Chapitre 7

10 minutes de lecture

Maintenant que la petite fée savait voler, le voyage lui parut plus facile, même si de nombreuses pauses étaient nécessaires à cause de son inexpérience. Sol ne parlait jamais pour rien dire et ne questionna pas son amie sur sa destination.
Un soir, elles dormirent sur les rives d’un grand lac d’un bleu profond parsemée de milliers de petits points dorés, reflets des cieux étoilés. Au matin, la petite fée se pencha au-dessus de l’eau pour boire et étouffa un cri de surprise.

— Sol ! Réveille-toi ! Il y a une fée dans l’eau qui m’observait.

Sol marmonna et rejoignit sa compagne au bord du lac. Jetant un coup d’œil à sa surface, elle éclata soudain de rire, laissant la petite fée interdite.

— Ahah il y en effet une fée qui te regarde et elle n’est nulle autre que toi-même. C’est ton reflet !

— Mon reflet ? répéta la petite fée dans un murmure. C’est la première fois que je me vois. Je croyais que c’était une déesse tellement elle brillait... tellement je brillais...

Très émue, elle se contempla encore quelques instants. Jamais elle n’aurait cru être si lumineuse. Que de gratitude la traversait pour avoir entrepris ce périple. « Jamais je ne regretterai d’avoir quitté les souterrains et d’être partie à l’inconnu » songea-t-elle.

Au bout de quelques jours, les Collines de Feu se dévoilèrent devant elles : paysage volcanique, teinté de rouge et d’orange par la lave qui dévalait régulièrement les pentes des volcans.
Elles pénétraient dans le Royaume du feu et des Dragons dont lui avait parlé un peu Sol.

La petite fée s’interrogeait sur la façon de traverser les rivières de feu en toute sécurité. Leurs ailes fragiles supporteraient-elles autant de chaleur ? D’un regard, elle sut que Sol se posait lesmêmes questions. Il leur fallait un guide qui connaissait bien les lieux. Elle se tourna vers Sol.

— Sol, dis-moi, tu viens de ce Royaume n’est-ce pas ?
— En effet, mais c’était il y a si longtemps que je ne m’y sens plus chez moi.

— Un dragon nous aiderait-il à passer de l’autre côté ? Osa la petite fée, qui n’en avait jamais vu de sa vie.

Sol la regardait d’un air confus.

— Ces créatures sont très puissantes mais difficiles à aborder et, surtout, elles peuvent être très dangereuses.

— D’accord. Mais, si j’arrivais à en appeler un avec le cœur pur, nous aiderait-il ? Insista-t-elle.

— C’est possible, admit Sol un peu à contre cœur. Par contre, il peut aussi nous brûler de son souffle de feu si ça lui prend. Remarque, vu ce que tu as fait avec moi, je pense que si une personne peut faire d’un dragon un allié, c’est bien toi.

La petite fée se sentait forte et plus vivante que jamais grâce aux six morceaux de son cœur reliés à nouveau ensemble. Elle avait compris que son pouvoir résidait dans la force de sa
voix ; alors après avoir inspiré longuement, elle entonna un nouveau chant invocatoire empreint de respect et de paix mêlés à la pureté de son cœur.

Ô Créature céleste, née de l’air et du feu

Que la puissance de tes ailes me porte,

Que la lumière de l’Etoile, reine des cieux

Te guide vers moi et me réconforte

Ô Dragon, Sage parmi les Sages

Ressens mon appel au voyage

Ici et maintenant, je suis
Là où mon destin s’accomplit

Montre-moi tes yeux de braise

Et ton souffle sacré et brûlant,

Effluve des Dieux et Déesses

Apparais dans le cœur du vent

Naladeth Isia il Mendera kelys Ka

Son appel terminé, elle se rendit compte qu’elle voletait à quelques dizaines de centimètres du sol.

Sol la regardait, émerveillée.

— Quand tu chantes, une aura flamboyante t’entoure et ça t’a même transportée dans les airs sans que tes ailes ne bougent ! Décrivit-elle.

Elle ne put en raconter davantage car une ombre imposante les survolait. Un très grand dragon rouge et or se posa près d’elles et les jaugea longuement du regard sans dire mot puis une voix profonde et impérieuse jaillit de sa gorge.

— J’ai capté ton appel jeune fée. Je suis surpris qu’une personne comme toi puisse avoir tant de pouvoir sur les dragons. J’ai été choisi pour voir de mes yeux la magicienne capable d’un tel prodige.

— Je te remercie d’être venu si vite ô dragon de feu. J’espérais, humblement, que tu pourrais nous aider à passer sans encombre ces collines de feu, qui nous brûleraient à coup sûr.

Le dragon gronda et approcha sa tête à quelques centimètres de celui de la petite fée.

— Tu m’as appelé pour te servir de monture ?

Un souffle chaud sortit de ses narines.

Sol lançait des regards effrayés à la petite fée. Mais cette dernière demeurait calme et impassible face à la créature, qui menaçait d’exploser à tout instant.

