Chapitre 5 - 26 avril 2014

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J’avais mal. Je sentais de puissantes vagues déchirer mes entrailles et mon bassin. Je n’étais plus que douleur. Je hurlais, et ça me libérait tellement.

Paradoxalement, après coup je n’aurais pu dire que cela m’a fait souffrir. J’ai seulement pu exprimer ce que je ressentais, ce qui m’a permis de vivre cette expérience de manière optimale.

Je m’écrasais presque après chaque contraction. J’étais à quatre pattes. Mon corps se sentait bien ainsi et en avait besoin pour affronter l’épreuve que je vivais.

J’ai eu une sensation étrangement familière tout à coup. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir plus longtemps avant d’articuler dans un souffle :

- J’ai envie de faire caca.

Léa a tourné la tête vers Sébastien et lui a dit, doucement :

- C’est normal, elle a l’impression que le bébé veut passer par derrière, mais c’est bien par devant qu’il va sortir !

Elle a pris ma main et j’ai senti une très forte chaleur en bas. Ma vulve me brûlait. Je gémissais de douleur, et me suis même mise à légèrement pousser à la contraction suivante. Mon corps faisait ça tout seul et je savais ce que cela voulait dire…

Je regrettais presque de m’être tortillée et plainte pour si peu, car la vraie douleur est arrivée juste à ce moment-là, si forte que mon corps n’a eu envie de faire qu’une seule chose : pousser de toutes ses forces.

Je sentais qu’une pastèque était en train de me déchirer, et c’était affreusement stressant. Mais je ne pouvais faire que pousser, je n’arrivais même pas à reprendre mon souffle entre deux contractions. Mon corps avait besoin de faire sortir ce bébé rapidement.

Puis la douleur s’est calmée d’un coup : la tête était passée. J’ai mis une main entre mes jambes pour ne pas laisser mon bébé tomber plus que pour établir un premier contact. Puis, j’ai poussé encore une petite fois pour que son corps quitte le mien. Je me relevais un peu pour passer ma deuxième main entre mes jambes et la prendre dans les bras, et me suis assise sur mes chevilles repliées sous mes fesses.

Le contraste avec ce que j’ai ressenti quelques secondes auparavant était choquant.

Elle était belle comme le jour. Je ne pouvais pas me sentir plus heureuse qu’en ce moment. Plus rien ne pouvait m’arriver.

Il s’est passé quelque chose qui m’a bouleversée, dans cet instant de flottement, et je pouvais presque le sentir à nouveau à chaque fois que j’y repensais. Elle n’a pas pleuré, comme l’inconscient collectif le croirait. Elle a passé sa langue sur ses petites lèvres, puis a ouvert les paupières et m’a regardée intensément. Elle avait des yeux bleus très clairs, absolument magnifiques. On le lui a dit autant de fois que c’était possible pendant son enfance. Même la sage-femme de l’hôpital, qui a du voir plus d’un bébé dans sa vie, m’a dit d’un air mi-ébahi mi-admiratif, qu’elle n’avait jamais vu un nouveau-né avec des yeux pareils.

Moi, je sentais quelque chose de très spécial. Mon regard déformé de maman peut-être. Ou plein de lucidité, au contraire. Il y a avait une intelligence et une sensibilité rares chez elle. Cette petite fille, ma fille, était quelqu’un d’exceptionnel.

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