... Mademoiselle Crossley, on ne peut pas y entrer, cela attiserait ces vautours.
— Non, c’est sûr. Mark vous a dit qu’il avait fouillé partout ?
— Je ne sais pas. Il a seulement insisté sur le fait qu’il ne s’était pas présenté à son bureau. Je doute qu’il fasse allusion à tout le bâtiment. Mais pourquoi se terrerait-il ici, sans monter au sixième étage ?
Je ne peux pas lui parler du premier étage et de ce qu’il s’est passé entre lui et moi parmi les archives. Rien que d’y penser, je rougis et tente de retrouver un minimum de prestance afin de ne pas éveiller ses soupçons.
— Je sais qu’il se rend dans l’ancien bureau de son père de temps à autre, parce que personne ne vient le chercher la-bas. J’ai pensé que c’était une cachette idéale...
Jeffrey gobe mon histoire cachant une vérité bien plus probante et tapote le volant après s’être garé discrètement, à quelques mètres de ces oiseaux de malheurs. Soudain une idée me vient.
— Je vais appeler Mark. Il doit être dans tous ces états. Annabelle est toujours ici ?
— Non mademoiselle. Monsieur Riley l’a congédié dès le lendemain de la soirée de bienfaisance. Cette déclaration me surprend. Je n’avais pas imaginé qu’il en viendrait à la virer...
— Mais, le... le mariage ?
Mes yeux brillent bien plus que je ne le désire, ce qui n’échappe pas à Jeffrey qui tente maladroitement de m’apaiser dans mon tourment.
— Il n’est plus question de l’épouser avec tout ce qu’il s’est passé Mademoiselle. Si je peux me permettre... Je ne pense pas que Monsieur Riley l‘ait aimée une seconde... même s’ils se connaissent depuis fort longtemps. Il a juste passé... du bon temps avec elle.
Si l’intention de Jeffrey était bien de me réconforter, cela n’a réussi qu’à moitié. Me voilà rouge pivoine, lorsque ses yeux bruns glissent sur moi d’une manière quelque peu personnel. Mais, Jeffrey se reprend aussitôt, regardant ailleurs, galamment, le temps que je me ressaisisse.
— Bien.. hum... Je vais voir comment ça se passe la-haut, au moins.
Je laisse chaque tonalité emprégner mes tympans, jusqu’à ce que la voix hystérique de Mark ne vienne m’arracher une grimace, m’obligeant à décoller le téléphone de mon oreille.
— Oh ma chérie ! Mon Dieu ! J’étais désespéré. Je me demandais ce que j’allais faire. J’étais à deux doigts de jeté l’éponge et POUF tu m’appelles. Tu ne peux pas savoir à quel point...
— Mark ! Calme-toi ! Respires ! Tu parles trop vite. Où es-tu ?
— A la place de cette chère Alyssa, qui a choisi son jour pour être malade. Elle n’a même pas appelé pour s’excuser. Elle me laisse dans une merde noire cette... cette...
— Je ne veux pas entendre la suite Mark...
Je réfléchis un instant, et mes doutes ne sont plus à confirmer. C’est bien Alyssa qui a divulgué l’information concernant la stagiaire et Riley. Je me rappelle très nettement, le jour où elle s’était confiée à moi, à ce sujet. Mais je ne voulais pas entendre qu’elle était capable de salir son image en public comme cela... Je suis déçue...
Et si c’était ma faute ?
Après tout, j’avais connaissance de son rapprochement avec Well, qui semblait bien être le seul qui lui avait fait des avances depuis longtemps. Mais mon accusation au grand jour a dû changer la donne. La secrétaire se retrouve seule. Elle pleure sur l’épaule d’un gentil journaliste qui lui tend un mouchoir et... Elle se fait berner.
Perdue dans mes pensées noires, Jeffrey fronce des sourcils en me voyant me décomposer en silence. Mark, m’interpelle plusieurs fois au téléphone et je finis par raccrocher Terre au bout d’un long moment.
— Mark, oublie Alyssa ! Tu récupères la meilleure secrétaire que nous ayons à l’accueil général et tu lui demandes d’annuler tous les rendez-vous de Riley pour la semaine. Elle répondra au téléphone en se montrant évasive, en te prévenant des appels les plus importants. Toi, tu lâches la création pour le moment et tu restes dans mon bureau. Je communiquerais avec toi par téléphone un peu plus tard. Où en est la sortie du magazine ?
— Il n’est pas encore bouclé... Mais, il reste encore la deuxième page et il n’y a plus Annabelle pour la faire... Kira on est dans la...
— CALME-TOI ! Je vais t’aider, mais il faut que tu te concentres. Envoie-moi toutes les informations par mail, toutes les pages qui sont faites ou pas encore terminées. Je bosserais de chez moi. Préviens les collaborateurs que nous n’auront pas de retard. Il me reste deux jours, je vais y arriver Mark. Fais-moi confiance.
Mon ami renifle bruyamment et me remercie comme si je venais de lui sauver la vie. J’attends qu’il reprenne ses esprits et en vient au fait quant à la raison première de mon appel.
— Mark, es-tu sûr que Riley n’est pas là ?
— Où veux-tu qu’il se cache. J’ai bombardé son téléphone de messages... J’ai même appelé son père pour...
— Je sais ! C’est lui qui m’envoie. Mark chéri, tu vas prendre l'ascenseur l’air de rien, et va voir au premier étage.
— Le premier ? C’est quoi ça déjà ? Les archives ?
— Oui ! Il y a un bureau tout au fond des archives. Vas-y et rappelle-moi une fois là-bas, s’il te plait !
— Très bien, je te rappelle.
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