— Ô dragon, ne te méprends pas sur ma demande. Je n’exige aucunement de toi de servir de monture et je ne me servirais pas de mon pouvoir pour te contraindre. J’ai bien trop de respect pour ta royale et magnifique présence. Tu as la capacité de nous dissoudre en une seconde par ton souffle ardent, je ne me risquerais jamais à te provoquer. Permets-moi de te montrer, en toute innocence, la raison de ma requête.

Et elle posa sa main courageusement et en confiance sur le museau de l’immense créature. Une lueur émana du contact entre les deux êtres et le dragon prit connaissance du parcours de la petite fée mais aussi de son destin. Elle devrait fusionner avec une âme exceptionnelle pour le réaliser.

Le dragon se redressa dans toute sa majesté et autorisa les deux fées à grimper sur lui. Il savait ce qu’il devait accomplir. Les Anciens attendaient sa venue. Le vol dura quelques minutes seulement car avec ses grandes ailes il pouvait parcourir la surface de ce monde en quelques heures à peine.

Il se posa sur une large corniche qui dépassait du flanc d’un volcan actif et menait à une imposante porte unie à la roche.

— Ma participation à ta quête s’arrête ici, à la Caverne des Anciens. Dès l’instant où tu m’as touché j’ai compris que je devais t’y déposer. Cette Caverne est sacrée entre toutes pour mon peuple, nous en sommes les Gardiens.

— Qu’est-ce qui m’attend à l’intérieur ? Questionna la petite fée.

— Ce que tu es venue chercher. Il est interdit d’y pénétrer sauf les personnes appelées par la Caverne. Je te laisse donc découvrir seule ce qui t’attend.

Sol suivit la petite fée mais le dragon s’interposa entre elles et avertit d’une voix forte :

— Non, seule cette fée peut entrer. Toi, dit-il en désignant Sol, tu repars avec moi, je te ramène à ton peuple, tu as toi aussi ta propre destinée à accomplir.

Les deux fées écarquillèrent les yeux et se regardèrent de longues secondes. Sol rompit le silence la première.

— Je suis heureuse d’avoir pu t’accompagner jusqu’ici. Je te dois la vie et, peu importe où tu seras, si un jour tu as besoin d’aide, appelle-moi, je t’entendrai !

Elle tendit à la petite fée un petit coquillage rouge et lui montra comment s’en servir.

Elles se serrèrent l’une contre l’autre puis le dragon s’envola, Sol sur son dos. La petite fée les fixa jusqu’à ce qu’ils aient disparu à l’horizon, dans le soleil couchant. Enfin, elle se tourna vers la gigantesque porte en pierre de la Caverne, taillée avec splendeur et finesse. Elle semblait aussi ancienne que le monde. Elle s’approcha doucement et lorsqu’elle tendit la main vers la porte, celle-ci s’ouvrit mystérieusement. Un dernier regard en arrière et elle rentra dans la montagne, la porte se refermant dans son dos dans un grondement sourd.

Elle s’était attendue à un endroit sombre, comme dans les souterrains où elle avait vécu, mais, étonnement, c’était loin d’être le cas ; les murs de la Caverne diffusaient une douce lumière grâce aux millions de petits cristaux qui occupaient les parois. L’endroit était spacieux et l’atmosphère sacrée. De l’eau recouvrait une grande partie du sol. Elle avança sur la fine couche d’eau et la magie se produisit : à peine son pied touchait la terre mêlée à l’eau qu’un son musical en sortait en s’illuminant. Quel prodige était-ce là ? La petite fée dansa sur ce sol merveilleux dans un spectacle son et lumière. Et elle riait et chantait. Tant de magie existait dans ce monde. Son cœur débordait de joie et d’amour.

Ce moment d’enchantement terminé, elle perçut une présence féminine, tel un fantôme, dans un coin de la caverne. L’apparition se trouva soudain devant ses yeux : nue, aux ailes diaphanes, la peau dorée, des cheveux de lumière mais comme en filigrane, presque invisible. La petite fée crut s’évanouir quand elle reconnut qu’il s’agissait d’elle-même. Son autre Soi lui fit signe de la suivre, le doigt posé sur ses lèvres pour l’inciter à garder le silence.

Ensemble, elles traversèrent une galerie, plus sombre que la Caverne, qui débouchait sur une autre salle, gigantesque : le cœur du volcan. Une chaleur intense s’en dégageait. Un lac et une rivière de lave incandescente bouillonnait. La petite fée continua de suivre son alter égo, en confiance, le long d’un étroit sentier qui menait à un pont de pierre suspendu, ancien et ébréché par endroit.

S’armant de courage, la petite fée parcourut le pont lentement. Une cascade de lave coulait le long de la paroi et, dans un bruit crépitant la lave déposa sur le pont, devant la petite fée, une grosse pierre rouge translucide. Elle la prit dans ses doigts car la pierre avait refroidi instantanément. Se tournant vers son autre Soi pour lui demander conseil, la petite fée vit qu’elle n’était plus présente. Elle décida de garder la pierre avec elle et de continuer son chemin.

