Chapitre 15 - 24 novembre 2027
- Salut, c’est moi. Tu peux me passer Anouk, s’il te plaît ?
- Oui, je vais la chercher. Tout va bien ?
- Ma mère nous veut pour manger dimanche…
- Oh.
- Comme tu dis. Je vais lui demander pour la forme mais je connais déjà la réponse.
- Je crois que moi aussi. En plus, elle est pas du tout disposée à la supporter en ce moment, je crois.
- Ah bon ? Pourquoi, qu’est-ce qui se passe ?
- Ben, je sais pas, justement. Je trouve qu’elle a un comportement bizarre. Elle est souvent distante. Elle parle toute seule…
- Ça, elle l’a toujours fait ! Rappelle-toi, son ami imaginaire.
- Oui…
- Je l’entends souvent parler tout seule, comme sa chambre est juste à côté de la mienne...
- Elle parle dans son sommeil.
- Non... je croyais, moi aussi, mais c’est pas ça. Je me suis levé pour aller pisser, une nuit, elle avait allumé sa lampe de chevet et elle parlait assez distinctement. Parfois, j’entends comme des conversations.
- Quoi ? Mais c’était quand ça ?
- Y’a deux semaines, environ, la dernière fois que c’est arrivé. La dernière fois qu’elle est venue chez moi, quoi.
- Et qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
- Je lui en ai pas parlé. Elle a 14 ans, faut qu’on lui lâche la grappe. Peut-être qu’elle répète une pièce de théâtre, elle a toujours adoré jouer des rôles.
- Oui, peut-être… Moi aussi je l’entends parler, on dirait qu’elle parle à quelqu’un. Mais on n’entend pas les réponses de l’autre. Ça me fait flipper, ça ressemble au film où une petite fille a un ami imaginaire, enfin, qu’on croit, et en fait c’est une entité diabolique.
- T’es sérieuse ? Y’a ça dans plein de films d’horreur… c’est fait pour nous faire flipper, justement. Faut pas que tu partes dans des délires…
- Arrête de me parler comme ça !
- Oui, pardon.
On a soupiré longuement.
- Mais… tu crois aux esprits, toi ?
- Non, bien-sûr. Mais là c’est troublant.
- Du coup ça étayerait la thèse de la pièce de théâtre. Ou alors elle a encore son ami imaginaire...
- À son âge ? Y’aurait un problème, non ? Elle sait bien qu’il existe pas, quand même ?
- Elle a pas trop d’amis, je crois…
- Y’a autre chose. Je sais pas, c’est bizarre... Comment elle se comporte avec toi ?
- Elle me manque un peu de respect, en ce moment. Je la reprends souvent. C’est pour ça qu’elle vient de moins en moins, je crois.
- Elle te manque de respect ? Mais, elle t’adore ! C’est bizarre, non ?
- Je sais pas… Elle est ado. Parfois, elle répond, alors je lui demande de me parler mieux que ça, c’est tout. Y’a pas qu’à moi qu’elle parle mal, quand même ?
- Non, non, bien-sûr, elle me répond à moi aussi…
- Ah! Ouf! Je commençais à me sentir le pire des pères !
On a rigolé.
- Pff ! N’importe quoi !
Trêve de plaisanterie.
- Je pense qu’elle va nous demander un portable pour Noël...
- C’est ça, oui ! Et un PC aussi, pourquoi pas ?
- Elle a l’âge, non ?
- Tu vas lui en offrir un ? Parce que c’est hors de question qu’elle s’en serve ici !
- Calme-toi, on discute. Bon, passe moi la petite, s’il te plaît !
- Oui, je vais la chercher !
On entendait monter les escaliers, et frapper à la porte de la chambre d’Anouk.
- Chérie, c’est Papa, au téléphone…
Des bruits parasites à l’autre bout du fil – imaginaire - puis :
- Oui, Papa.
- Salut, ma puce ! Ça va ?
- Tranquille, et toi ?
- Ça va, merci. Mamie et Papy nous invitent à venir manger dimanche midi, ça te dit ?
- Allez, pourquoi pas ? Ça fait longtemps !
- Tu es d’accord ?
- Oui, je te dis ! Pourquoi ?
- Je pensais que ta grand-mère te soûlait de ouf…
Elle a rigolé.
- Papa, ça se dit plus !
- Ah ouais, va falloir que je prenne des cours de langage jeune avec ma fille préférée.
- Pfff, t’es bête.
- Hé, parle pas comme ça à ton père !
- Ça va, je rigole !
- Bon, je passe te récupérer dimanche matin vers 10h ?
- OK, top !
- Bisous, ma puce, à dimanche. Je t’aime.
- Bisous, à dimanche. Moi aussi je t’aime, a-t’elle renchéri comme en répétant un texte appris par cœur.
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