Au bout se trouvait une jolie arcade de feu et derrière, un long couloir aux parois rouges comme la pierre. Celle-ci s’activa et envoya sur les parois ses rayons grenat. Des images se formèrent dans les murs mais elles défilaient trop rapidement pour que la petite fée en comprenne le sens.

Une porte de bois, de pierre et de cristal barrait la route à la petite fée, car elle ne parvenait pas à l’ouvrir en dépit de ses efforts. La clé n’était pas non plus son chant. Terminus. Elle ne pouvait plus faire demi-tour, elle devait solliciter son intuition profonde. Elle s’agenouilla devant la porteclose, déposa le cristal rouge devant elle et médita. Une voix surgit de nulle part au bout de nombreuses minutes.

— Qui es-tu ?
La fée, surprise, regarda partout mais ne vit nulle trace d’être.

— Je... Je ne sais pas, répondit-elle, penaude.

— Qui es-tu ? Répéta la voix.
— Je suis une fée ! Cria-t-elle.

La voix se tut mais rien ne se passa. La belle créature ailée chercha la réponse au plus profond d’elle puis au bout de quelques secondes elle l’entendit à nouveau.

— Qui es-tu ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Qui elle était, c’était ce qu’elle avait entrepris de découvrir dans cette quête. Elle avait espéré qu’on le lui révèle et non pas l’inverse. Comment pouvait- elle savoir qui elle était ?
La petite fée laissa les questions envahir son esprit mais sans chercher à les contrôler ou les retenir. Elle se contenta de les observer.

Au bout d’un temps infini, elle ne fut plus qu’un point lumineux qui se fondait avec le tout. Elle était la porte devant elle, le sol sous ses genoux, la lave qui s’écoulait, l’eau de la Caverne qui clapotait, le dragon qui volait, Sol qui dormait, la gardienne des Eaux Sacrées qui chantait, la marmotte qui jouait, Nalaïs qui cueillait des champignons, la sirène Perla qui nageait, l’oiseau qui pêchait, le désert immobile, l’arbre serein, les créatures du monde souterrain qui l’avaient rejetée, l’air qu’elle respirait. Mais aussi ce nourrisson qui venait de naître et dont l’âme l’appelait sans relâche, elle, la petite fée. Elle était le monde qui l’entourait et en effet, elle n’était jamais seule.

La petite fée ouvrit les yeux, émue aux larmes. Elle était partie à la quête de son identité à l’extérieur d’elle-même alors que ce qu’elle cherchait était en elle depuis toujours. Elle se releva doucement et articula d’une voix forte et sûre :

— Je Suis !

Un cliquetis se fit entendre et les portes s’ouvrirent sur une lumière éblouissante. A l’intérieurseule cette lumière existait. La petite fée porta la pierre rubis contre son cœur, une larme tomba sur le cristal et ce dernier s’évapora pour laisser place à son reflet matérialisé, qui avait disparu plus tôt. Elle l’enlaça et lui murmura :

— Tu es le dernier morceau de mon cœur, je le sais. Tu es moi, je suis toi et je t’aime. Bienvenue à la maison.

Son autre Soi lui sourit et la petite fée lui rendit ce sourire, puis son reflet se décomposa en une spirale dorée et compléta enfin son cœur. Ce dernier morceau était AMOUR.

Recouvrant tout son éclat et sa magnificence, la petite fée fusionna avec la lumière derrière la porte. Son corps disparut mais sa conscience demeurait.

— Tu as brillamment réussi les épreuves, chantonna une voix cristalline en elle, tu es maintenant prête à te parer d’un nouveau corps et éveiller dans le monde tout ce que tu as appris.

Elle sentit un mouvement l’entraîner loin du volcan, loin du monde. Dans son cocon de lumière, la petite fée entraperçut une image approcher de plus en plus rapidement, ou bien était-ce elle qui s’approchait de la vision ? Elle percevait un nourrisson au regard ambré – celui-là même qu'elle était devenue dans sa méditation– étendu sur une pierre plate dans une forêt éclairée par la lune et une très vieille dame à ses côtés, un long bâton muni d’une pierre verte à son sommet, dans sa main droite. Soudain, la femme fixa la petite fée en souriant, comme si elle la voyait juste devant elle, et leva son bâton, dont la pierre émeraude s’était mise à briller. Le cocon de lumière, contenant la petite fée au cœur pur, se retrouva dans ses mains grêles et ridées.

— Te voilà enfin belle lumière, souffla-t-elle soulagée, je savais que tu réussirais à entendre l’appel de l’âme et du corps de cet enfant. Il est temps de rejoindre ton nouveau vaisseau de chair. Cette terre a besoin de vous.

La vieille magicienne formula des incantations et lia la petite fée, devenue pure lumière, dans le corps du nourrisson. Leurs âmes se mêlèrent et la petite fée n’exista plus que dans le cœur de l’enfant pour toute son existence terrestre, lui apportant dans sa vie toutes les qualités précieuses vaillamment obtenues : Espoir, Courage, Confiance, Gratitude, Pardon, Compassion et Amour.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Mélodie Or ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0